vendredi 25 septembre 2015

Escobarines: BTS

Dès qu’il est là, derrière moi, à surveiller l’écran par-dessus mon épaule, je perds tous mes moyens… J’aligne des chiffres… Je me trompe… J’en suis sûre… Mais où ? Tout se brouille… Je me trouble… Je panique… Je ne sais plus ce que je fais…
Il me prend calmement la souris des mains… Il corrige…
– Là… Là… Là… Et encore là…
Il soupire… Et s’éloigne en haussant les épaules…

Dix minutes… Un quart d’heure… Il revient… Et ça recommence… En pire…
– Vous êtes vraiment sûre de vouloir passer un BTS, Gaëtane ?
Je balbutie… Je bégaie…
– Oui… Enfin je crois… J’aimerais bien… Si je pouvais…
– Ben, on peut pas dire que ce soit gagné…

Il est furieux…
– Qui c’est qui m’a pondu ce torchon ? C’est vous, Gaëtane, hein ? Évidemment ! Ça peut être que vous… Et personne n’a eu l’idée de repasser derrière elle ? Suffit que je m’absente trois jours pour que tout aille de travers dans cette boîte… Ah, il est content le client… Ça fait plaisir… Il est content… Pour des beaux rigolos on passe… Non, mais qui c’est qui m’a fichu des stagiaires pareils ? Une bonne fessée tu mériterais, tiens !
Je me liquéfie… Je suis écarlate…

Une bonne fessée je mériterais… Il l’a dit… Devant tout le monde… Il y en a une qui a ri… Je l’ai entendue… Une autre qui m’a regardée avec un air, mais un air ! J’y pense… J’ai honte… Je chasse… J’essaie… Ça revient… Ça n’arrête pas de revenir… Tout le temps…

Il se penche… Son souffle dans mon cou…
– C’est mieux… C’est beaucoup mieux… Mais ça, c’est depuis l’autre jour quand…
Je m’agite sur mon siège… Je tourne désespérément mon stylo entre mes doigts… J’en suis ridicule…
– Quand je t’ai menacée d’une fessée…
Il me donne le coup de grâce… À mi-voix…
– J’aurais peut-être dû te la flanquer vraiment… Il serait parfait ton travail…

Je me tourne et me retourne dans mon lit… Les idées se bousculent… Les images m’assiègent… M’envahissent… Elles s’installent… Il est là… Avec elles… Il se penche sur moi… Il exige, péremptoire… « Tourne-toi ! » Je ne bouge pas… Je me cramponne, des deux mains, aux barreaux du lit… « J’ai dit : tourne-toi ! » Non… Je suis inertie… Bloc d’inertie… Une grande claque, à toute volée, sur la cuisse… Une seconde… « Tu vas te retourner, oui ! » Je pousse un cri… J’obéis… « Ah, ben voilà… À quoi ça te sert de faire la mauvaise tête, tu peux me dire ? Puisque tu devras en passer de toute façon par ce que j’ai décidé… » Je ne réponds pas… Je m’enfouis dans l’oreiller… « Ta culotte de pyjama… Baisse-la! Plus bas! Allez! » Et ça claque… Ça dégringole… Je gémis… Je bats des jambes… Je bondis du derrière… Je hurle… Je supplie… Qu’il arrête… Par pitié… Tout ce qu’il voudra je ferai… Il n’arrête pas… Je n’arrête pas…

Je reste longtemps effondrée, en larmes, sur le lit… Il me passe doucement – très doucement – la main dans les cheveux… Il me fait relever… 
Asseoir sur ses genoux… Il me câline… Me parle tout bas à l’oreille… « Tu feras plus la vilaine fille ? Tu me promets ? Tu prendras ton travail à cœur ? Tu feras tous tes efforts ? » J’acquiesce à tout… Oui… Oui… Et ça vient… D’un coup… Ça me transperce… Ça me fulgure… Je sanglote mon plaisir, éperdue, suspendue à son cou… Ivre de reconnaissance…

« Au coin… Tu vas au coin maintenant… Et tu n’en bouges pas… Jusqu’à ce que je te le dise… » Il ne le dit pas… J’y reste… Je ne bouge pas… Il l’a voulu… Il le veut… Le jour se lève… J’y suis encore… Mon réveil sonne… Il me libère… « Va vite… Va vite te préparer… »

J’ai des cernes sous les yeux… Les fesses me cuisent… Il ne sait pas… Il ne sait pas que cette nuit… Personne ne sait… C’est mon secret… Je me mets au travail… Je suis bien… Je suis heureuse…

(à suivre)

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