Toujours lui… Plus tard… Des années plus tard…
On vient de très loin pour le consulter… De très hauts et puissants personnages… Qui se prosternent devant celui qui a su que le soleil serait malade… Qui a su qu’on mourrait de faim… Qu’on s’entretuerait pour un morceau de pain… Et tant d’autres choses…
Ils viennent… Ils attendent qu’il parle… Ils s’attardent silencieusement des heures en sa compagnie… Ils reviennent…
Il y en a d’autres… Beaucoup d’autres… Des gens humbles… Des gens pauvres… De plus en plus nombreux… Qui l’écoutent religieusement… On campe autour de sa modeste cabane… On s’y relaie jour et nuit…
Elle, elle ne jure plus maintenant que par lui… Elle est tous les jours là-bas… Avec ou sans moi… Il lui a dit la mort de son père… Il lui a dit celle de notre fils… Il lui a dit le feu dans la maison… Il dit… Il continue à dire…
Et à lui donner les verges… Chaque fois qu’il a décidé qu’elle devait les recevoir…
- Mais pourquoi ?...
Il ne répond pas… Elle ne proteste pas… Elle se dévêt… Elle noue ses bras autour du chêne – toujours le même – et il cingle… Aussi longtemps qu’il lui semble bon…
Il pleure… Les larmes ruissellent sur son visage… Il pleure… On fait cercle autour de lui… En silence… Il pleure…
- La peste… Elle est là-bas… En Egypte… On meurt… On souffre… Tellement… On meurt…
C’est loin l’Egypte… Si loin…
La peste est maintenant à Constantinople… Il le sait… Il la voit… Des cadavres… Par centaines… Par milliers…
- Et ici ?... Est-ce qu’elle viendra ici ?...
Il ne répond pas…
Il passe des chevaux… Des cavaliers… Qui la fuient… Qui la disent à Rome… Qui la disent partout, épouvantable… Qui disent qu’elle se répand à la vitesse de l’éclair… Qui ne s’attardent pas… Qui galopent pour lui échapper…
- Est-ce qu’elle viendra ici ?...
Il ne répond pas… Il ne veut pas répondre…
Elle viendra… Evidemment qu’elle viendra… Pourquoi y échapperions-nous ?...
Elle se laisse glisser le long du chêne… Son dos, ses fesses, l’arrière de ses cuisses sont striés de longues traînées violacées…
Il attend qu’elle se soit relevée…
- Toi, la peste t’épargnera…
Elle ?... Pourquoi elle ?...
Il sourit… Il s’éloigne… Rentre chez lui…
C’est vrai ça ?... Pourquoi elle ?... On discute… On échafaude toutes sortes d’hypothèses… Toutes plus saugrenues les unes que les autres… Pourquoi elle ?...
- Taisez-vous !... Ecoutez !... Elle, elle sait…
Elle, c’est une vieille femme édentée qui hausse les épaules… Lève les yeux au ciel…
- Parce qu’elle a connu le fouet… Le fouet protège… Le fouet sauvegarde…
Le silence… Un long moment de silence… Et puis… Mais bien sûr !... C’est pour ça !... C’est l’évidence même… Comment n’y ont-ils pas pensé plus tôt ?...
Oui, mais alors… Si le fouet permet d’éviter la peste… il y en a une, là, assise au deuxième rang, qui n’hésitera pas une seule seconde… Qu’on le lui administre… et aussi fort que nécessaire…
- A moi aussi !...
- Et à moi donc !...
Elles sont des dizaines à le vouloir… A le réclamer à cor et à cri…
Ils sont des dizaines qui ne demandent pas mieux que de leur rendre ce service…
Elles entourent, entièrement nues, les chênes de leurs bras… Elles attendent, impatientes, que les lanières s’abattent… La forêt résonne interminablement de leurs cris…
Elles sont de plus en plus nombreuses… Chaque jour plus nombreuses… Elles sont maintenant des centaines qui se pressent en quête des coups de fouet salvateurs… Qui s’offrent à eux… Qui reviennent en chercher… Qui en redemandent…
Et nous, les hommes ?... Pourquoi seulement les femmes ?... Pourquoi le fouet ne nous protège-t-il pas ?...
Elle lève sur moi son grand regard clair…
- Mais il ne protège personne… Ni hommes ni femmes… Il n’a jamais dit qu’il protégeait qui que ce soit… Il n’a jamais dit que c’était ça qui me protégeait…
- C’est quoi alors ?...
Elle sourit… Elle ne répond pas…
On vient de très loin pour le consulter… De très hauts et puissants personnages… Qui se prosternent devant celui qui a su que le soleil serait malade… Qui a su qu’on mourrait de faim… Qu’on s’entretuerait pour un morceau de pain… Et tant d’autres choses…
Ils viennent… Ils attendent qu’il parle… Ils s’attardent silencieusement des heures en sa compagnie… Ils reviennent…
Il y en a d’autres… Beaucoup d’autres… Des gens humbles… Des gens pauvres… De plus en plus nombreux… Qui l’écoutent religieusement… On campe autour de sa modeste cabane… On s’y relaie jour et nuit…
Elle, elle ne jure plus maintenant que par lui… Elle est tous les jours là-bas… Avec ou sans moi… Il lui a dit la mort de son père… Il lui a dit celle de notre fils… Il lui a dit le feu dans la maison… Il dit… Il continue à dire…
Et à lui donner les verges… Chaque fois qu’il a décidé qu’elle devait les recevoir…
- Mais pourquoi ?...
Il ne répond pas… Elle ne proteste pas… Elle se dévêt… Elle noue ses bras autour du chêne – toujours le même – et il cingle… Aussi longtemps qu’il lui semble bon…
Il pleure… Les larmes ruissellent sur son visage… Il pleure… On fait cercle autour de lui… En silence… Il pleure…
- La peste… Elle est là-bas… En Egypte… On meurt… On souffre… Tellement… On meurt…
C’est loin l’Egypte… Si loin…
La peste est maintenant à Constantinople… Il le sait… Il la voit… Des cadavres… Par centaines… Par milliers…
- Et ici ?... Est-ce qu’elle viendra ici ?...
Il ne répond pas…
Il passe des chevaux… Des cavaliers… Qui la fuient… Qui la disent à Rome… Qui la disent partout, épouvantable… Qui disent qu’elle se répand à la vitesse de l’éclair… Qui ne s’attardent pas… Qui galopent pour lui échapper…
- Est-ce qu’elle viendra ici ?...
Il ne répond pas… Il ne veut pas répondre…
Elle viendra… Evidemment qu’elle viendra… Pourquoi y échapperions-nous ?...
Elle se laisse glisser le long du chêne… Son dos, ses fesses, l’arrière de ses cuisses sont striés de longues traînées violacées…
Il attend qu’elle se soit relevée…
- Toi, la peste t’épargnera…
Elle ?... Pourquoi elle ?...
Il sourit… Il s’éloigne… Rentre chez lui…
C’est vrai ça ?... Pourquoi elle ?... On discute… On échafaude toutes sortes d’hypothèses… Toutes plus saugrenues les unes que les autres… Pourquoi elle ?...
- Taisez-vous !... Ecoutez !... Elle, elle sait…
Elle, c’est une vieille femme édentée qui hausse les épaules… Lève les yeux au ciel…
- Parce qu’elle a connu le fouet… Le fouet protège… Le fouet sauvegarde…
Le silence… Un long moment de silence… Et puis… Mais bien sûr !... C’est pour ça !... C’est l’évidence même… Comment n’y ont-ils pas pensé plus tôt ?...
Oui, mais alors… Si le fouet permet d’éviter la peste… il y en a une, là, assise au deuxième rang, qui n’hésitera pas une seule seconde… Qu’on le lui administre… et aussi fort que nécessaire…
- A moi aussi !...
- Et à moi donc !...
Elles sont des dizaines à le vouloir… A le réclamer à cor et à cri…
Ils sont des dizaines qui ne demandent pas mieux que de leur rendre ce service…
Elles entourent, entièrement nues, les chênes de leurs bras… Elles attendent, impatientes, que les lanières s’abattent… La forêt résonne interminablement de leurs cris…
Elles sont de plus en plus nombreuses… Chaque jour plus nombreuses… Elles sont maintenant des centaines qui se pressent en quête des coups de fouet salvateurs… Qui s’offrent à eux… Qui reviennent en chercher… Qui en redemandent…
Et nous, les hommes ?... Pourquoi seulement les femmes ?... Pourquoi le fouet ne nous protège-t-il pas ?...
Elle lève sur moi son grand regard clair…
- Mais il ne protège personne… Ni hommes ni femmes… Il n’a jamais dit qu’il protégeait qui que ce soit… Il n’a jamais dit que c’était ça qui me protégeait…
- C’est quoi alors ?...
Elle sourit… Elle ne répond pas…
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