Vous avez le sens du suspense, mon cher
Flavian, c’est le moins qu’on puisse dire… Et j’avoue que vous avez
sérieusement piqué ma curiosité… J’ai hâte de connaître la solution de
l’énigme… Qui donc fessait, avec autant de conviction, votre logeuse ? J’ai
bien ma petite idée, mais ce n’est pas forcément la bonne…
En attendant de connaître la réponse à
mon tour de poursuivre mon récit…
Je me suis mariée la veille de mes
vingt-cinq ans… Pour ne pas coiffer la Sainte-Catherine ? Peut-être… Allez
savoir… Ce qui motive nos choix est si rarement ce que nous croyons… Il avait
trente-trois ans… Était militaire de carrière… Marin… Officier de marine… Je
savais donc à quoi je m’exposais… À de fréquentes et interminables absences…
Est-ce que je l’aimais ? J’en étais persuadée… Suffisamment pour l’épouser
en tout cas… Est-ce que je l’aimais vraiment ? C’est une autre question… À
laquelle je ne donnerais sans doute pas aujourd’hui une réponse péremptoire…
Et je suis entrée dans ce qui allait
être « ma vie »… Un appartement confortable… Un mari, la plupart du
temps en mer, qui m’assurait un train de vie que bien des femmes m’auraient
envié… Des beaux-parents très présents sans être envahissants… Que demander de
plus ? Rien… Tout… Je m’ennuyais… Je traînais en longueur des journées que
je n’arrivais pas à remplir de quoi que ce soit de passionnant… Le shopping ?
Le cinéma ? Je m’en étais très vite lassée… Je m’ennuyais… Pire : je
déprimais…
Heureusement – c’est du moins ce que
j’ai cru sur le moment – Sandrine a croisé ma route… Sur un forum… Décidément dans
ma vie les forums ! Elle avait mon âge et respirait la joie de vivre… Le
dynamisme… L’enthousiasme… « Tu t’emmerdes ? Bouge pas qu’avec moi ça
va pas durer… » Et effectivement… Elle m’a entraînée… Présentée à quantité
de gens… Sorties… Soirées… J’étais dans un tourbillon… Un étourdissement
permanent… L’envie de rire m’était revenue… Le goût de la fête… Je vivais… Je
vivais enfin…
Et forcément je dépensais… Beaucoup…
Inconsidérément… De plus en plus… Le banquier me rappelait régulièrement à
l’ordre… Je m’en souciais comme d’une guigne… J’étais sur mon petit nuage… Et
j’empruntais… À des taux exorbitants… J’empruntais… J’empruntais à tout-va…
Ça ne pouvait évidemment pas durer… Je l’ai
brusquement réalisé, un soir, dégrisée… Le montant de mes échéances mensuelles
incompressibles s’élevait à près de trois fois le salaire de mon mari… J’étais
prise à la gorge… Vers qui me tourner ? Mes nouveaux amis ? Ils se
sont défilés, les uns après les autres, sous des prétextes pitoyables… Il me
fallait pourtant trouver une solution… Il me fallait absolument une solution…
Avant que mon mari ne rentre… Avant qu’il ne découvre le pot-aux-roses…
C’était le dernier à qui aller en
parler… Et c’est pourtant à lui que j’ai fini par me confier… Le père de mon
mari… Mon beau-père… Qui a sonné un
dimanche matin… « Tu viens déjeuner avec nous ? Claire a fait du
gigot… Tu adores ça… » Je voulais bien, oui… Et je me suis brusquement effondrée
en larmes… « Ben qu’est-ce qui t’arrive ? » Il m’a doucement fait
asseoir sur le canapé du séjour, s’est installé à mes côtés, m’a posé une main
sur l’épaule… « Hein ? Qu’est-ce qui se passe ? » Et je lui
ai tout déballé… D’une traite… D’un bloc… Entre deux sanglots… Il m’a écoutée
jusqu’au bout… Sans m’interrompre… « Bien… Donne-moi tes relevés de
compte… Tes documents comptables… Tout… » Ce que je me suis empressée de
faire… Il les a étalés sur la table basse devant la télé, les a longuement
étudiés, un à un, sans un mot, sans jamais lever les yeux sur moi, en prenant
des notes sur un petit calepin à couverture rouge qu’il avait sorti de la poche
intérieure de sa veste… De temps à autre il hochait la tête, fronçait les
sourcils… « Bon… » Il a tout repoussé, s’est levé, m’a prise par le
bras, ramenée jusqu’au canapé… J’ai tout de suite su ce qui allait se passer…
Je l’ai tout de suite compris… Senti… Et… accepté… Je n’ai pas résisté… Je n’ai
pas protesté… Docilement je me suis laissé courber sur ses genoux… Déculotter…
Il a pris tout son temps… Il a emprisonné mes deux mains dans l’une des siennes
et de l’autre il a tapé… Une fessée… Il ne m’a pas ménagée… Une gigantesque et
vigoureuse fessée… Une interminable fessée… Il n’a tenu compte ni de mes pleurs
ni de mes supplications…
Savez-vous, mon cher Flavian, que c’est
une épreuve pour moi, une redoutable épreuve, que de vous raconter tout ça ?
Mais j’en ai besoin… J’ai besoin de votre écoute… Mais laissez-moi souffler un
peu… Juste un peu… Je reviens… Je reviens tout de suite…
Je vous embrasse…
CAMILLE
Croustillant. Sympa Joli-papa.
RépondreSupprimerIl ne faut jamais laisser les comptes s'installer dans le rouge. Sinon ce sont les fesses qui le deviennent… rouges.
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