lundi 28 mai 2018

L'intrus


Alexandre Chaponnier. La soubrette

– Oh, pardon ! Je suis confus. J’ignorais…
– Voulez-vous bien vous retirer, petit drôle !
– En fait, je cherche…
– Retirez-vous, vous dis-je !

– Il est reparti ?
– Il est reparti, oui, mais il ne s’est guère empressé de le faire.
– C’était le comte de Coulas, n’est-ce pas ?
– Non. Son fils. Qui savait ce qu’il faisait, allez ! Il n’est pas entré ici par hasard.
– Crois-tu, Jeanne ?
– Assurément. Il fréquente assidûment le vicomte de Santry. Qui lui aura probablement confié, sous le sceau du secret, qu’il enjolive parfois le séant de Madame d’un rouge flamboyant du plus bel effet. Il aura voulu se rendre compte par lui-même et aura profité du moment où je donne ses soins à Madame pour feindre s’être trompé de porte…
– Ce jeune Coulas est un fripon.
– Qui s’est effrontément repu, pendant le peu de temps dont il a disposé, du fessier généreusement exposé de Madame.
– Et Santry un bavard.
– Les hommes ne savent pas tenir leur langue. Surtout s’agissant de nous, les femmes.
– Mais ses claquées sont si voluptueuses…
– Que Madame ne saurait y renoncer pour rien au monde.
– Ni à elles ni à ce qui s’ensuit.
– Il m’avait semblé, en effet…
– Dis-moi, Jeanne, ce petit Coulas est vraiment très joli garçon.
– Il fait fondre bien des cœurs.
– Pourquoi l’avoir si vite chassé ?
– Sa présence offusquait la pudeur de Madame.
– Peut-être reviendra-t-il ?
– Ce serait faire preuve d’une insistance malséante.
– À moins qu’on ne l’y encourage…
– Si tel est le souhait de Madame…
– Tu sais être diplomate, Jeanne. Et efficace. Tu me l’as, à maintes reprises, prouvé.
– Madame sait qu’elle peut compter sur moi. Dans quelque circonstance que ce soit.
– Alors fais en sorte que ses mains viennent prochainement s’abattre sur mon séant. Implacables et vigoureuses. Mais aussi douces et sensuelles.
– Cela sera.
– Et fais aussi en sorte que je paraisse ne m’avouer vaincue qu’après longue résistance acharnée.
– Madame peut me faire confiance.
– Merci, Jeanne.

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