jeudi 26 janvier 2012

Escobarines: Chez le docteur ( 3 )


29 Janvier

À six heures, tout à l’heure, le téléphone a sonné. C’était elle.
- Tu n’as pas fumé au moins ?
- Oh, non ! Non ! Je me réveille.
- Bon. Tu tiens le coup, hein ?! Je t’appellerai dans la journée. Et tu passeras au cabinet. Que je vérifie… Et si tu as fumé ! Alors là si tu as fumé…

J’en crève d’envie. Et il y a des cigarettes partout dans la maison. Vingt fois j’ai failli en allumer une. De quel droit elle prétendait régenter ma vie cette petite merdeuse ? Vingt fois j’y ai renoncé. Il y avait quelque chose en moi - de beaucoup plus fort que mon envie – qui m’en empêchait. Qui continue à m’en empêcher.



21 heures

Elle m’a laissée sur le gril toute la journée. Ce n’est qu’à six heures un quart qu’elle a enfin appelé.
– Viens ! Tout de suite. Je t’attends.
Il y avait trois personnes dans la salle d’attente : une visiteuse médicale, un jeune homme d’une vingtaine d’années et un vieux monsieur absorbé dans la lecture de son journal.
Elle m’a fait passer avant eux.
– J’en ai pour une minute.
Elle n’a pas refermé complètement la porte.
– Alors ?
– J’ai pas fumé…
– Souffle !
– Parfait ! File ! Laisse-moi travailler…

J’ai quand même attendu d’avoir tourné le coin de sa rue. Et j’en ai allumé une. Avec volupté. J’en ai aspiré goulûment la fumée. Que c’était bon ! Non, mais que c’était bon !
Je venais tout juste de l’écraser et je m’apprêtais à en allumer une deuxième quand mon portable a une nouvelle fois sonné.
– Tu peux remonter, s’il te plaît ?
– Hein, mais c’est que je…
– Tu remontes… Et tout de suite !

Il n’y avait plus le jeune homme. Il devait être dans le cabinet avec elle. Une jeune fille l’avait remplacé sur la chaise près de la fenêtre. La visiteuse médicale m’a souri.

– Souffle ! J’en étais sûre… Tu me prends vraiment pour une imbécile, hein ?! Bon, allez ! Tu te déculottes…
– Ici ?
– Ben oui, ici ! Évidemment ici…
– Mais ils vont entendre à côté !
– Et alors ?!
– Ben…
– Ben moi, j’ai pas que ça à faire… Et pas le temps de discuter… Alors tu laisses tes états d’âme de côté et tu te dépêches de te déculotter…

– Ils ont entendu, c’est sûr…
– À brailler comme t’as braillé ça ne fait pas l’ombre d’un doute…
– J’ai pas pu m’empêcher… Vous avez tapé tellement fort…
– Bon, mais allez ! Retourne t’asseoir dans la salle d’attente… Le temps que je finisse mes consultations…
– Dans la… ? Oh, non !
– Mais si ! Que ça te serve de leçon… Que ça te fasse passer, une bonne fois pour toutes, l’envie de te croire plus maligne que tout le monde…

– Eh ben, ma pauvre petite, vous allez rester un bon moment sans pouvoir vous asseoir…
Et le vieux monsieur a replongé le nez dans son journal…
La jeune fille a voulu dire quelque chose. Elle s’est levée. Rassise. A hésité. Et s’est finalement brusquement enfuie…

– Bon, allez, on y va… Je t’emmène…
– Où ça ?
– Chez moi… Je veux t’avoir à l’œil… Au coin tu vas la passer la soirée… Les fesses à l’air… Et ce sera comme ça tous les jours tant que je ne serai pas absolument certaine que tu es complètement sevrée…

J’ai obéi… J’en suis passée par où elle a voulu… Et je sais que j’en passerai toujours par tout ce qu’elle voudra…

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