jeudi 24 mai 2018

Quinze ans après (7)

Avec Eugénie, c’était une autre paire de manches.
– On arrivera à rien, je t’assure, Coxan. Parce que pour parler, ça, elle parle… Elle fait même que ça. Quant au reste : même aller boire un café quelque part toutes les deux, pas question. Elle se défile systématiquement. C’est d’un décourageant ! Et t’as vraiment l’impression de perdre ton temps à force.
– Oui, mais si, au final, ça débouche sur ce qu’on espère, ce n’en sera que plus savoureux.
– Alors ça ! J’imagine franchement pas cette nana se laissant filmer en train de recevoir la fessée. Faudrait déjà qu’elle accepte qu’on lui en flanque une. Et c’est loin d’être gagné.
– C’est quoi, le problème, à ton avis ? Le mari ? Elle a peur qu’il s’aperçoive de quelque chose ?
– Il y a peut-être un peu de ça, oui, mais ce que je crois surtout, c’est que c’est la fantasmeuse de base. Et qu’elle sautera jamais le pas. Qu’elle en a jamais eu vraiment l’intention.
– Et c’est quoi ses fantasmes ?
– SON fantasme, tu veux dire ! Il y en a qu’un. Auquel elle revient toujours. Obsessionnellement. Elle couche avec le mari d’une autre. Qui découvre le pot-aux-roses et qui se venge en lui flanquant une mémorable fessée.
– Eh, bien, invente-toi un petit copain ! Raconte-lui que tu vas te marier avec. Que c’est imminent. Et je te parie qu’avant quinze jours tu l’auras rencontrée. Qu’elle fera des pieds et des mains pour que tu le lui présentes. Ce que tu feras…
– Mais…
– Mais c’est un rôle que je jouerai à la perfection, tu verras… Et avant trois mois on est arrivés à nos fins.

Il n’avait pas tort. J’ai senti s’éveiller aussitôt chez elle un intérêt manifeste pour cet amoureux d’invention.
– Ah, oui ! Mais tu m’en as jamais parlé de ce type.
– Ça s’est pas trouvé.
– Il fait quoi ?
– Ingénieur.
– Et alors, comme ça, vous allez vous marier…
– On en parle…
Le poisson était ferré.
Coxan a poussé à la roue.
– Bats le fer tant qu’il est chaud ! Rencontre-la !
Elle ne s’y est pas refusée. Et on a passé l’après-midi ensemble. À parler de lui, de lui et encore de lui.
On s’est revues le surlendemain. Et encore la semaine suivante.
– Plus je t’entends en parler et plus je me dis qu’il est en or, ce type.
– Je crois en effet que j’ai beaucoup de chance.
Elle a fini par se lancer.
– Tu sais ce qu’on pourrait ? C’est que tu me le présentes. Ça donne envie à force de t’entendre en parler. Et puis tu sais quoi ? J’ai une sorte de sixième sens. Quand je vois deux personnes ensemble, tout de suite je sais si elles sont faites l’une pour l’autre, si c’est appelé à durer. Je te dirai…

Coxan était aux anges.
– Et voilà ! Je te l’avais dit. Je te l’avais pas dit ? C’est quasiment dans la poche. Bon, mais on va quand même la faire mariner un peu. Qu’elle ait le temps d’en rêver. Dis-lui que je suis en mission quelque part. Pour une quinzaine de jours. Au Cambodge. Ou au Canada. N’importe où. On s’en fout.

2 commentaires:

  1. Mais quelles manigances ! La fin justifie les moyens non ?

    RépondreSupprimer
  2. Ah, ça, ils savent parfaitement où ils veulent aller tous les deux. Et notre Lisa y prend de plus en plus goût.

    RépondreSupprimer