jeudi 13 février 2014

La petite vendeuse (6)

– Pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Parce que… Parce que ce que je suis en train de me demander, c’est si vous vous l’êtes donné le martinet hier soir… Tous les jours vous vous le faites ? Oui, hein ?
– Je… Écoute… Faudrait peut-être qu’on rafraîchisse la vitrine… Depuis le temps que…
– Pourquoi vous voulez pas en parler ? On peut bien en parler si on veut… Il y a pas de honte… Je suis sûre que vous en avez envie en plus… Parce que faut bien reconnaître qu’être obligée de se faire ça toute seule ça doit pas être franchement marrant… Et vous savez ce que je me disais en y repensant hier soir ? C’est qu’à part vous il y a que moi qui pourrais vous le faire en fait… Parce qu’il y a que moi qui sais… Sûrement je vous le ferai d’ailleurs un jour… Un jour que j’aurai envie… Par exemple, parce que vous aurez loupé une vente, tellement vous vous y serez prise comme un manche… Et pas que ça… Parce que, quand on vous connaît un peu, on sait qu’il y en a plein des raisons pour vous en coller… C’est pas ça qui manque…


– Le v’là !
– Qui ça ?
– Ben Stéphane, tiens ! Il me l’avait dit qu’il passerait… Histoire de voir à quoi vous ressemblez…
Un grand brun tout bronzé… Qui s’est penché… Qui, d’autorité, m’a fait la bise…
– Ravi de faire votre connaissance… Amandine m’avait chanté tant et plus vos louanges, mais elle était encore très en dessous de la vérité…
Une cliente… Une bouée de sauvetage… Vers laquelle je me suis précipitée… J’ai fait durer… Quand j’ai regagné la caisse il était parti…


– Alors ? Comment vous l’avez trouvé ?
– Sympa… Il a l’air gentil…
– En tout cas vous êtes drôlement à son goût… Il me l’a dit… Mais ça j’en étais sûre… Je le connais Stéphane depuis le temps… Bon, ben voilà… Ça va le faire… Il y a plus qu’à…
– Je pourrai jamais…
– Il vous plaît pas ?
– Si ! Si ! C’est pas ça… Mais il est bien trop beau… Qu’est-ce qu’un type comme lui peut bien avoir à foutre d’une femme comme moi ? Et si c’est pour me faire la charité…
– Vous êtes trop, vous, dans votre genre… Parce que un mec comme Stéphane il y en a des dizaines et des dizaines des nanas qui rêveraient de l’avoir dans leur lit… Vous, il vous tombe tout rôti dans le bec et vous faites la fine bouche… Alors que vous avez absolument rien à vous mettre sous la dent… C’est quand même fabuleux, avouez ! Non, votre problème, c’est que vous avez une image tellement négative de vous-même que vous vous donnez droit à rien… Mais ça va changer… Faut que ça change… L’aspect extérieur pour commencer… Parce que quand on n’est plus la même au-dehors on n’est plus la même dans la tête non plus… Bon, mais je sais ce qu’on va faire… Je sais…
– Qui t’appelles ?
– Ma copine Séverine… Qu’est coiffeuse… On y passera tout à l’heure après la fermeture…


Elle a donné ses consignes…
– Tu vois ce que je veux, Séverine ?
Suivi de bout en bout le déroulement des opérations…
– Ah oui !… Ah oui !… Vous avez rajeuni de dix ans… Une véritable métamorphose…
On m’a promené une glace lentement tout autour de la tête…
– C’est pas mieux ?
Une autre…Différente… Une inconnue…
– Si ! Je sais pas… Faut que je m’habitue…


– Et attendez ! Attendez ! C’est pas fini… Elle va vous maquiller Séverine…
À petits coups rapides, précis, expérimentés…
– Comment ça vous change ! C’est fou… Personne va vous reconnaître… Marchez pour voir ! Jusqu’à la fenêtre… Revenez ! Encore ! Déjà vous vous tenez nettement plus droite… Ça dit bien ce que ça veut dire…

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