lundi 22 octobre 2012

Les confidences de Camille ( 9 )


Flavian, bonsoir…

Mon beau-père devait vraiment considérer – et sans doute n’avait-il pas tort – que l’oisiveté me faisait courir de graves dangers parce que le lendemain, à la première heure, il était là… « Tu vas te rendre à cette adresse… Au plus tôt… Tu y seras reçue par une connaissance à moi… Qui veut bien me rendre le service de t’embaucher… Alors tâche de te montrer à la hauteur et de ne pas me faire regretter d’être intervenu… »

C’était un gros homme rougeaud qui a parcouru mon CV, les sourcils froncés et qui a fait la moue… « Mouais… Mouais… Je ne vous cacherai pas que votre profil ne correspond pas vraiment à ce que nous recherchons… Mais enfin Paul est un ami de longue date… Auquel je suis très redevable… Alors je veux bien vous donner une chance… Toutefois, dans un premier temps, une sérieuse mise à niveau s’impose… En ce qui concerne en tout cas le fonctionnement de l’entreprise et les connaissances spécifiques nécessaires à l’accomplissement des tâches qui vous seront confiées…

Et je suis passée d’une Madame Bonnet à un Monsieur Servin… D’une Mademoiselle Carrère à une Madame Raton… Pour, au bout du compte, à l’usage, me trouver « spécialisée » dans la correction des fautes d’orthographe et de syntaxe dont le directeur et la plupart de ses proches collaborateurs truffaient le moindre des textes qu’ils rédigeaient…

C’est le cœur léger que je me rendais chaque matin là-bas… L’ambiance était bonne… Les collègues sympathiques… Le travail pas désagréable du tout… Quant à mon salaire je le considérais un peu comme de l’argent de poche, mais, au lieu de le dilapider en sottises, je le mettais sagement de côté sur un compte-épargne que j’avais spécialement ouvert pour l’occasion… La leçon avait porté ses fruits…

Charlie travaillait dans le bureau voisin… Le matin j’avais droit à mon café, servi à domicile… À dix heures à mon petit pain au chocolat… Vingt fois par jour il avait un renseignement à venir me demander, un dossier à récupérer, une adresse à vérifier… Il en profitait pour s’attarder un peu à bavarder… De choses et d’autres… De Manosque où il était né et où j’avais, enfant, passé de temps à autre des vacances… De Serge Lama dont il appréciait infiniment le répertoire…  Moi aussi… De cuisine… C’était l’une de ses passions… Il était clair – de plus en plus clair – que je ne lui étais pas indifférente… C’était plutôt flatteur… Et d’autant plus agréable que courtois, attentionné, empressé, il restait toujours bien sagement « dans les clous… »

Et à moi est-ce qu’il me plaisait ? Je ne me posais seulement pas la question… Il n’avait pas à me plaire ou à ne pas me plaire… J’étais mariée… Et j’avais bien trop bonne opinion de moi-même pour m’imaginer un seul instant dans la peau d’une femme qui trompe son mari… Tant et si bien que le jour où il m’a proposé de l’accompagner à un concert de Serge Lama – l’un de ses amis, a-t-il prétendu, s’était désisté au dernier moment – c’est en toute confiance que j’ai accepté… Confiance en lui, mais, surtout, confiance en moi…

À la sortie du concert, il crevait de faim… « C’est dimanche demain… On n’est pas pressés… » Moi, de toute façon, j’étais encore bien trop pleine du spectacle auquel je venais d’assister pour avoir envie d’aller me coucher… On s’est donc retrouvés tous les deux attablés, à une heure du matin, dans un petit restaurant où on a discuté, à bâtons rompus, jusque tard dans la nuit… Il faisait incroyablement doux et, quand on en est sortis, on a erré longtemps encore, au hasard, par les rues… Quand on s’est enfin quittés, à regret, le jour était depuis longtemps levé…

Il a laissé passer un peu de temps – une dizaine de jours – et puis… « Tu fais quelque chose de spécial samedi ? » « Samedi ? Non… Je crois pas, non… Pourquoi ? » « Parce que… toi qui apprécies la cuisine raffinée… je t’aurais fait découvrir un de ces restaurants ! Tu m’en aurais dit des nouvelles… » « Je sais pas… Je verrai… Je te dirai… »

C’était tout vu… Pourquoi j’aurais refusé ? Rien – que ce soit dans son comportement ou dans ses propos – ne pouvait m’en fournir le prétexte… Et puis… j’en crevais d’envie… Alors…

Et le samedi suivant…

Je vous embrasse, Flavian…

CAMILLE    

      

6 commentaires:

  1. Et après !!! Et après !!!
    François ou l'art de rendre ses lectrices impatientes !!!

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    1. Surtout là! ;))... On suit les confidences de deux personnages qui se les échangent... L'attente n'en est que plus longue...

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  2. Le samedi suivant, je sais, pas, mais le dimanche suivant, beau-papa et panpan cucul !

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  3. À votre avis, elle est naïve ou elle fait semblant de l'être?

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