samedi 25 novembre 2017

Amandine (2)

Le lendemain soir, elle a attaqué d’entrée de jeu.
– Vous savez, je lui ai raconté à Aurore pour les bouquins que j’ai laissé tomber, hier, dans l’entrée. Elle s’est bien fichue de moi, tiens, en attendant ! « Il t’arrive toujours de ces trucs à toi ! » Je peux m’asseoir ? Merci. Où on en était ? Ah oui ! Si elle m’a dit ça, c’est à cause de ce qui s’est passé un jour sur le campus, à la fac. J’étais chargée que le diable : mes cours à gauche, un sac de sapes à droite. Et mon portable à la main. En plus ! D’un seul coup, sans prévenir, il s’est levé un grand coup de vent, mais alors là, le méga truc. Et qu’a duré en plus. Il faisait beau. J’avais une jupe en tissu léger. Alors, forcément, elle a voltigé. Et pour la rabattre, encombrée comme je l’étais, c’était la croix et la bannière. Mission quasi impossible. Mais le pire, c’est qu’en-dessous, non seulement j’étais en string, mais surtout, j’avais les fesses écarlates d’une fessée toute neuve de la veille. Qu’Aurore m’avait généreusement octroyée. Il était midi. L’heure où il y a le plus de monde dehors. Alors, évidemment, il y en a plein qu’ont vu. Et qu’ont même eu le temps de sacrément bien voir. Il y a eu des tas de réflexions du coup. Des rires. Des coups de sifflet.
– Ça, j’me doute…
– Et elle, c’est dix mille fois qu’il a fallu que je lui raconte quand elle a eu appris. Elle voulait tout savoir. Bien en détail. Combien de temps ça avait duré au juste. Et qui c’était le monde autour. Surtout des filles ou surtout des garçons ? Et c’était quoi les réflexions qu’on faisait ? Et des regards ? J’en avais croisé des regards ? Ils étaient comment ? Rigolards ? Moqueurs ? Des fois, je pouvais répondre. Et d’autres fois, pas du tout. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que ça la mettait dans tous ses états cette histoire.


– Et elle a voulu que tu recommences, mais en toute connaissance de cause, cette fois, et en sa présence.
Elle m’a jeté un regard stupéfait.
– Comment vous le savez ?
– C’est pas bien compliqué à deviner.
– Elle m’entraîne dans de ces trucs ! Où il faut toujours qu’on se rende compte que j’y ai attrapé. Sans que ça ait l’air d’être fait exprès. Et elle peut avoir une de ces imaginations quand elle veut.
– Et toi ?
– Quoi, moi ?
– Ça te plaît, tout ça ?
Elle a haussé les épaules.
– Au début pas trop. Pas vraiment. J’étais pas à l’aise. Pas du tout même. J’avais honte d’une façon qu’était pas agréable. Si je le faisais, c’était pour lui faire plaisir. Parce que je voyais bien qu’elle en crevait d’envie et que c’était hyper important pour elle. Et puis, petit à petit, j’y ai vraiment pris goût. Ça a un côté un peu enivrant, finalement, tous ces regards qui se concentrent sur toi. Tous ces gens que ça interpelle. Qui se posent des tas de questions. Qui s’apitoyent ou se scandalisent. Que ça excite, certains. J’ai toujours honte, dans un sens, oui, bien sûr, mais c’est plus la même honte. Elle a quelque chose de… comment dire ? Sensuel. Oui, c’est ça. C’est le mot.
Elle s’est brusquement interrompue.
– Quelle heure il est ?
– Sept heures.
– Déjà ! Faut que j’y aille ! Faut vraiment que j’y aille. Parce qu’elle vient, Aurore, ce soir. Et c’est la première fois qu’elle met les pieds chez moi. Alors…
Elle s’est retournée sur le pas de la porte.
– Ah, oui, j’oubliais…
Elle a paru hésiter. Chercher ses mots.
– Il y a des chances que j’en prenne une tout-à-l’heure.
Elle est revenue sur ses pas.
– C’est pas seulement qu’il y a des chances, c’est que c’est sûr. Elle me l’a promis. Et s’il y a quelqu’un qui tient toujours ses promesses…
Est repartie dans l’autre sens.
– Vous allez entendre. Forcément ! Vu comment c’est insonorisé ici !
A posé sa main sur la poignée de la porte.
– Ce qu’elle voulait que je vous dise aussi, c’est que c’est de votre faute si je vais l’avoir, la fessée. Parce qu’ils sont tombés par terre les bouquins. Que j’avais qu’à faire attention.


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