lundi 20 novembre 2017

Au plaisir des dames (3)

Félix Vallotton. Quatre torses, 1916


– Géniale, cette soirée, non ?
– Ah, oui alors !
– Et puis, ils cuisinent sacrément bien, en attendant, pour des mecs.
– Sans compter que, dans le jardin, c’est une chose, mais de les avoir là, à poil, dans leur cuisine, à aller et venir, à s’asseoir, à se relever…
– Ah, ça t’a plu, ça, hein !
– Pas à toi, peut-être ?
– À un moment, la conversation avait pris un tour sacrément coquin, n’empêche. Et sûrement que si on avait un peu insisté…
– Ils se seraient mis à combattre pour nous.
– Je crois aussi, oui. Oh, mais ce n’est que partie remise si on veut. Et si on sait manœuvrer…
– On saura. D’autant que c’est à leur tour de venir demain soir. Et pas question de les laisser repartir sans avoir fait avancer le schmilblick.

– L’impression qu’ils donnent, c’est qu’ils seraient pas contre, hein, finalement.
– Mais pas avec les mêmes règles du jeu. À nous de la ramasser, la fessée, sur ce coup-là. À celle de nous deux, du moins, qu’aura fait le mauvais choix.
– Ce qu’est nettement moins drôle que de la leur donner.
– Et, si j’ai bien compris, c’est le gagnant qui la lui flanquerait. Pour la punir de pas avoir pris parti pour lui. Avant d’aller s’enfermer dans la chambre avec l’autre. Machiavélique, non ?
– Oui, mais tout ça, c’était plutôt dit sur le mode de la plaisanterie. Faut pas y attacher trop d’importance.
– Oui, oh, alors là, j’en mettrais pas ma main au feu. On ne plaisante jamais complètement au hasard. Il y a toujours un fond de vérité derrière.
– Tu crois ?
– Évidemment ! Oh, mais je vais en avoir le cœur net, n’importe comment. Et pas plus tard que cet après-midi. En continuant son portrait à Gilles. Quand on n’est que tous les deux, il se lâche complètement.

– Alors ?
– Ben alors, c’est quand on veut. Ils demandent que ça.
– C’est sûr ?
– Sûr et certain ! On fait quoi ? C’est toi qui décides. Ce sont tes voisins.
– D’un côté…
– Ça te tente bien. Depuis le temps que tu les reluques et que tu rêves de te pâmer dans leurs bras, mais, de l’autre…
– Avec la chance que j’ai, je vais forcément miser sur le perdant.
– Et une fessée, on peut pas dire que ça te tente. Oui, mais ça, quand on joue, on n’est jamais sûr de gagner. Ce serait trop facile.
– Tu choisirais lequel, toi ?
– Gilles… Ça coule de source.
– Je crois quand même que Nicolas est plus costaud.
– Oui, oh, ben alors ça, je suis bien tranquille que non.
– Si ! Il est plus râblé. Plus nerveux. Il en ferait qu’une bouchée de ton Gilles, je suis sûre.
– On parle dans le vide, là, n’importe comment.
– Pas tant que ça, moi, je pense…
– On vérifie ?
– On vérifie.
– Eh bien, allez, alors ! Ils nous attendent.

– Comment ils y ont mis tout leur cœur, n’empêche ! On voyait vraiment qu’ils voulaient tous les deux gagner.
– Et qu’est-ce que ça a duré ! Ah, on a eu le temps d’en profiter…
– Jamais je serais allée imaginer que Nicolas se défonce autant pour moi. Qu’il ait autant envie de moi finalement.
– Sauf qu’à l’arrivée…
– Oui, bon, ça va. Pas la peine d’en rajouter. D’autant que ça s’est joué à pas grand-chose au bout du compte.
– Mais le résultat est là. Gilles était le plus fort. Et alors je te dis pas après…
– Ben ça, on a entendu.
– Un jeune mec comme ça, beau, bien musclé, bien monté, bien endurant, j’avoue que, même dans mes rêves les plus fous, je pensais pas que ça redeviendrait un jour possible. Faut dire aussi que tu nous as bien aidés. Parce que t’avoir collé une fessée juste avant, ça l’avait sacrément mis en appétit.
– Et il y est pas allé de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire. Ça va peut-être te surprendre, mais, en attendant, c’était pas si désagréable que ça.
– C’est bien ce qu’il m’a semblé. Ben, il y a plus qu’à recommencer alors !
– C’est quand tu veux. Et quand ils veulent.
– Même si c’est encore Gilles qui gagne ? Ce qu’est couru d’avance.
– Même…

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