lundi 18 avril 2016

La clef USB (5)

Je ne m’en étais pas si mal sortie finalement ! Parce qu’en débarquant comme ça à l’improviste, en exigeant que je me regarde, sur cette vidéo, me caresser sous la douche, et ça en se tenant à mes côtés, son but était à l’évidence de me déstabiliser, de s’offrir le spectacle de ma confusion. De me mettre délibérément mal à l’aise. Je ne lui avais pas fait ce plaisir. J’étais restée impassible. Impénétrable. Je n’avais rien laissé transparaître de ce que j’éprouvais. Même si, à l’intérieur, c’était loin d’être simple. Comment aurait-ce pu l’être ?

Et maintenant ? Maintenant il voulait me voir me caresser « en vrai ». Ou, plus exactement, me voir jouir « en vrai » devant lui. Il s’en délectait manifestement par avance. Oui, ben alors ça, il pouvait toujours courir. Je ferais mécaniquement les gestes : bien obligée. Mais quant à avoir vraiment un orgasme, c’était totalement exclu. J’allais me contrôler, mobiliser toute mon énergie pour m’en empêcher et j’y arriverais. J’y arriverais ? J’étais bien sûre de moi, là ! Non, parce que, dans mon cas, le jet de la douche s’était toujours avéré particulièrement efficace. Et il ne suffisait pas de décider qu’il en irait cette fois-ci autrement pour que… D’un coup de baguette magique… Allais-je être vraiment capable de me maîtriser ? C’était là toute la question. J’en étais, par moments, fermement convaincue et j’étais, à d’autres moments, tout aussi fermement convaincue du contraire. De toute façon je n’allais pas tarder à être fixée. Et j’appréhendais… Comment j’appréhendais ! Finalement c’était peut-être le but qu’il visait en m’annonçant le programme aussi longtemps à l’avance : me faire vivre, plus d’une semaine durant, dans la hantise de moi-même.

Il avait rencontré Laurent. Il avait rencontré mon mari. Il s’est empressé, à peine arrivé, de me l’annoncer…
– Trois fois, en une semaine, que je tombe sur lui… Et par hasard… C’est fou ça, non ? On s’est taillé une petite bavette du coup tous les deux et on va s’inscrire au tennis. Non, parce qu’on finirait par s’encroûter à force… Bon, mais c’est pas tout ça… Dis un chiffre…
– Quatre. Pourquoi ?
– Alors la vidéo quatre on va se regarder…
– Hein ? Mais…
– Mais quoi ? Ah, le charmant petit spectacle que tu devais m’offrir sous la douche ? Tu tiens absolument à ce que ce soit maintenant ? Tout de suite ?
Ah, mais non ! Non… Pas du tout… Et même…
– Eh bien alors ! Un autre jour tu me montreras ça… On a tout notre temps… Il y a rien qui presse… Allez, tu nous la mets cette quatre ?
J’ai très vite cliqué sur la trois. Avec un peu de chance il ne s’en apercevrait pas. Parce que la quatre ! Ah, non, pas la quatre ! Seulement il avait l’œil…
– Qu’est-ce tu fais ? Non, non… La quatre on a dit…
J’ai dû me résoudre à la lancer, la mort dans l’âme…
– Ah, c’est Madame qui chevauche… Et tu mets du cœur à l’ouvrage, dis donc ! Tu rechignes pas à la besogne… Mais… Mais c’est pas Laurent le monsieur… Qui c’est ?
– Tu connais pas…
– Oui, ben ça, je vois bien que je connais pas… Mais ça me dit pas qui c’est…
– Un ami…
– Un ami très intime alors parce que… Ah, chut ! Ça y est, écoute, tu jouis ! Regarde ! Mais regarde !
En silence. Jusqu’au bout. Il a hoché la tête…
– Ça fait pas semblant avec toi, dis donc ! Ça relève carrément du raz de marée quand tu prends ton pied, oui ! Bon, mais ça me dit toujours pas qui c’est ce type… On s’en fout, remarque ! Ce que je vois surtout, moi, dans cette histoire, c’est que ce pauvre Laurent est cocu… Et on change complètement de registre, là… Ça va m’obliger à me montrer beaucoup plus exigeant à ton égard…
Il entendait quoi par là ? Je n’ai pas osé lui poser la question. Il a posé la main sur la souris…
– En attendant on va se la remettre cette vidéo… Elle en vaut sacrément la peine…

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