lundi 12 mars 2012

Souvenirs d'avant ( 37 )

37-

– Si je me suis résolue à venir vous trouver, Monsieur…
– C’est que ?
– C’est que je suis dans une situation inextricable… Et qu’un ami m’a affirmé que vous pourriez sans doute, me venir en aide…
– Tout dépend… De quoi s’agit-il ?
– Je peux compter sur votre entière discrétion ?
– Il va de soi...
– Mon mari est un personnage très en vue… Un proche du ministre Achille Fould… Il nourrit de grandes ambitions politiques…
– C’est tout à son honneur…
– En effet… Mais… mais j’ai commis un acte qui pourrait nuire gravement à son avenir… Et provoquer un épouvantable scandale…
– De quel ordre ?
– Monsieur…
– Si vous voulez que je puisse vous aider…
– Il me faut impérativement restituer, avant mercredi, un importante somme d’argent…
– Qu’entendez-vous par importante ?
– Tenez… J’ai tout ici… Les papiers… Voyez…
– Fichtre ! Vous n’y êtes pas allée de main morte… C’est énorme…
– Et vous ne pouvez rien pour moi…
– Si… Peut-être… Mais que proposez-vous en contrepartie ?
– En contrepartie ?
– En contrepartie des centaines de milliers de francs qui vous sont nécessaires, oui… Vous n’espérez tout de même pas que je vous en fasse simplement don ?
– Je rembourserai… Je vous rembourserai… Tout… Jusqu’au dernier centime…
– Comment ? Vous n’avez pas de revenus propres…
– Je trouverai des solutions… J’économiserai… Je…
– Vagues promesses dont vous savez parfaitement que vous ne les tiendrez pas… Que vous ne serez pas en mesure de les tenir… Qu’avez-vous d’autre à proposer ?
– Je suis une femme d’honneur, Monsieur… Et vertueuse… Et je ne souffrirai pas que vous insinuiiez…
– Je n’insinue rien du tout, Madame… Je me contente de vous demander quels gages vous avez à m’offrir autres que quelques chimériques engagements…
– Si vous ne m’aidez pas, je suis une femme perdue… Je vous en conjure… Je vous en supplie à genoux… Aidez-moi !
– Je ne demande pas mieux… À condition que, de votre côté, vous y mettiez aussi du vôtre…
– Mais comment ? Que puis-je ? Que voulez-vous ?
– Commencez par me dire à quoi vous avez utilisé au juste cet argent…
– Je ne puis…
– Dans ces conditions, brisons là, Madame… Je ne veux rien avoir à faire, ni de près ni de loin, avec des agissements que je suis en droit de supposer contraires aux intérêts de l’Etat ou, en tout cas, hautement répréhensibles…
– Je vous jure qu’il n’en est rien…
– Pourquoi dès lors vous refuser à révéler à quoi a servi cet argent ?
– Une femme…
– Se prend parfois de passion irrationnelle… Au point de tout sacrifier à celui qu’elle aime… Au point de tout oublier de ce qu’elle se doit à elle-même… De ce qu’elle doit à son mari et à ses enfants… Vous ne dites rien ?
– Que pourrais-je dire ?
– Qu’un jeune bellâtre vous a séduite… Avant de vous abandonner… Et que vous êtes prête à tout pour éviter un scandale qui éclabousserait votre mari, mais qui vous éclabousserait, vous, bien davantage…
– Je suis entre vos mains…
– En effet… Vous vous êtes comportée – convenez-en – de façon tout à fait irresponsable… Particulièrement immature… Et bien immorale… Non ?
– Monsieur…
– Et avouez que ce serait sans doute vous rendre le plus grand des services que de vous punir comme vous le méritez…
– Me punir ? Qu’entendez-vous par là ?
– Ce qu’on entend généralement…
– Vous n’y pensez pas !
– Ah, si ! Et très sérieusement… C’est même la condition sine qua non que je mets à vous rendre le service que vous êtes venue me demander…
– Il ne saurait en être question…
– Je gage que vous ne sauriez tarder à changer d’avis… Et que vous reviendrez très vite à de bien meilleurs sentiments…
– Certainement non… je vous salue, Monsieur…
– Moi aussi, Madame…

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