lundi 29 octobre 2012

Les confidences de Camille ( 10 )


Et le samedi suivant, ma chère Camille ? Que cette attente de vos courriers est éprouvante ! Mais je suis d’autant plus mal placé pour vous reprocher de me faire languir que j’en use exactement de la même façon avec vous… Alors ! Alors je vais prendre mon mal en patience… Ce qui n’est pas, au bout du compte, si déplaisant  : l’imagination se déploie, emprunte et explore toutes sortes de pistes jusqu’à ce qu’elle sache à quoi s’en tenir vraiment…

Clara ne tenait plus en place… « Quelle heure il est ? C’est pas vrai ! Seulement ! Bon, mais t’as bien compris, hein ? Moi, je monte – on a prévu que j’arrive un petit quart d’heure avant lui – et toi t’attends dans la voiture… Le plus discrètement possible… Dès que tu le vois – une Audi grise il a – tu le laisses disparaître et tu te précipites… Chambre 312… Tu te rappelleras ? Oui ? Et tu bouges pas de là… De derrière la porte… Et si j’appelle tu te poses pas de questions… Tu rentres… Je peux compter sur toi ? Oui, hein, c’est sûr ? Mais ça devrait bien se passer… Normalement ça devrait bien se passer… »

C’était un type aux tempes grisonnantes… Élancé… Qui a traversé le parking sans hâte… Qui s’est engouffré dans l’hôtel par la petite porte à l’arrière… Je l’ai laissé prendre un peu d’avance et j’ai rejoint le poste d’observation qu’elle m’avait assigné… Il parlait fort… Comme quelqu’un qui est très en colère… « Vous êtes venue… Je le vois bien que vous êtes venue… Vous êtes venue comme une petite évaporée que vous êtes… Est-ce qu’on accepte comme ça – de but en blanc – un rendez-vous avec un inconnu ? Avec tous les risques que ça comporte… À votre âge vous devriez quand même avoir un peu plus de plomb dans la cervelle, non ? On vient pas se jeter comme ça dans la gueule du loup… S’il me prenait fantaisie de vous renverser sur le lit vous seriez bien avancée… Vous feriez quoi ? Vous iriez porter plainte ? On vous rirait au nez… Non… Vous savez ce que vous mériteriez à vous conduire comme une petite gamine écervelée ? Hein ? Vous le savez ? » « Oui… » « Quoi ? Dites-le… » « Une fessée… » « Une fessée, oui… Une bonne fessée déculottée… »

Le silence… Du silence qui a duré… Et puis une claque… Appuyée… Sonore… Une autre… Une autre encore… Des claques… À rythme lent… Régulier… Des claques qui lui ont arraché des gémissements… Puis des plaintes rauques de fond de gorge… Ça s’est accéléré… En pluie… En grêle… Elle a crié… Comme une perdue…    

De nouveau le silence… Des mots murmurés inaudibles… Son rire à lui… Son rire à elle… « Oh, si tu veux… » « Un peu que je veux ! » « Donc on reste en contact… » « Évidemment ! Ça coule de source… » « À tout-à-l’heure alors… » « À tout-à-l’heure… Sur Internet… » Juste le temps de disparaître à l’angle du couloir… La porte s’est ouverte… Ils sont redescendus ensemble…

« Tu veux conduire ? Non, parce que je me sens pas trop en état, là… Je suis encore sous le coup…En attendant n’empêche que j’avais raison… On pouvait lui faire confiance… Mais ça je le sentais… Et comment il est bien entré dans le rôle en plus ! C’était important pour moi, ça ! Le plus important… C’était pas la peine sinon… En tout cas merci… Merci, hein ! Parce que sans toi jamais j’aurais osé sauter le pas… C’était quand même prendre de sacrés risques, avoue ! Mais maintenant que je le connais, que je sais à quoi m’en tenir avec lui je te dérangerai plus pour nous surveiller… C’est pas la peine… À moins que… à moins qu’il y en ait d’autres un jour… Mais ça, franchement, je crois pas… Pas pour le moment en tout cas… À quoi ça m’avancerait de me démultiplier de tous les côtés ? Alors que j’ai la chance d’être tombée sur quelqu’un de fiable… Avec qui je me sens en parfaite adéquation… Non… Par contre là où je vais avoir besoin de toi c’est par rapport à Ivan… Parce qu’il travaille Damien… Se libérer en semaine, comme il l’a fait aujourd’hui, c’est pas évident pour lui… Ça peut être qu’exceptionnel… Il va falloir qu’on se rabatte sur le week end du coup… Et c’est là que tu vas pouvoir me servir d’alibi… Parce que… parce qu’on aille voir une expo ensemble – ou un film – il y verra aucun inconvénient Ivan… Au contraire : ça l’emmerde tout ça… Et il sait qu’avec toi il y a aucun danger… Que j’ai jamais eu la moindre attirance pour les gens de ton âge… Je sais… Je te mets encore – une fois de plus – à contribution… Mais je n’ai pas d’autre solution… Et je te revaudrai ça… Je sais pas encore exactement comment – même si j’ai déjà ma petite idée – mais tu peux être sûr que je te revaudrai ça… Au centuple…

Je vous embrasse, Camille…

FLAVIAN 

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