lundi 16 janvier 2012

Souvenirs d'avant ( 29 )

29-

Le maître est cousu d’or… Il le fait couler entre ses doigts… Il en remplit des cassetttes dont il est le seul à savoir où il les a enfouies… De lui il se dit qu’il ignore l’étendue de sa fortune…

Le maître est vieux. Le maître est laid. La maîtresse, elle, est jeune. La maîtresse est belle. Très…

Mais la maîtresse est dure. Exigeante. Hautaine…

Je n’existe pas plus, à ses yeux, que les plats que je viens déposer chaque jour sur la table devant elle… Ou que les souliers crottés qu’elle abandonne dans l’entrée, quand elle rentre, pour qu’on les lui nettoie…

– Je me vengerai…
Perrine est en larmes…
– De qui donc ?
– La maîtresse… Je me vengerai… Je le jure… Parce que si tu savais… Si tu savais…
– Si je savais quoi ?
Elle redouble de sanglots…
Je ne saurai pas…

La maîtresse passe toutes ses après-midis dans la roseraie… Avec des femmes parfumées en compagnie desquelles elle rit et se promène…

– Tu aurais envie ? De la voir toute nue ? Tu voudrais ?
– Qui ça ?
– La maîtresse, tiens ! Qui tu veux d’autre ?
– La maîtresse ? Oh, non, non ! On peut pas la maîtresse…
– Bien sûr que si on peut… Je connais un moyen…
– Oh, non ! Non !
– Tu sais pas ce que tu perds… Mais ça fait rien… Je trouverai quelqu’un d’autre…

Un mouvement brusque et imprévisible de son bras qui me heurte… Je rétablis tant bien que mal l’équilibre du plat… Mais quelques gouttes de sauce sont tombées sur sa robe… L’ont tâchée…
– Tu peux pas faire attention, non ?
Un signe à Sylvain… À l’oreille duquel elle chuchote quelque chose… Sylvain qui s’empare du plat…
– Désolé…
À mi-voix
Et il me le renverse sur la tête…
La maîtresse rit… De tout son cœur… Le maître aussi… En sourdine…

– Tu veux toujours pas ? La voir toute nue… Tu veux pas ?
Si ! Cette fois, si !
– Viens alors ! Je vais te montrer comment faire… C’est le moment… Il y a personne…

La cave… Un escalier… Un coude… Un couloir… Un autre escalier…
– Tu sauras retrouver ?
– Je crois, oui…
Encore des couloirs… Encore des escaliers… Un réduit… Une porte…
– Mais t’inquiète pas ! Il y a belle lurette qu’elle est condamnée…
Une porte dont deux planches sont largement disjointes… De l’autre côté…
– C’est là qu’elle se lave… Qu’on la lave… Et si tu viens le matin…

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