lundi 1 octobre 2012

Les confidences de Camille ( 6 )


La suite de mon récit ? Eh bien la voici, ma chère Camille…
Quand je vous ai laissée j’étais dissimulé dans cette cabane de jardin à surveiller, des heures durant, la porte du garage… Ma patience – mon obstination ? – a fini par être récompensée… Par un beau jeudi d’Octobre en effet, sur le coup de trois heures, Clara est venue s’y engouffrer d’un pas décidé… Son complice – j’en étais convaincu – n’allait pas tarder à faire son apparition… J’allais enfin savoir… Eh bien non ! Non… Personne ne l’a rejointe… Et elle est ressortie de là-dedans seule, une quarantaine de minutes plus tard, comme elle y était entrée… Un empêchement de dernière minute ? Peut-être… Mais il m’était né un soupçon… Un soupçon qui s’est trouvé confirmé quand je l’ai vu réprimer une grimace en s’asseyant, le soir, à table, au retour de la cuisine… Elle-même… Évidemment… Elle se le faisait elle-même… Toute seule…

Le lendemain j’ai regagné ma province… C’était les Vacances de Toussaint et j’en ai passé la plus grande partie à m’efforcer de mettre mentalement au point un stratagème qui me permettrait de la voir à l’œuvre dans ce fameux garage… J’ai envisagé tout ce qui était raisonnablement envisageable… Mais, chaque fois, je venais buter sur un obstacle qui rendait la chose impossible… Parce que je ne visualisais les lieux que de mémoire ? C’est ce dont j’ai voulu me convaincre… Sur place je l’aurais trouvée la solution… Elle me serait apparue avec une lumineuse évidence… Et j’ai avancé mon retour… De deux jours…

Je n’avais pas prévenu… On me verrait arriver… Bien m’en a pris… Parce que… Ça venait de la salle de séjour… Des voix… La télé… Oui… C’était la télé… Je suis entré… Clara était étendue sur le canapé… Entièrement nue… Les jambes relevées, ouvertes, les yeux rivés à l’écran, elle faisait aller et venir – lentement… très lentement – un énorme gode couleur peau le long de ses lèvres… Quelques secondes… Quelques trop brèves secondes… Elle a tourné la tête, découvert ma présence dans l’embrasure de la porte… Un cri… Et une fuite… Une fuite éperdue en direction de sa chambre… Une fuite qui m’a offert le spectacle de ses fesses zébrées d’une fouettée toute récente…

Un quart d’heure plus tard elle frappait à ma porte… « On peut parler un peu ? Avant qu’Ivan rentre… » Bien sûr qu’on pouvait… Bien sûr… Elle s’est assise, genoux serrés, au bord de mon lit… « Je suis désolée… Mais je pouvais pas me douter… » C’était moi plutôt… J’aurais pu prévenir… J’aurais dû… Elle a haussé les épaules, esquissé un sourire… « De toute façon ce qui est fait est fait… On peut pas revenir dessus… Mais quelle opinion tu dois avoir de moi maintenant ! » Hein ? Ah, mais non ! Non ! Pas du tout ! Ça changeait rien du tout… Pourquoi ça aurait dû changer quelque chose ? « Tu es gentil… Mais si ! Forcément… Ça peut pas être autrement… » C’était elle plutôt qu’avait une drôle d’opinion de moi… Parce que qu’est-ce qu’elle s’imaginait ? Que je m’en donnais pas, moi, du plaisir ? Mais tout le monde s’en donnait… Fallait pas être hypocrite… Tout le monde… « Oui… Mais il y a pas que ça… Il y a… Parce que tu t’es aperçu, je suppose… » Quoi ? La fessée ? Et alors ? Il y avait vraiment pas de quoi en faire tout un plat… Elle était pas la seule… Si elle y trouvait son compte… C’est sûrement pas moi qu’allais y trouver quoi que ce soit à redire… « Oui… ben c’est pas le cas de tout le monde… » « Ivan ? » « Ivan, oui ! Ça, pour lui, c’est quelque chose qui passe pas… Et qui passera jamais… » « Il sera pas au courant… Il y a aucune espèce de raison qu’il soit au courant… » « Merci… »

Elle pouvait si elle voulait, hein… On déjeunait en tête à tête, tous les deux, le lendemain matin… Elle pouvait… « Je peux ? Je peux quoi ? » En parler… Parce que ça c’était le genre de choses qu’on avait forcément besoin de partager avec quelqu’un… Fallait pas rester tout seul avec… Sinon… « Sinon on finit par croire qu’on est complètement cinglé… Je sais… » Et les larmes lui sont montées aux yeux… « Excuse-moi ! Je suis idiote… » « Vous n’êtes pas idiote, non, mais vous voyez bien qu’il faut que vous en parliez… » « Et pas seulement de ça… J’en crève de pas parler… Jamais… Parce qu’il a plein de qualités Ivan… Si, c’est vrai… Mais aussi tout un tas d’idées très arrêtées… Sur tout… Et si on rentre pas dans le moule… Alors tu finis par te taire… Par ne plus rien dire de ce qui est important pour toi… »

Et elle a parlé… Toute la matinée… Elle a parlé… parlé… parlé… D’elle… D’eux… De son enfance… De ses rêves… Elle a laissé s’écouler… Tant de choses… Mais pas « ça »… Elle n’en a pas dit un mot… Pas encore…

Elle s’est brusquement arrêtée sur le coup de midi… « Il va rentrer… Mais ça fait du bien… Qu’est-ce que ça fait du bien ! »

Je vous embrasse, Camille…

FLAVIAN        

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