lundi 2 mai 2016

La clef USB (7)

Laurent passait un temps fou avec Antoine dont il ne cessait de chanter les louanges. « C’est vraiment un type exceptionnel. Qui gagne à être connu. Qui sait une foule de choses. Sur toutes sortes de sujets. C’est un vrai bonheur de parler avec lui. » Ils étaient cul et chemise tous les deux. Et de plus en plus. Ils jouaient au tennis ensemble. Allaient voir des matches ensemble. Sautaient sur toutes les occasions qui se présentaient pour se retrouver… Alors est-ce qu’Antoine n’allait pas être tenté, un jour ou l’autre, de se laisser glisser sur la pente des confidences ? De vendre la mèche ? Si ! Bien sûr que si ! Ça allait forcément arriver. Plus j’y pensais, plus je l’envisageais et plus ça ma paraissait évident. Je les imaginais… Je les voyais… Je l’entendais : « Écoute, Laurent, il faut que je te dise quelque chose. Quelque chose d’important. J’ai longtemps hésité, mais garder ça pour moi, c’est au-dessus de mes forces. Il faut que tu saches… Christina… Christina à qui tu fais si aveuglément confiance, eh bien Christina… »

Il était sous la douche.
– Ah, oui, à propos… J’oubliais… J’ai invité Antoine à dîner… Samedi soir…
– Antoine ? Samedi soir ?
– Oui… Ça t’ennuie ?
– Oh, non ! Non ! Pas du tout !
Ça ne m’ennuyait pas, non. Ça me terrorisait. Parce que ça sentait le traquenard ce repas. Le coup fourré. Ils étaient de connivence si ça tombe. Ils s’étaient mis d’accord pour me coincer. Pour tout mettre sur la table. Ou bien alors Antoine allait prendre un malin plaisir à multiplier allusions et sous-entendus tout au long de la soirée tant et si bien que Laurent finirait forcément par se douter de quelque chose. Qu’il chercherait à savoir. Et, au final, ça reviendrait au même…
J’ai passé toute la semaine dans la hantise de ce repas lourd de tous les dangers. Je courais à la catastrophe. Ça me paraissait de plus en plus évident. Inéluctable. La dernière nuit, celle du vendredi au samedi, je n’ai pas fermé l’œil une seule seconde et, au matin, je n’y ai plus tenu. Je suis discrètement allée appeler Antoine. Il fallait que je l’entende. Qu’il me rassure. Qu’il me jure qu’il ne dirait rien, qu’il ne me ferait pas courir de risques…
Il a ri…
– Voilà ce que c’est de pas avoir la conscience tranquille…
– Mais non, c’est pas ça…
– Bien sûr que si que c’est ça, Christina ! Bien sûr ! Parce que, attends ! Tu as un mari en or… Qui se mettrait en quatre pour toi… Qui gagne très confortablement sa vie… Et la tienne… Grâce auquel tu as tout ton temps à toi. Et tu en fais quoi de tout ce temps qu’il t’offre si généreusement ? Tu cours te faire sauter par le premier venu…
– Tu comprends pas !
– Qu’est-ce que je comprends pas ? Qu’est-ce que tu vas me raconter ? Que Laurent est quelqu’un d’adorable ? De très facile à vivre ? Que tu n’as rien à lui reprocher ? Sauf qu’au lit c’est loin d’être le top. Que tu t’éclates pas avec. Et que ça, c’est quelque chose dont tu peux pas te passer. Que t’as bien essayé, mais que c’est décidément au-dessus de tes forces. C’est un peu facile, non, tu crois pas ?
– C’est… Oui, enfin non ! Mais tu vas pas lui dire, hein, Antoine ? Tu me promets ?
– Encore ! J’en ai assez, Christina, plus qu’assez que tu mettes comme ça sans arrêt ma parole en doute.
– Je la mets pas en doute.
– Ah, non ! Qu’est-ce que t’es en train de faire ? Oh, mais il y a des solutions ! Une bonne fessée, c’est radical, tu vas voir. Ça t’en fera définitivement passer l’envie.
– Une fessée ? Tu vas vas quand même pas…
– Te mettre une fessée ? Si ! Bien sûr que si ! Une fessée que tu vas même venir chercher. Et sur-le-champ.
– Mais…
– Il n’y a pas de mais qui tienne ! Tu veux que je te garde le secret, oui ou non ? Eh bien alors ! Allez, dépêche-toi ! Je t’attends…

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