jeudi 2 février 2012

Escobarines: Chez le docteur ( 4 )


2 Février

Voilà trois jours que je suis ici. Chez elle. Sous haute surveillance. Celle de Chloé, une étudiante en médecine – une amie à elle – qui ne me lâche pas d’une semelle… Où que j’aille… Quoi que je fasse… Trois jours que je n’ai pas touché la moindre cigarette. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque… Ah non alors ! Mais en attendant pas une… En trois jours pas une… C’est que ça doit être en bonne voie…

– Hein que c’est en bonne voie ?
– Tu crois ça, toi ?
– Il me semble, oui…
– Eh bien on va vérifier… C’est facile…

C’est Chloé qui me l’a apporté… Dans ma chambre… Au moment où j’allais éteindre… Un paquet de cigarettes… De ma marque habituelle… Préférée… Un paquet qu’elle a posé sur la petite table, près de la fenêtre…
– Le but de l’opération, c’est évidemment que demain matin il soit toujours là… Intact… Bon, ben bonne nuit… Faites de beaux rêves…

Je me suis tournée… Retournée… Sans parvenir à m’endormir…
J’ai rallumé… Je l’ai pris en mains… Caressé… Longtemps… Envie… Tellement envie… Non… Non… Je l’ai lâché… Non… J’ai couru me recoucher…

Et puis encore… Je l’ai ouvert cette fois… Je les ai voluptueusement senties… J’en ai sorti une… Que j’ai portée à la bouche… J’ai approché le briquet… Et j’ai tout résolument balancé par la fenêtre…

J’ai dormi… Un peu… Une dizaine de minutes… Je me suis réveillée en sursaut… Et je suis descendue… Rien ni personne n’aurait pu m’en empêcher… J’ai tout retrouvé… À tâtons dans l’herbe… Et la première je l’ai fumée là, dehors, debout dans le froid, à grandes goulées gourmandes…

Je suis remontée… De toute façon maintenant que j’avais commencé… Et j’ai fini le paquet…

– Ah, ben bravo ! Bravo ! C’était en bonne voie… La preuve !
– J’ai quand même tenu deux heures…
– Et alors ! La belle affaire ! Il s’agit pas de tenir deux heures… Ou cinq… Ou trois jours… Il s’agit de se débarrasser, une bonne fois pour toutes, de cette détestable habitude… Qui met, de surcroît, la santé gravement en danger… Oh, mais on y arrivera… On y arrivera… Tu te lasseras avant moi… Bon, mais en attendant tu sais ce qui t’attend… Tu t’en occupes, Chloé ? Mais si, allez ! Faut bien que tu finisses par commencer un jour…

À petites claques hésitantes…
– Oui, ben si c’est comme ça que tu t’y prends… Fais voir !
Une douzaine de coups fermement appliqués…
– Là ! Tu as vu ? Allez, à toi !
À elle… Qui a aussitôt mis la leçon à profit…
– Bien ! Très bien ! Continue ! T’arrête pas ! Plus fort ! Encore ! Oui… Comme ça…
Elle ne s’est pas fait prier…

– Pleure pas ! Tu y arriveras, tu verras ! On y arrivera…
– Non ! On n’y arrivera pas ! Non ! Je suis bien trop nulle…
– Fais-moi confiance ! Tu veux pas me faire confiance ?
– Si ! Oui…
– En attendant va te mettre au coin là-bas…

– Elle y arrivera ! Bien sûr qu’elle y arrivera… Parce qu’elle est pleine de bonne volonté… Et qu’elle veut sincèrement se guérir de cette sale habitude… Elle y arrivera… Quitte à ce que, si c’est nécessaire, on utilise les grands moyens…
– C’est-à-dire ?
– C’est-à-dire – regarde devant toi, toi là-bas ! Nez au mur ! Allez ! – c’est-à-dire qu’il est quelque peu vexant pour une femme de son âge – T’as compris ce que je t’ai dit ? – de recevoir une bonne fessée déculottée devant l’une ou l’autre de ses connaissances… Or, parmi mes patientes, il y en a deux ou trois, sur la discrétion desquelles on peut absolument compter, qui ne demanderaient pas mieux que de lui rendre ce petit service…

– Vous n’allez pas faire ça ?
– Bien sûr que si ! À moins que tu te montres enfin raisonnable…

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