jeudi 26 juillet 2012

Escobarines: Le vase


En mille éclats. Son vase. En faisant les folles toutes les deux. Son vase. Le vase qu’oncle Charles, avant de mourir, avait rapporté de Cochinchine. Auquel elle tenait comme à la prunelle de ses yeux…
La catastrophe…
– Aide-moi ! Ramasse… Vite… Avant que quelqu’un arrive…
– On en fait quoi des morceaux ?
– On les cache… Qu’est-ce tu veux en faire d’autre ?
On les a emportés, rassemblés dans nos robes relevées… Et dissimulés tout au fond de notre coffre. Sous nos jouets depuis des années inutilisés…
– Personne n’ira les chercher là…

– Quel vase ? Ah, oui, tiens ! Il n’est plus là le vase…
– On l’a pas vu, non… Qu’est-ce qu’il est devenu ?
Il a haussé les épaules…
– Je me tue à vous le répéter, ma chère amie… L’un de vos domestiques l’aura emporté…
– Pour en faire quoi, grands dieux !
– Pour le vendre, parbleu ! Que voulez-vous qu’il en fasse d’autre ?
– Je les ai tous interrogés… Aucun d’entre eux…
– Qu’espériez-vous donc ? Que le coupable allait se dénoncer derechef et implorer votre pardon à genoux ? Votre naïveté, ma chère, n’a d’égale que votre candeur…
– Qu’allons-nous faire ? Nous ne pouvons tout de même pas…
– Les soumettre à la question… C’est effectivement impossible… Jetons-en un dehors… Au hasard…
– Ce serait fort injuste…
– Mais le seul moyen d’amener le coupable, s’il lui reste une once de sens moral, à se dénoncer…

– Ils l’ont fait… Ils l’ont mise à la porte…
– Qui ça ?
– Fanchon…
– Pourquoi elle ?
– Parce que c’est elle qui nettoie le petit salon… Qu’elle s’y trouve le plus souvent toute seule…
– Elle est partie ?
– Non… Elle rassemble ses affaires… Et elle pleure toutes les larmes de son corps… Qu’est-ce qu’on fait ?
– Ben rien… Qu’est-ce tu veux faire ?
– Leur dire… Leur dire que c’est nous…
– Ah, non, non… On va être punies…
– Mais Fanchon ?
– Elle retrouvera à se placer Fanchon… Te fais pas de souci pour elle…
– Tu crois ?
– Ben évidemment…

– Vous ne savez toujours rien, Mesdemoiselles, de ce qu’il est advenu de ce vase ?
– Rien… Vraiment… Comment le pourrions-nous ?
– Il s’en est retrouvé un morceau sous la crédence…
– Alors sans doute quelqu’un l’aura-t-il cassé…
– Et qui, selon vous ?
– Nous ne le savons pas…
– Vraiment ?
– Vraiment…
– On vous a pourtant vu emporter quelque chose, dans les replis de vos robes, ce matin où il a disparu…
– On se sera trompé…
– Et les morceaux s’en sont retrouvés dans votre coffre à jouets…
– Quelqu’un les y aura dissimulés…
– Vous nierez donc jusqu’au bout l’évidence ?
– C’est pas notre faute…
– C’est celle de Fanchon sans doute ? Celle de Fanchon que vous avez laissée renvoyer, sans mot dire, sous une accusation infamante…
– Non, mais…
– Taisez-vous ! Vous êtes deux petites menteuses effrontées et lâches… Avez-vous seulement le moindre remords de la façon dont vous vous êtes comportées ? Même pas… Vous devriez avoir honte… Mais sans doute ignorez-vous ce qu’est la honte… Eh bien vous l’allez apprendre… À vos dépens… Vous allez être fessées… Et proprement… Vous allez être fessées… Devant toutes celles et tous ceux sur lesquels vous avez laissé se porter aussi injustement les soupçons…
– Oh, non ! S’il vous plaît… On ne le fera plus… On vous jure…
– Et vous l’allez être sur-le-champ… Faites-les venir, mon ami… Et vous, dévêtez-vous ! Allons !



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