lundi 1 janvier 2018

Fessée de réveillon

UNE EXCELLENTE ANNÉE 2018 À TOUTES ET À TOUS.
Pleine de fessées données ou reçues, selon les cas, et ce, sans aucune modération.

FESSÉE DE RÉVEILLON 

– Tu devrais pas tant boire, Silvia.
– Oh, toi ! Tout de suite ! Mais c’est le réveillon ! Le nouvel an ! 2018 ! Si on se lâche pas un peu pour une occasion pareille, on le fera jamais.
– Tu tiens pas l’alcool… Alors si tu veux pas que…
Elle m’a tiré la langue.
– Oui, maman !
Et est allée rejoindre, son verre à la main, le groupe qui parlait fort, là-bas, près de l’entrée.
J’ai haussé les épaules. Moi, ce que j’en disais… Après tout, si elle avait envie de se mettre sur le toit, grand bien lui fasse. Elle était grande, majeure et vaccinée. Et rien d’autre pour moi qu’une copine, certes de longue date, mais une simple copine.

À minuit, elle est venue se pendre à mon cou.
– Ah, Estelle, je te cherchais. Bonne année !
– Bonne année à toi aussi…
– Je t’aime, tu sais ! Même que souvent on soit pas d’accord. Tu m’en veux pas ?
– Bien sûr que non ! Pourquoi je t’en voudrais ?
– Parce que… Oh là là ! Comment ça tourne, moi ! Oh, là là !
Elle s’est agrippée à mon épaule.
– Ça tangue, mais ça tangue !
– Tu veux que je te ramène ?
– Sûrement pas, non ! Je m’amuse trop.
Et elle est retournée, vaille que vaille, vers ses amis d’un soir.

Au fil des heures, la salle se vidait. Les bouteilles aussi. Mais pas question, pour elle, de rentrer.
– On a le temps ! On bosse pas n’importe comment demain.
Il ne restait plus qu’une douzaine de personnes quand, sur le coup de cinq heures du matin, elle a brusquement proclamé.
– C’est mon anniversaire ! Et tout le monde s’en fout. Personne me le souhaite. Ils en ont tous que pour ce putain de nouvel an.
– C’est pas ton anniversaire. T’es née en juin.
– C’est mon anniversaire, si je veux ! J’ai quand même encore le droit de décider quand c’est mon anniversaire, non ? Manquerait plus que ça ! Eh, écoutez ! Écoutez tous ! C’est mon anniversaire…
Cinq ou six verres se sont levés dans sa direction.
– Joyeux anniversaire !
– Oui ! Bon anniversaire !
Une fille a réclamé le silence.
– Eh, vous savez quoi ? Il y a toujours une fessée pour un anniversaire. Une fessée d’anniversaire.
– T’es pas con, toi ! C’est vrai ! Je l’ai vu aussi. Même que ça porte chance. Je veux une fessée !
Quatre ou cinq types – et une fille – se sont aussitôt portés volontaires.
– Moi !
– Moi !
– Non, moi !
– Vous battez pas ! Il y en aura pour tout le monde.
Et elle leur a tendu son derrière.
Les garçons se sont relayés pour lui lancer, sur les fesses, par-dessus la robe, trois ou quatre claques chacun. Plus ou moins appuyées. Plus ou moins hésitantes.
La fille a fait la moue.
– C’est pas une vraie fessée, ça ! C’est cul nu, une vraie fessée.
Les garçons ont fait chorus.
– Ben oui, elle a raison.
– Allez, cul nu !
Silvia s’est retournée, l’index pointé en l’air.
– Parce que vous croyez que je suis pas capable ?
J’ai voulu couper court.
– Bon, allez, viens maintenant ! On rentre. Je suis crevée.
– Oh, toi, ta gueule ! Depuis le début de la soirée tu m’emmerdes. T’arrêtes pas. Je rentrerai quand j’aurai envie. Mais casse-toi, toi, si tu veux. Ça nous fera des vacances. Bon, alors qu’est-ce qu’on disait, nous ?
La fille a saisi la balle au bond.
– Que t’allais te déculotter. Qu’on puisse te mettre une vraie fessée.
– Ah, oui, c’était ça.
Et elle a entrepris de se débarrasser de sa culotte.
– Silvia !
Elle m’a ignorée. A dû se raccrocher à l’un des types pour ne pas tomber. A repris tant bien que mal son équilibre. A passé une jambe. L’autre. Et a relevé haut sa robe.
– Silvia !
– Toi, la ferme !
Il y en a un qui a sifflé, admiratif.
– Wouah ! Ce cul !
Mais c’est la fille qui a tapé. À grandes claques qui lui ont rebondi sur le derrière. Qui le lui ont très vite rougi.
Il y en a un qui a protesté.
– Et nous ?
– Mais oui ! C’est vrai, ça ! Pas toujours la même.
Elle leur a cédé la place. À regret.


* *
*


Dans la voiture, elle a été prise d’une longue crise de fou rire.
– T’as vu ça ? Non, mais t’as vu ça ? Je me suis pris une fessée. Et carabinée en plus ! Ah, ils y sont pas allés de main morte. C’est tout chaud. Tiens, touche !
– Je peux pas, Silvia. Je conduis.
– Celui-là, en tout cas, de réveillon, je m’en souviendrai.
– Ah, ça, moi aussi !
– Tu la connaissais, cette fille ? C’était qui ?
– Je n’en ai pas la moindre idée.
– Elle doit avoir l’habitude d’en donner des fessées. Comment elle tapait fort !
– Vaudrait peut-être mieux que tu dormes chez moi, non ? Parce que si je te ramène chez tes parents dans cet état-là…
– Chez toi, oui… C’est plus près n’importe comment ! Et je suis tellement fatiguée.

Chez moi. Où elle s’est affalée sur le canapé et aussitôt endormie.
Edmund Tarbell Dos nu, 1898

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