Ma première fessée, Flavian ? Je
veux bien vous la raconter, oui, mais ici. En privé. Par mail. Pas sur le
forum. Il s’y trouve en effet trois ou quatre inscrits – et comme par hasard
parmi les plus actifs – qui portent en permanence des jugements de valeur sur
les propos et le vécu des uns et des autres. Leurs commentaires et leurs
réflexions me hérissent au plus haut point. Alors mettre mon histoire en ligne
là-bas ? Ah, non, non… Sûrement pas… D’autant que je n’y apparais pas sous
mon meilleur jour… C’est le moins qu’on puisse dire…
Donc… Voilà… Je me lance… En comptant,
cela va de soi, sur votre discrétion…
J’avais 21 ans, j’étais étudiante et je
partageais un minuscule appartement avec deux filles tout aussi fauchées que
moi… Mes parents ? J’avais depuis longtemps coupé les ponts...
Travailler ? Oui, bien sûr… Je travaillais… Des petis boulots… De ci… De
là… Qui me rapportaient une misère… Clémence et Adrienne se trouvaient dans une
situation à peu près analogue à la mienne… Et on tirait le diable par la queue…
Payer le loyer, l’électricité… Faire les courses… Tout ça nous posait
constamment problème… Et, évidemment, on se disputait… On n’arrêtait pas de se
disputer… Quand il n’y a pas de foin au ratelier les chevaux se battent…
Et puis, un beau matin, Adrienne a ramené
deux sacs de course pleins à ras bord…
– D’où tu sors tout ça ?
– Posez pas de questions, les filles,
mangez et posez pas de questions…
On en a quand même posé… Parce que ça a
recommencé… Encore des courses… Et puis des trucs pour elle… Des sapes… Des
parfums… Du maquillage…
– Mais enfin c’est d’où que tu sors tout
ça ?
– Faut pas que je vous fasse un
dessin ?
– Tu le piques ?
– Non, mais ça va pas, non ? Vous
me prenez pour qui ? Non… Il y a des hommes qui sont très généreux… Quand
on sait se montrer très gentille avec eux…
Folle… Elle était complètement folle… On
en parlait toutes les deux, Clémence et moi… Nous, il y avait pas de risque
qu’on mange de ce pain-là… Ah, non alors !
Clémence, elle, elle en a mangé quinze
jours plus tard…
– Oh, c’est bon… Tu vas pas m’emmerder
avec ta morale à deux balles… On n’est plus au Moyen-Âge…
Et elle aussi. Des huîtres. Du saumon.
Des robes. Des CD. En pagaille…
– Ça change la vie… Il y a pas à dire…
Ça changeait la leur, mais ça changeait
aussi la mienne. Parce que je profitais. D’elles. De leur argent. De cet argent-là.
Et je culpabilisais.
– Oh, mais arrête de nous prendre la
tête avec ça ! C’est fatigant à la longue…
J’avais beau dire, mais intérieurement
ça faisait quand même son chemin. Parce que j’avais honte d’être à leur charge.
Parce que je les enviais de pouvoir s’acheter tout ce qui leur faisait plaisir…
Parce que je me disais que j’étais idiote… T’es bourrée de tout un tas de
préjugés et de principes, ma pauvre fille… Elles le font bien, elles… Alors
pourquoi pas toi ? Oui, mais non… Non… Je pourrai jamais… J’aurais bien
trop honte…
Il n’était pas trop vieux. La
quarantaine. Sympathique. Agréable. Dix minutes de dialogue et l’affaire était
conclue. Rendez-vous pris. À l’hôtel.
Dix fois je suis revenue sur mes pas.
Dix fois je me suis fait violence. J’ai fini par pousser la porte de la chambre,
morte de confusion. Morte d’appréhension…
Il est venu à ma rencontre. A posé ses
mains sur mes épaules. Les y a interminablement laissées. M’a obligée à relever
la tête…
– C’est la première fois, hein ?
– Non… Oh, non… Oui… Si !
– Bon… Eh bien déshabille-toi alors… Qu’est-ce
que tu attends ?
Et il s’est assis au bord du lit…
– Me… ? Ah, oui… Oui…
Je l’ai fait. Bravement. Complètement.
Tout. Voilà…
Il m’a enserré les poignets. Attirée
vers lui…
– Pourquoi tu fais ça ?
– Hein ? Mais parce que je… Faut
bien que je mange… Que je paye mes études… Parce que j’ai pas d’autre solution…
– Tu sais très bien que si ! Que si
tu voulais vraiment… Seulement non ! On préfère la facilité… Pouvoir s’offrir
toutes ses petites fantaisies… Dépenser
sans compter… Se priver de rien… Alors tu sais ce qu’elles méritent les petites
gamines dans ton genre ? C’est une bonne fessée… Qui leur remette les
idées en place… Qui leur rappelle ce qu’elles se doivent à elles-mêmes… Qui
leur ôte à tout jamais l’envie de recommencer… Et je vais te la donner…
J’ai pas eu le temps de protester. De
résister. De rien. Il m’a fait basculer sur ses genoux et il a tapé. À pleine
main. À pleines fesses. J’ai pleuré. J’ai gigoté. J’ai crié. J’ai supplié. Rien
n’y a fait. Jusqu’à ce qu’il estime, lui, que c’était suffisant…
– Que ça te serve de leçon…
Et il m’a plantée là…
Voilà, Flavian… Ça n’a pas été facile,
vous savez…
Je vous souhaite une bonne soirée…
Camille
Chouette début! :) j'aime bien , le "40 ans , pas trop vieux"!:D mince, quand on a 20 ans , ceux qui en ont 30 sont des vieillards!;):D
RépondreSupprimerToute la difficulté, c'est que le début tienne ses promesses!!!
SupprimerQuant à l'âge je connais une vieille dame de 84 ans qui parcourt tous les jours la rubrique nécrologique du quotidien local et qui se scandalise: "Monsieur X est mort! 72 ans! C'est jeune! C'est tout jeune... " Comme quoi tout est relatif...
Merci en tout cas de ton passage qui me fait très plaisir...
moi jai 46 set trop vieux
SupprimerPas forcément... faudrait voir avec elle...
SupprimerEt allez, je pars sur de nouvelles aventures, chouette. Heu, elle a eu ses sous, tout de même ? oui bon ok je sors.
RépondreSupprimerL'histoire ne le dit pas, mais, franchement, ça m'étonnerait beaucoup.
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