lundi 17 décembre 2012

Les confidences de Camille ( 17 )


Le lendemain matin, à la première heure, mon beau-père était là… « Bien… J’ai réfléchi… Pas question de te laisser te complaire dans l’oisiveté… On a vu ce que ça donnait… Alors j’ai appelé hier soir mon ami Boissier, ton directeur, auquel j’ai exposé en toute franchise la situation… Tu vas reprendre, dès aujourd’hui, normalement ton travail… Quant à l’individu avec lequel tu as entretenu cette relation coupable il est muté, avec son plein accord, dans l’une des filiales du groupe… Et je te conseille vivement, dans ton propre intérêt, de ne chercher à savoir ni laquelle ni où… »

Deux heures plus tard je savais… Là-bas on ne parlait que de ça… En me jetant des petits coups d’œil par en-dessous… En me demandant innocemment si je savais pourquoi Charlie était aussi brusquement parti… En chuchotant derrière mon dos… J’ai ignoré… Fait semblant d’ignorer…

Et puis, à nouveau, la routine… Les journées de travail, à perte de vue, les unes derrière les autres, monotones, insipides… Les longues soirées gaspillées à regarder défiler, avachie sur mon canapé, des images que je ne voyais pas… Les samedis passés à errer, par les rues, au hasard, sans but et sans plaisir… Les dimanches interminablement étirés chez eux à l’écouter, elle, – lui il disparaissait aussitôt la dernière bouchée avalée – parler des après-midi entiéres, en long, en large et en travers de Patrice… Patrice qui avait écrit… Patrice dont le navire mouillait dans le détroit d’Ormuz… Patrice qui, à quatre ans, savait lire… Qui, à huit ans, connaissait sur le bout des doigts la chronologie des rois de France… Qui, à douze ans, pouvait citer, sans jamais se tromper, les capitales de tous les pays du monde… Patrice… Patrice… Patrice…

Et Charlie ? Il ne se manifestait pas… Pas un mot… Pas un appel… Rien… Est-ce qu’il m’avait déjà oubliée ? Est-ce que j’avais si peu compté pour lui ? J’avais été juste une passade alors ? Un amusement ? Je ne pouvais pas y croire… Ou bien… Est-ce qu’il avait été meurtri, humilié par l’intervention du directeur ? Qui lui avait dit quoi au juste pour le convaincre d’accepter sa mutation ? Est-ce qu’on m’avait mise en avant ? Est-ce qu’il m’en avait voulu ? Est-ce qu’il m’en voulait toujours ? Oui, sûrement… C’était pour ça qu’il ne se manifestait pas… Évidemment que c’était pour ça… Et je n’aurais plus jamais de nouvelles… À moins que… Il y avait une autre explication possible… Il ne voulait pas me forcer la main… Si je ne me manifestais pas, moi, il ne se manifesterait pas, lui… Par respect… Par délicatesse… Par… Oui… Ça pouvait être ça… Mais que c’était donc exaspérant de ne pas savoir !

De toute façon quelle importance ça pouvait bien avoir maintenant ? Aucune… Rigoureusement aucune… Quand bien même il m’aurait contactée ç’aurait été non… Non, non et non… Jamais plus il n’y aurait quoi que ce soit entre nous… S’il y avait une chose dont j’étais certaine c’était bien celle-là…

Certaine ? De moins en moins… Parce que… il me manquait… Je pensais constamment à lui… J’avais beau le chasser… Il revenait… Il s’installait… Il me hantait… Je m’endormais en pensant à lui… Je me réveillais en pensant à lui… Il ne me quittait pas… Il ne me quittait plus…

C’est arrivé un samedi… Toute la nuit j’avais rêvé de lui… Que j’étais dans ses bras… Qu’il me faisait l’amour… Avec une infinie tendresse… Je ne m’étais pas levée… J’étais restée blottie dans la chaleur des draps… À y repenser… À le revivre... À faire courir mes doigts… À le laisser me redonner du plaisir… Aussi longtemps qu’il a voulu… Comme il a voulu…

Mon portable était sur ma table de nuit… J’ai bien tenté de m’empêcher… De résister… Je n’ai pas pu… Deux coups… « Allo… Oui ? » « Charlie ? C’est Camille… » « Camille ! Toi ! C’est pas vrai ! Ce que je suis content ! » On a parlé… parlé… parlé… Et fini par se donner rendez-vous dans le restaurant de nos débuts… Celui du concert de Georges Lama… « Ce soir… Sept heures… Je suis heureux… Si tu savais… »

Moi aussi… J’étais folle de joie… Et mangée de scrupules… Dévorée de remords… Patrice… Tant pis Patrice… J’irais… Oui, j’irais…

Il était là… À « notre » table… Je suis passée… Je ne suis pas entrée… Non… Il fallait pas… Non… Au feu rouge je suis revenue sur mes pas…

Je vous embrasse, Flavian…

À bientôt

Camille 

4 commentaires:

  1. Humaine, certes, mais bon, hein ? Elle se pose beaucoup de questions, fait semblant de réfléchir, semble vouloir se montrer raisonnable, et zou, elle y fonce lol

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  2. Ce n'est pas la même chose de rendre les armes sans combattre et de résister de toutes ses forces (ou de faire semblant pour se donner bonne conscience)

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