jeudi 20 mars 2014

La petite vendeuse (11)

Elle a tambouriné à la porte de la salle de bains… Je me suis empressée d’aller lui ouvrir…
– Non, mais ça va pas de vous enfermer là-dedans… Qu’est-ce qui vous prend ?
– C’est machinal… L’habitude…
– L’habitude ? Alors que vous vivez depuis des années toute seule… Vous vous fichez de moi ?
– Mais non, mais…
– Mais rien du tout ! Dorénavant vous me ferez le plaisir de laisser cette porte ouverte… De laisser TOUTES les portes de cette maison ouvertes… En grand…C’est bien compris ?
– Oui… Si tu veux… Comme tu veux…
– Bon, mais vous alliez vous doucher, non ?
– Ben, oui… Si…
– Eh bien allez-y ! Qu’est-ce que vous attendez ?
Elle s’est assise sur le rebord de la baignoire… M’a tranquillement regardée faire…
– Vous êtes prête à en supporter des choses, hein, pour pas que je me casse… Tout ce qui me passera par la tête en fait… Absolument tout…
– Si tu pars…
– Eh bien ?
– Je pourrai pas… Je pourrai plus… Mais tu partiras pas, hein ?
– Qu’est-ce que je vous avais dit hier ? Je vous avais pas dit quelque chose ?
– Hier ? À propos de quoi ?
– Du sac plein de joujoux qu’était caché dans votre armoire…
– Si ! Mais je les ai pas… Je pouvais pas n’importe comment… Tu m’as tout pris…
– Pas vos doigts…
– Oh, ben oui… Ça ! Forcément…
– Et ? Ne mentez pas ! Un conseil : ne mentez pas ! Et vous en avez fait quoi de vos doigts ?
– T’avais rien dit là-dessus… T’en avais pas parlé de ça…
– Vous aimez ça ergoter, hein ! Vous aviez interdiction de vous amuser toute seule tant que votre comportement avec Stéphane ne m’aurait pas donné entière satisfaction… C’était pas ce qu’était convenu ?
– Ben si, mais…
– Mais les godes et les doigts, en l’occurrence, c’est du pareil au même Jouez pas sur les mots… Vous le saviez très bien… Non ? Vous le saviez pas ?
– Si…
– Et vous êtes passée outre…
– J’ai pas pu m’empêcher…
– Un peu facile comme excuse… Non… Vous rhabillez pas ! C’est pas la peine…Allez me chercher le martinet plutôt… On va en avoir besoin… Vous savez pourquoi, je suppose…


Elle m’a fait mettre à genoux devant la grande glace en pied de l’entrée…
– Que vous voyiez bien votre tête quand ça va tomber…
Elle a joué un bon moment avec… Il a tournoyé… Sifflé… Elle a fait mine, à plusieurs reprises, de me l’abattre, à toute volée, sur les fesses…
– Et puis non, tiens ! Vous allez vous punir vous-même… Vous avez l’habitude… Et comme ça je pourrai voir comment vous vous y prenez…
Elle m’a tendu le martinet…
– Et tâchez de pas faire semblant, hein, parce que sinon…
J’ai pas fait semblant… J’ai tapé… Fort… Très fort… Plus fort que jamais… Le plus fort que j’ai pu… Pour elle… Parce qu’elle le voulait…Pour qu’elle ne parte pas… Pour qu’elle ne me laisse pas…
C’est elle qui m’a arrêtée…
– C’est bon… Ça suffit… Faut que je descende ouvrir n’importe comment… À tout à l’heure…

2 commentaires:

  1. Les dialogues sont fluides et saisissants .Percutants ils tracent les mots qui positionnent.
    On ressent ce " syndrome "de l'abandon comme une souffrance du corps et de l'esprit

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  2. Je découvre aujourd'hui ton commentaire (l'avis était tombé en spam)… Merci de ton passage… La peur de l'abandon (plongeant ses racines très loin?), du retour à la vacuité de l'existence antérieure est sans doute l'une des clefs de la relation entre ces deux personnages…
    Bonne journée…

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