jeudi 20 octobre 2011

Escobarines: Odette ( 3 )


- T’as pleuré, toi, dis donc !... Et pas qu’un peu…
- Le monstre !... Non, mais alors là quel monstre !... Tu peux pas savoir…
- Ah… Qu’est-ce qui s’est passé ?...
- Rien… Enfin si !... Quand je suis arrivée la bonne femme était déjà là… Je lui ai demandé où il était monsieur le comte… Elle savait pas… Ce qu’elle savait par contre c’est qu’il viendrait pas…Pas tout de suite en tout cas… « Vous êtes sûre ?... »… Ca, pour être sûre, elle était sûre… « - C’est pareil à chaque fois… - Comment ça à chaque fois ?... Quelle chaque fois ?... - Non… Rien… Vous venez ?... Que je fasse votre portrait ?... Je suis là pour ça, moi… »… Hein ?... Ah, oui… Oui… Et je l’ai suivie… On a traversé une salle avec plein de têtes de cerfs et de sangliers accrochés au mur… Qu’avaient l’air de me regarder quand je passais… Et puis après, dans l’autre pièce… non, mais alors là dans l’autre pièce !… T’aurais vu ça !...
- Eh bien quoi ?... Qu’est-ce qu’il y avait ?...
- Des peintures… De filles toutes nues… De dos… Non, mais c’était quoi tout ça ?... C’était qui toutes ces filles ?... Ben… Je devais bien un peu m’en douter, non ?... Monsieur le comte était non seulement un grand chasseur, mais aussi un grand adorateur de la femme… Ce qui voulait dire ?... Il ne les avait quand même pas ?… « - Bien sûr que si !... - Toutes ?... »… Evidemment toutes… Je croyais quoi ?... Bon, mais allez !... Si je voulais bien me déshabiller… Parce que elle, elle n’avait pas l’intention de passer toute la journée là… Que je me ?… Oui, ben alors là sûrement pas !... Elle s’imaginait quoi ?... Que j’allais me laisser épingler toute nue au mur comme ça ?... Au milieu de tout ce troupeau ?... Mais évidemment que j’allais le faire… Bien sûr que j’allais le faire… Ca ne faisait pas, pour elle, l’ombre d’un doute… Est-ce qu’on résistait à Monsieur le comte ?... Est-ce qu’on pouvait aller contre sa volonté ?... Moi, si !... Alors là, oui… Et c’est ce qu’on allait voir… Bon, mais est-ce que je me rappelais ce qui était arrivé à Manon Balvard ?... Je me rappelais, oui… La pauvre !... Et à Alice Brincourt ?... Aussi… C’était horrible… Absolument horrible… Rien que d’y penser… Oui… Et pourquoi ça leur était arrivé à mon avis ?... Je savais pas… C’était quand même pas parce qu’elles avaient pas voulu se laisser peindre comme ça ?... Si !... L’une comme l’autre… Alors maintenant à moi de voir… Si je voulais repartir je pouvais… Mais que je réfléchisse avant… Que je réfléchisse bien !... T’aurais fait quoi, toi, à ma place ?...
- Moi ?... Pour commencer jamais je serais allée me mettre dans une situation pareille… Bon… Mais alors je suppose que t’en es passée par où il avait décidé…
- J’avais pas le choix…
- Et alors ?...
- Ben et alors elle m’a peinte… Qu’est-ce tu veux d’autre ?...
- Je sais pas, moi…
- Elle m’a peinte… En me faisant des tas de compliments… Qu’elle avait rarement eu l’occasion de peindre une femme aussi belle que moi… Que si on avait eu le droit de se promener tout nu dans la rue sûr que tout le monde se serait retourné sur moi… Qu’on se serait agenouillé sur mon passage… Et elle l’a fait…
- Quoi ?... Qu’est-ce qu’elle a fait ?...
- Elle s’est mise à genoux… Derrière moi… Tu crois que c’est un péché ?...
- De se mettre à genoux ?... Je crois pas, non…
- Pas ça, non, mais de la laisser faire… Parce qu’elle y est restée longtemps… A regarder de tout près… Avec des… « Magnifique !... Absolument magnifique… Superbe !... Divin !... »…
- Et c’est tout ?...
- Oui… Enfin, non… Elle a touché… Je voulais pas, mais elle a touché…
- Touché ?... Comment ça « touché » ?...
- Du bout du doigt… Elle faisait le tour… En frôlant à peine… Des tas de tours…
- Et alors ?...
- Ben et alors c’est pas de ma faute…
- Qu’est-ce qu’est pas de ta faute ?...
- Que… après son doigt… je peux pas le dire…
- De mieux en mieux…
- J’ai pas pu l’empêcher… Personne aurait pu…
- Oui, oh, alors ça !...
- Si, c’est vrai, hein !...
- Et ça a été jusqu’où ?...
- Jusqu’où elle a voulu…
- Je vois…
- J’avais plus de volonté… Juste envie qu’elle continue… Qu’elle continue encore et encore… Qu’elle s’arrête pas surtout… C’est un péché, hein ?...
- Un peu que c’est un péché…
- Même que ce soit une femme ?...
- Encore plus parce que c’est une femme…
- Je pourrai jamais… Me confesser… Lui dire à Monsieur le curé… Je pourrai pas…
- Il faudra bien pourtant… Et après ?...
- Après elle a fini de me peindre… Elle a accroché le tableau au milieu des autres… « - Là !... Une de plus… Il va être content Monsieur le comte… A la suivante maintenant… Ca devrait pas trop tarder… »

2 commentaires:

  1. Si j'avais beaucoup apprécié la saga du "bureau des filles" pour le côté délicieusement pervers (mais gentil sur le fond) des personnages, et leurs quête feutrée d'humiliantes fessées devant témoins.
    J'aime particulièrement la lecture de cette nouvelle série par son côté léger et rafraîchissant.
    La candide Odette pourrait faire penser a la Justine de Sade mais dans un univers plus proche des contes de fées.
    François, tu es aux "histoires de fesses" ce que JP Jeunet est au cinéma français!

    Merci & bonne continuation camarade! ;-)

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  2. Pour des raisons évidentes, Jean-Philippe, l'appréciation que tu peux porter sur la façon dont j'illustre tes dessins revêt pour moi une importance toute particulière.
    Que tu les "goûtes" m'incite bien évidemment à continuer...
    D'autant que, de mon côté, je ne me lasse pas de les utliser comme source d'inspiration.
    Les lecteurs qui se pressent en nombre tout particulièrement le jeudi ne semblent pas non plus s'en détourner.
    Tout est donc pour le mieux.
    Encore merci.
    Bonne journée.

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