lundi 7 mai 2018

Défaîte


Dessin : Louis Malteste

– Jamais on aurait dû la perdre, cette finale ! Jamais !
– Ah, ça !
– On était largement au-dessus d’elles, faut dire ce qui y est !
– Marthe a été vraiment lamentable.
– Elle a quasiment tout raté. C’est pas son habitude pourtant…
– Un jour sans. Ça arrive.
– Vous me faites rire, les filles ! Non, mais alors là, vous me faites trop rire. Vous avez vraiment rien vu ?
– Non. Quoi ?
– Elle le faisait exprès. C’est clair qu’elle le faisait exprès.
– Moi aussi, je me suis demandé.
– C’est vrai que ça paraissait bizarre. Elle était au-dessous de tout aujourd’hui.
– Pourquoi elle aurait fait ça ?
– Pourquoi ? Ils sont riches à millions en face.
– Tu veux dire que…
– Qu’ils l’ont achetée, oui. L’argent et elle, ça a toujours été une grande histoire d’amour.
– Oh, quand même !
– À votre avis, elle est où, là ?
– C’est vrai, ça, pourquoi elle est pas avec nous ? Il y a qu’elle qu’est pas là.
– Elle est partie chercher ses sous, tiens ! Moitié avant le match. Et moitié après. En général c’est comme ça que ça se passe.
– Et en plus elle nous fait ça quasiment sous le nez.
– Quelle garce !
– Tiens, ben la v’là justement !

– T’étais où ?
– Là-bas… Je discutais.
– Gros sous ?
– Non. Pourquoi tu dis ça ?
– On est au courant, Marthe.
– Au courant ? Mais au courant de quoi, grands dieux ?
– Fais bien l’innocente !
– Vide tes poches, plutôt ! Vide tes poches ! Non, pas celle-là. L’autre devant. Celle qu’est bien gonflée. Qu’est-ce t’es empotée ! Attends, je vais t’aider… Là ! Voilà ! C’est quoi tout ce blé ?
– C’est à moi !
– Et ça sort d’où ?
– De… Je… J’ai travaillé.
– Fous-toi bien de nous ! En plus !
– Mais non, mais…
– On la connaît la vérité. Quelqu’un t’a balancée. Quelle espèce de petite saloperie tu fais ! Parce que, nous, on a passé des heures et des heures à s’entraîner pour cette finale. On y croyait. On s’est investies. On a consenti tout un tas de sacrifices pour la gagner. Et toi, au dernier moment, tu nous plantes un poignard dans le dos.
– Je suis désolée.
– Ça nous fait une belle jambe. En tout cas, je peux te dire qu’il va y en avoir du monde au courant de ce que t’as fait ! Les dirigeants, bien sûr. Nos familles. Nos amis. Tous ceux à qui on aura l’occasion de le faire savoir. D’une façon ou d’une autre.
– Vous allez pas faire ça !
– On va se gêner !
– Pour qui je vais passer, moi !
– Pour ce que t’es !
– Je vous en supplie…

Pénélope et Mathilde se sont concertées à voix basse.
– Oh, oui, oui. C’est une idée, ça !
Se sont tournées vers elle.
– Ou bien alors on te flanque une bonne fessée déculottée. Au choix !
– Une fess… Oh, non, non.
– Comme tu voudras.
Et elles lui ont tourné le dos.
– Attendez !
– T’as changé d’avis ?
– Non !
Elles ont fait mine de s’éloigner.
– Oui. Si !
Elles sont revenues.
– T’as raison ! C’est qu’un mauvais moment à passer. Tandis que sinon, c’est tous les jours que t’auras le nez dedans. Bon, ben allez !
Elles ne lui ont pas laissé le temps de se raviser.
Pénélope l’a fait tomber à genoux, lui a relevé la robe, enserré la taille avec son bras.
Et Mathilde l’a déculottée.
– La ménagez pas, hein, les filles ! Qu’elle le sente passer.
– Et faites-lui honte. Surtout ça ! Bien honte.
– Comptez sur nous. Elle va s’en souvenir.
Et la première claque est tombée.

4 commentaires:

  1. Décidément, à chaque fois une nouvelle surprise. Très bonne idée, ça, je me suis régalée. Merci !

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  2. En…fait c'est plus fort que moi… dès qu'un dessin me parle, il faut que me naisse une histoire… Et je prends un plaisir fou à séjourner un peu avec ces personnages. D'autant que ces dessins du début du XXème siècle ont un charme fou.

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  3. Ha ! Votre inspiration vient des dessins. D'accord. Moi là je sèche un peu.

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    1. Je ne veux pas prendre mon cas pour une généralité, mais la solution consiste souvent, quand on "sèche", à passer à autre chose quitte à revenir ensuite sur ce qu'on avait laissé de côté.

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