Mon cher Flavian,
Chercher du travail, oui… Il avait
raison… Mais quoi ? Mais où ? J’ai consciencieusement épluché les
petites annonces, envoyé de multiples CV, répondu à des convocations, passé
plusieurs entretiens d’embauche… Il m’est apparu très vite – je le soupçonnais,
mais n’avais pas voulu, jusque là, en prendre pleinement conscience – que les
études d’Histoire que j’avais suivies ne correspondaient ni aux attentes ni aux
exigences du monde du travail… Il me fallait, si je voulais trouver un emploi,
rabattre de mes prétentions et accepter de remplir des tâches pour lesquelles
je ne me sentais pas la moindre attirance…
Sans doute aurais-je réagi autrement si
j’avais été poussée par la nécessité, si j’avais dû travailler pour vivre, mais
le salaire de Patrice me permettait de subvenir très largement à mes besoins…
Maintenant du moins que, grâce à l’intervention de mon beau-père, ma situation
financière s’était rétablie et que je ne me laissais plus entraîner par mes
fréquentations – j’avais complètement coupé les ponts avec mes anciens
« amis » – à des dépenses pharamineuses… Aussi me suis-je peu à peu
montrée beaucoup moins assidue dans mes recherches… Au point de finir par les
abandonner complètement…
À mon beau-père qui voulait
régulièrement savoir où « ça en était », si j’avais enfin trouvé
quelque chose, je servais systématiquement le même couplet… Pas encore, non…
C’était la crise… Les entreprises rechignaient à embaucher… Mais enfin je ne me
décourageais pas… C’était pas mon genre… J’étais sur une piste… Deux même… Ça
allait finir par déboucher… Il y avait pas de raison… Il ne disait rien… Pas le
moindre commentaire… Jamais…
Je faisais quoi de mes journées du
coup ? Rien… Strictement rien… Je me levais à onze heures… Quand ce
n’était pas midi… Je traînassais dans la salle de bains… J’avalais quelque
chose vite fait… Sur le pouce… Et j’allais faire un tour… Au hasard… J’errais
par les rues… J’entrais dans une boutique… Une autre… J’achetais parfois une
babiole… S’il faisait beau je m’installais à une terrasse de café… Je regardais
passer les gens… Avant de rentrer je faisais provision de magazines que je
feuilletais, devant la télé, jusqu’à des trois ou quatre heures du matin…
Et le lendemain ça recommençait… Pareil…
Exactement pareil…
« Ça fait un moment que je vous
observe, là, de la terrasse, sur le trottoir d’en face… Et franchement, vous
respirez pas la joie de vivre, hein… » Un type, un brun, aux yeux veloutés
pétillants de malice, debout à côté de ma table… « Vous permettez ? »
Il n’a pas attendu la réponse… Il a tiré une chaise et s’est installé en face
de moi… D’autorité… Et il a parlé… Il a plaisanté… J’ai ri aux éclats… J’étais
bien… Tellement bien… Il s’est fait séducteur… Charmeur… Tout en nuance… Tout
en subtilité… J’ai perdu pied… Je perdais pied… Je me suis secouée… Levée…
« Faut que j’y aille… On m’attend… » Il s’est levé aussi…
« Merci de m’avoir accordé un si délicieux moment… Peut-être aurons-nous à
nouveau l’occasion… Je suis très souvent là… En face… » « Peut-être,
oui… » Et je me suis enfuie…
C’est moi qui l’ai appelé… Mon
beau-père… Il pouvait venir ? Une demi-heure après il était là…
« Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui t’arrive ? » Rien…
Enfin si ! C’était pas vrai… Qu’est-ce qui n’était pas vrai ? Pour le
boulot… J’avais menti… J’en cherchais pas… J’en cherchais plus…
« Ah ! Et tu t’es remise en danger… » « Non, mais… »
« Si ! Tu te remets en danger… Forcément… D’une façon ou d’une
autre… » Il n’a pas demandé comment… Il n’a rien demandé… « C’est
plus fort que toi… Tu peux pas t’empêcher… Je t’avais prévenue pourtant… Je
t’avais pas prévenue ?... Dit qu’il fallait absolument que tu te mettes au
travail ? » « Si… Oui… Mais… » « Mais tu n’en fais
qu’à ta tête… Tu n’en fais toujours qu’à ta tête… Tu veux toujours te croire
beaucoup plus forte que tu ne l’es en réalité… Sans arrêt il faut être derrière
toi… Sans arrêt… Une vraie gamine écervelée… Irresponsable… Bon… Mais puisque,
décidément, tu ne comprends que ça… Viens ici ! » J’ai obéi… Il a mis
un pied sur la petite table basse, a passé un bras autour de ma taille, m’a
courbée sur son genou… A retroussé ma robe… Qu’il a exigé que je
maintienne relevée… « Plus haut ! » J’ai encore obéi… Il m’a
baissé la culotte sur les cuisses… Ça a été plus intense encore que la première
fois… Et beaucoup plus long… « Tu promets de faire des
efforts ? » J’ai promis… Dans un souffle…
Soulagée… Apaisée… Je n’y retournerais
pas là-bas… J’en étais sûre… Sûre et certaine…
Je vous embrasse
CAMILLE
Je n'y retournerai pas. On va y croire...
RépondreSupprimerPeut-être qu'elle le croit, elle ? Qu'elle essaie de se le faire croire, plutôt…
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