jeudi 10 octobre 2013

La passion de Madame la Directrice ( 7 )



– Elle m’a engueulé… Ce matin… Convoqué dans son bureau… Paraît que j’ai la tête en l’air… Que je suis pas à ce que je fais… Que ça peut pas durer comme ça… Que j’ai intérêt à me reprendre… Vite fait… Parce qu’il y aura pas trente-six avertissements…
– Et alors ?
– Ben alors rien… Je l’ai écoutée religieusement… L’air contrit… Qu’est-ce tu voulais que je fasse d’autre ? En me demandant tout du long, pendant qu’elle causait, dans quel état elle pouvait bien avoir le derrière aujourd’hui et en me disant que, bien pris, je tarderais pas à avoir ma petite vengeance… Et je peux te dire que du coup je suis motivé là… Sacrément motivé… Plus que jamais…
– Tu m’en vois ravie…
– Mais alors le plus rigolo, c’est que juste après… j’étais à peine sorti du bureau… elle a filé à son ordi… L’heure du message faisant foi… Elle a filé m’écrire… À moi… Sans se douter le moins du monde que celui auquel elle écrivait elle venait de lui passer un de ces savons…
– Pour te raconter quoi ?  
– Tiens, écoute ! « Je commence, mon cher Oteka, à être habituée à votre façon d’égrener vos souvenirs… Au compte-gouttes… Je vais donc patiemment attendre votre bon vouloir… Par contre j’aurais malgré tout un reproche à vous faire… De vous… De votre situation… De vos goûts… je ne sais que ce que vous avez consenti à confier sur le site… Ni plus ni moins… C’est-à-dire infiniment peu… Vous êtes très secret, hein ?!… J’aimerais quand même, si c’est possible, avoir une idée nettement plus précise de quelqu’un avec qui je pressens que je vais être amené à entretenir une très longue correspondance… »
– Excellent, ça… Excellent… Très bon signe… Ça prouve qu’elle commence à s’intéresser sérieusement à toi… Et alors ? Tu vas lui répondre quoi ?
– Qu’elle en a de bonnes… Que c’est l’hôpital qui se fout de la charité… Parce que dans le registre « Je parle et je dévoile rien » elle est pas mal non plus… Pire que moi… Et puis je vais quand même lui distiller quelques « informations »… Que j’aurai 52 ans en mai… Que j’habite dans l’Ouest de Paris… Que je travaille, comme conseiller clientèle, pour une grande marque automobile…
– Il manque l’essentiel…
– Quoi donc ?
– Que tu es libre… Célibataire ou divorcé… Divorcé plutôt… Ça fait le type qu’a vécu… Qui connaît la vie… Ça va lui plaire… Surtout qu’elle est seule… Depuis un bon moment déjà… Alors un type qui lui tambourine le derrière… Oui… Bien sûr… Mais si, en plus, ça pouvait le faire… Ça pouvait tourner à la Love Story… Alors là ! Là…
– Eh bien je vais être divorcé… Je donne des détails ?
– Laisse-la mijoter… Attends qu’elle les demande… Elle les demandera forcément… Et ce sera alors la porte ouverte aux « vraies » confidences… D’un côté comme de l’autre… Non, non… Restes-en là… Pour le moment restes-en là… Et enchaîne avec la suite de l’histoire de Stéphanie…
– Tu veux que je te la lise ?
– Tu l’as déjà écrite ? Oh, ben oui alors… Oui… Évidemment… Vas-y !
– « Je venais tout juste de remettre son dossier à Luc… J’allais démarrer… quand mon portable a sonné… « C’est moi… C’est Stéphanie… Tu peux repasser à la maison ? Faut qu’on parle… Faut vraiment qu’on parle… Je suis trop mal, là… » Elle était en larmes sur le canapé du salon… « Oh, mais faut pas te mettre dans des états pareils… Je t’ai promis de rien dire… je dirai rien… » « C’est pas ça… » « C’est quoi alors ? » « Ça va plus pouvoir être pareil maintenant tous les quatre… » « Je vois vraiment pas pourquoi… » « Ben parce que… il y aura toujours ça… Entre nous… Je vais pas arrêter de me dire que tu sais… Que tu dois me voir comme quelqu’un de complètement tordu maintenant… » « Parce que tu crois que je le suis pas, moi, tordu ? » « Pas comme moi… Pas comme ça…» « Ah, tu crois ça, toi ? » Je suis   venu m’asseoir près d’elle, sur le canapé… « Dis-moi… Qui c’est qui te l’a donnée cette fessée ? » « C’est personne… » « C’est forcément quelqu’un… » « Ben oui, mais… » « C’est toi, hein ? Toute seule… Comme une grande… » « Comment tu le sais ? » « Tu devrais avoir honte… » Elle a brièvement croisé mon regard… « Non ? » Elle s’est mordu la lèvre… « Non ? Réponds ! » « Si ! » « Et tu sais ce que tu mériterais pour la peine ? Dis-le… » Elle a fait non de la tête… Non… « Dis-le ! Je veux que tu le dises… » « Une fessée… » Tout bas… Presque inaudible… « Plus fort… » « Une fessée… » « Une fessée, oui… Et je vais te la donner… » Elle s’est levée… « S’il te plaît, non… Il faut pas… Non… » « Allons, ne fais pas l’enfant… Tu n’y couperas pas… Tu sais bien que tu n’y couperas pas… » « Non… Je t’en prie… Non… » « Pourquoi ? Parce que tu en as trop envie ? »
– C’est tout ?
– Pour l’instant…
– Envoie-lui ! Dépêche-toi de lui envoyer… 

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