jeudi 11 février 2016

Escobarines: Petite annonce (3)

– Non, mais qu’est-ce c’était cette façon de garder tout du long la tête tournée derrière ?
– C’est parce que… Même que je crie pas, ça s’entend le bruit des claques…
– Oui… Et alors ?
– Alors il y a des gens dehors qui pouvaient s’apercevoir de ce qui se passait du coup…
– Et venir sous la fenêtre voir à quoi ressemblait ta petite frimousse…
– Voilà, oui…
– En somme t’assumes pas…
– Si ! Si ! C’est pas ça…
– Bien sûr que si que c’est ça… Bon, mais tu sais pas, le mieux c’est qu’on en reste là… Elle a raison Anna… T’as pas la moëlle pour ce genre de choses… Absolument pas… Allez, rentre fantasmer chez toi…
– Oh, non… Non… Je vous en supplie… Non… Tout ce que vous voudrez je ferai… Tout…
J’ai eu beau promettre… Supplier… Elle s’est montrée inflexible…

Je me suis jetée sur mon lit en larmes, la mort dans l’âme… Quelle idiote ! Non, mais quelle idiote j’étais ! Gâcher une occasion pareille ! Mais fallait vraiment être la dernière des dernières…

Toute la nuit j’ai revécu la scène… Je l’ai remaniée… Refondue… Elle tapait et je regardais droit devant moi… Je criais… Il y avait des gens… Un pépé qui promenait son chien… Qui a levé la tête… Cherché mon regard… Je n’ai pas détourné le mien… Une femme s’est arrêtée à ses côtés… Ils se sont dit quelque chose que je n’ai pas entendu… Et ils ont ri… Deux jeunes ouvriers, en bleus de travail, y sont allés de leurs commentaires… « Oh, putain ! Mais c’est qu’elle se prend une fessée carabinée la poulette… » « Ben alors ! On n’a pas été sage, ma chérie ? » J’avais honte… Terriblement honte… Et tellement envie d’avoir honte… Encore plus…

Et, le lendemain matin, je suis retournée là-bas… J’ai pas pu m’empêcher… Sous sa fenêtre… Vers laquelle j’ai levé la tête… Les passants aussi… Pour voir ce que je regardais… Ce que je regardais ? Moi ! Moi en train, en imagination, de recevoir la fessée… Et ils voyaient aussi… Et ils…

– Qu’est-ce tu fiches là, toi ? Hein ? Qu’est-ce tu fiches là ? Eh bien, réponds !
Je ne l’avais pas entendue arriver…
– Rien… Rien… Je passais dans le coin, alors…
– Ben, voyons ! Je t’avais dit que je voulais plus rien avoir à faire avec toi… Rien… Je te l’avais pas dit ?
– Si, mais…
– Mais quoi ?
– Je vous en supplie, reprenez-moi ! Essayez au moins… Donnez-moi encore une chance… Une dernière… Vous le regretterez pas, vous verrez… Je ferai tout pour être très exactement celle que vous voudrez que je sois…
Elle n’a pas répondu… Elle m’a saisie par une oreille… Tirée… Fait remonter la rue en me traînant comme ça… Par l’oreille… On croisait des gens qui souriaient, goguenards… Deux filles se sont esclaffées… « Wouah ! Comment elle se fait ramener à la baraque l’autre ! » On a tourné à droite… À gauche… Encore… Il y a eu de plus en plus de monde… Des coups de klaxon… Des sifflets… Elle m’a fait passer sous une porte cochère…
– Déshabille-toi !
J’ai obéi… Le pull… Le pantalon… Je me suis arrêtée, indécise…
– Tout ! T’enlèves tout…
Le string… Le soutien-gorge…
– Laisse tout ça là…
Elle m’a reprise… Par la peau du cou cette fois…
– Au sixième on va… Et, avec un peu de chance, on croisera quelqu’un… Allez ! En route !

Au deuxième, une porte a claqué… À l’étage juste au-dessus… Plus haut, quelqu’un a crié… « T’as encore oublié le pain… Combien de fois faudra te le dire ? » Au cinquième un chien a aboyé… Le sixième enfin…
– Tu vas faire la connaissance de Domitille… Elle va beaucoup te plaire Domitille, tu verras…
Au moment de sonner, elle s’est ravisée…
– Et puis, non, tiens ! Une autre fois… On reviendra…
L’escalier… Dans l’autre sens…

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