jeudi 7 mars 2013

Escobarines: Au bon plaisir de Sa Majesté


– Vous la vîtes ?
– Je la vis en effet…
– Et ?
– Le choix m’a paru fort peu judicieux… La fille est certes avenante, mais de ce genre de beauté qui laisse Sa Majesté de glace…
– Pourquoi dès lors l’avoir choisie ?
– Madame de Brissac serait entrée, paraît-il, dans les intérêts de cette jeune personne… Elle l’aura imposée…
– Au risque de nous perdre, nous, dans l’esprit de Sa Majesté…
– Elle n’en a cure…
– Nous saurons nous en souvenir… Quand il le faudra… Et quand arrive donc cette petite Estelle ?
– Elle est en route… Elle ne devrait tarder…

– La voici…
– Fais-toi voir, toi ! Le minois est certes agréable, mais je doute que sa Majesté…
– C’est fort peu probable en effet…
– À moins qu’elle ne soit pucelle… Auquel cas… L’es-tu ?
– Madame…
– Point de faux-fuyant… L’es-tu, oui ou non ?
– Ce n’est pas ma faute…
– Là n’est pas la question… Tu ne l’es donc pas…
– Sa Majesté ne va point me vouloir ? J’en mourrai…
– Ne dis donc point de sottises… Qui t’a pris ton pucelage… Qui ?
– Qui ? Je… C’est-à-dire…
– Eh bien ?
– Le marquis de Fontsèvre…
– Et après lui ? Ils ont été nombreux ?
– Oh, Madame ! Je sais ce que je me dois…
– Combien ?
– À part lui… Personne…
– Ce qui signifie qu’au jeu de l’amour tu ne saurais être experte…
– Il le faudrait ?
– Quand on n’est plus pucelle… il le faudrait assurément… Les sens de Sa Majesté ne sont plus si aisés à échauffer…
– Je ferai tout ce qu’Elle voudra… Tout ce qu’Elle m’ordonnera…
– Sans doute… Sans doute… Comme tant d’autres avant toi… Qui ne l’ont amusé que quelques heures… Et qu’il nous a rudement reproché ensuite de lui avoir amenées… Non… Si tu tiens vraiment à susciter chez lui quelque intérêt…
– Je le souhaite de tout mon cœur…
– Il te faut feindre d’être là contre ton gré… De ne partager sa couche que contrainte et forcée…
– Mais ce n’est pas la vérité !
– Assurément… Mais c’est celle dont il convient qu’il soit persuadé…
– Je ne saurais l’en convaincre… À peine Sa Majesté aura-t-elle porté les yeux sur moi qu’elle saura que je suis tout entière à sa dévotion… Que mon plus cher désir est de La satisfaire… De la façon qu’il Lui plaira… De toutes les façons qu’il Lui plaira…
– Dans ces conditions il va nous falloir agir en amont…
– Comment cela ?
– On avertira Sa Majesté que la jeune personne qu’elle attend fait des manières, mais que le fouet va assurément la ramener à de meilleurs sentiments…
– Le fouet ?
– Le fouet, oui… Vous effraierait-il ?
– C’est-à-dire…
– Et c’est d’elle-même qu’elle pourra tout à loisir constater qu’on ne lui en a pas menti, mais qu’il a fallu vaincre des résistances obstinées… Ce qui la mettra dans des dispositions extrêmement favorables à ton égard…
– Assurément ?
– Assurément…
– Alors, allons…
– Eh bien donc… troussez-vous !
– Voilà qui est fait…

– Sera-ce suffisant ?
– Il semble… Il est fort rouge…
– Peut-être faudrait-il… Pour que Sa Majesté soit entièrement satisfaite… Encore un peu...
– Oui… Tu as raison… Ne ménageons pas notre peine… 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire