– Alors ?
Comment elle va, notre jeune Madame, ce matin ? Mieux ?
Elle
fait de la place, sur la table de nuit, pour pouvoir y déposer la
tasse qu’elle apporte.
– Un
peu. Je ne vomis plus, non, mais j’ai toujours des nausées. La
tête qui tourne. Et de la fièvre, sûrement.
–Vous
savez ce que le docteur a dit. Il vous faut être patiente. Bien
prendre vos remèdes. Et vous reposer. Vous reposer le plus possible.
– Ah,
je m’en souviendrai, Bénédicte, de mes vingt ans ! Au lit,
je les fête. Au lit !
– Vous
êtes jeune. Vous en aurez d’autres, des anniversaires. Beaucoup
d’autres.
– Oui,
mais vingt ans, ce n’est pas un anniversaire comme les autres. Et
Norbert qui n’est pas là. En plus !
Bénédicte
redresse l’oreiller, remet la courtepointe en place.
– La
mère de votre époux est au plus mal. Sa place, à lui, est tout
naturellement à son chevet.
– Je
sais, Bénédicte, je sais, mais avoue que tout semble se liguer
contre nous en ce moment.
– Il
ne sert à rien de broyer du noir.
Elle
lui tend la tasse.
– Allez,
avalez-moi ce breuvage tant qu’il est chaud. Et puis nous ferons un
brin de toilette.
– Demain,
Bénédicte, demain. Attendons demain. J’irai mieux demain.
– C’est
ce que vous avez déjà dit hier. Non, non. Une toilette s’impose.
Je reviens. Je vais chercher ce qu’il nous faut.
* *
*
Elle
ramène la chaise au bord du lit, y dépose broc, cuvette et
serviettes.
– Allez,
on retire cette petite chemise.
– Demain,
Bénédicte, va !
– Pas
demain, non. Aujourd’hui. Ce n’est pas parce qu’on est malade
qu’on doit se négliger. Allez, hop !
Elle
repousse draps et couvertures.
– Soulevez-vous !
Et
s’empare, d’autorité, des rebords de la chemise qu’elle lui
fait passer par-dessus la tête.
– Là !
D’abord le dos. Tournez-vous ! Sur le ventre. Et laissez donc
ce drap tranquille ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
Faites voir ! Ah, si, si, faites voir ! Lâchez ! Oh,
là là ! Vous avez le derrière dans un état, mais dans un
état !
Elle
fronce les sourcils.
– Qui,
mais qui vous a arrangée de cette façon-là ? Ni Monsieur
votre père ni Madame votre mère, assurément. Jamais ils ne
lèveraient la main sur vous.
– Leur
dis pas, Bénédicte ! Tu vas pas leur dire, hein !
– Quant
à Monsieur votre époux, il est, depuis plus d’une semaine, à des
centaines de kilomètres d’ici. Alors qui ?
– Je
veux pas qu’on sache.
– Eh
bien alors, expliquez-moi !
– C’est
à cause de l’an dernier, au couvent.
– Au
couvent !
Elle
s’assied, à ses côtés, au bord du lit.
– Oui,
parce qu’avec deux autres filles, un jour, là-bas, en cachette, on
s’est amusées à se donner la fessée.
– Et
ça vous a plu.
– Un
peu.
– Et
vous avez recommencé. Souvent ?
– Quelquefois.
– Tant
et si bien que, maintenant, vous ne pouvez plus vous en passer.
Elle
lui soulève le menton. Du bout du doigt.
– Regardez-moi !
Et répondez-moi ! C’est ça, hein ?
– Oui.
– Et
à qui demandez-vous donc de bien vouloir vous corriger ?
Certainement pas à votre époux. Il en serait scandalisé, le pauvre
jeune monsieur. Et, de toute façon, il est absent. Alors à qui ?
– À
personne. Je m’arrange.
– Toute
seule ? Et vous y trouvez vraiment votre compte ?
– J’essaie,
mais…
– Si
je puis me permettre…
– Oui,
Bénédicte ?
– Au
cas où la jeune Madame souhaiterait que je lui rende ce menu
service, il lui suffirait de l’exiger de moi.
– Et
tu me garderais le secret ?
– Le
plus absolu.
– Alors
vas-y !
– Maintenant ?
– Maintenant,
oui. Par-dessus l’autre. Et tape, hein ! Fais pas semblant.
– Oh,
pour ça, la jeune Madame peut me faire confiance. Elle va s’en
souvenir.
Et
elle lance une première claque. À toute volée.
Ah ! Les souvenirs de discipline au couvent. Nostalgie ! Belle histoire, bien écrite et joliement illustrée.
RépondreSupprimerEt les relations entre maîtres, maîtresses, serviteurs, servantes… Tout un univers. Et toute une époque. Merci de votre passage ici et de votre commentaire.
RépondreSupprimerToute une époque, bien sûr. Ça me rappelle un peu le conte d’Isak Dinesen intitulé “Les irréductibles propriétaires d’esclaves”.
SupprimerJe ne connais pas du tout. Je vais me le procurer.
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