Le dimanche suivant elle a débarqué chez moi avec trois grands sacs
de voyage…
– Qu’est-ce que tu fais ?
– Ça se voit pas ? Je viens m’installer… Ici… Ça
vous va pas ?
– Oh, si ! Si ! Au contraire…
– Je serai sur place… J’aurai plus toute cette route à
faire… Et puis je pourrai vous avoir à l’œil comme ça… Avec
vous il vaut mieux… On sait jamais ce que vous êtes capable
d’inventer…
Elle a fait le tour de l’appartement…
– Mouais… Mouais… C’est spacieux… Pas trop mal agencé…
Un peu vieillot… Bon, mais ça avec vous fallait s’y attendre…
Quant à la décoration… vous avez vraiment des goûts de chiottes,
hein ! Bon, mais on verra ça… Si je reste on verra ça…
– Si tu restes ?
– Ah, ben oui… Oui… Je vous ai bien prévenue… C’est
juste un essai qu’on fait… Et si ça va pas comme je veux je
prends mes cliques et mes claques et je vous plante là, vous, votre
magasin et votre petite existence étriquée…
– Ça ira… Ça ira… Je te jure que ça ira…
– C’était celle-là votre chambre, hein ?
– C’est celle-là, oui…
– Non… C’était… Je la prends… C’est la plus
confortable… Avec la plus belle vue… Dans celle d’en face vous
irez… Vous y serez très bien, vous verrez…
Et elle s’est mise à vider mon armoire… À jeter tous mes
vêtements en vrac sur le lit…
– Ce ramassis d’horreurs ! Faudra faire un sacré tri
là-dedans… Mais pas aujourd’hui… On n’a pas le temps…
Tiens, c’est quoi, ce sac ?
– C’est à moi…
– Oui, ben ça j’me doute ! C’est pas au roi de
Prusse… Lâchez ! Lâchez, j’vous dis ! Ah, ben
d’accord ! D’accord ! On s’ennuie pas à ce que je
vois… Mais c’est qu’il y en a toute une collection en plus !
De quoi bien s’amuser pendant les longues soirées d’hiver…
Madame se flanque une bonne fessée… Histoire de se mettre en
appétit et après… Bon, mais confisqué tout ça… Jusqu’à
nouvel ordre… Jusqu’à ce que je sois satisfaite de la façon
dont vous vous comportez avec Stéphane… Parce que j’ai pas dit
mon dernier mot de ce côté-là… C’est bien beau de rêver… De
se faire tout un tas de films… De s’imaginer tout un tas de
choses en s’envoyant toute seule au septième ciel… Mais il y a
aussi la réalité… Il y a d’abord la réalité… Et si vous en
aviez tenu compte un minimum vous n’en seriez pas là où vous en
êtes aujourd’hui… À vous morfondre toute seule, sans mec, en
essayant de vous faire croire que c’est la vie que vous avez
choisie…
Elle a éclaté de rire…
– Qu’est-ce vous avez cru ? Que je venais vous aider à
éplucher les patates ? Ah, non, non ! Ça, il y a pas de
risque… Non… Déjà que je me tape tout le boulot au magasin vu
que vous êtes pas fichue de réussir une vente… Alors vous
imaginez tout de même pas qu’en plus je vais me coltiner la
bouffe, les courses, le ménage et tout le tintouin… Manquerait
plus que ça ! D’ailleurs vous savez pas ce qu’on va faire ?
Le matin j’y descendrai toute seule maintenant au magasin… J’ai
pas besoin de vous… Au contraire même… Vous êtes souvent plus
un handicap qu’autre chose… Et comme ça vous aurez tout votre
temps pour faire ce qu’il y a à faire ici…
Elle a repoussé son assiette…
– J’ai vu Stéphane hier soir… Et je peux vous dire qu’il
vous garde un chien de sa chienne… Il a pas apprécié, mais alors
là pas du tout, votre comportement…
– J’ai été au-dessous de tout, oui, je sais… Plus j’y
repense et plus je me rends compte que j’ai vraiment été
au-dessous de tout…
– Ça, c’est le moins qu’on puisse dire…
– Je m’en veux… Tu peux pas savoir comme je m’en veux…
Surtout vis-à-vis de toi… Parce qu’il y a plein de choses que
t’as comprises… Des choses que je voulais pas reconnaître… Que
je voulais pas admettre… Tu m’as percée à jour…T’as mis le
doigt dessus… Tu fais tout pour me sortir la tête hors de l’eau
et moi j’ai rien trouvé de mieux que de…
– Oui… Bon… On va pas revenir non plus sans arrêt
là-dessus… Le passé, c’est le passé… Et vous avez été
punie pour ça… Par contre on va le revoir Stéphane… Très
bientôt… Et je lui ai promis que vous seriez dans de bien
meilleures dispositions…
– Oh, oui… Oui… Ça, oui…
– Vous avez intérêt… Parce que alors là…
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