jeudi 19 janvier 2012

Escobarines: Chez le docteur ( 2 )


28 Janvier

- Ca ne passe pas, docteur ! Mon mal de gorge… il passe pas…
- Vous avez pris les remèdes que je vous ai prescrits ?
- Oui. Tous…
- Et, bien sûr, vous avez arrêté de fumer…
- C’est-à-dire que…
- Soufflez ! Encore ! Allez, soufflez ! Vous avez fumé. Ca remonte à moins d’une heure… Et vous venez vous plaindre d’avoir mal à la gorge ! Le tabac est particulièrement irritant. Vous le savez pas ça ?
- Ben si, mais…
- Mais quoi ?
- C’est pas facile…
-Vous vous y étiez pourtant engagée.
- Je sais, oui !
- Et vous n’avez pas tenu parole.
- Je suis désolée.
- Ce qui ne vous avance à rien. En ce qui me concerne, moi, en tout cas, je tiens toujours mes engagements. Je vais donc m’occuper très sérieusement de vous. Vous en êtes toujours d’accord ?
- Oui, docteur ! Oui.
- Alors voilà ce qu’on va faire. Chaque fois que j’aurai acquis – comme ça a été le cas tout à l’heure tout à l’heure – la conviction que vous avez fumé je vous punirai…
- Vous me punirez ?
- Oui. Il n’y a, à l’évidence, pas d’autre solution avec vous. C’est la seule qui ait des chances d’être efficace… Non, vous n’êtes pas de cet avis ?
- Si !
- Parfait ! Alors je vous attends ici ce soir… A huit heures… Sans faute…
- Vous allez me punir… Mais vous allez me punir comment ?
- Faut vraiment que je vous fasse un dessin ?

Cette fille est folle. Cette gamine est folle. Complètement folle. Parce que si j’ai bien compris – et il y a neuf chances sur dix pour que j’aie bien compris – elle compte me flanquer une fessée. Et puis quoi encore ?! Non, mais ça va pas ! En tout cas je suis pas près de remettre les pieds chez elle ! Quitte à faire cinquante kilomètres pour aller consulter Guimard… Qui vaut ce qu’il vaut, mais bon…



23 heures

J’y suis allée… Ben oui, oui… J’y suis allée. C’est comme ça. À huit heures j’étais là-bas…
Elle m’a fait asseoir…
- Inutile que je vous demande de souffler. Je le sens d’ici.
- Oui, mais c’est parce que…
- Il n’y a pas de « c’est parce que » qui tienne… Vous savez ce qui vous attend ?!
- Oui.
- Quoi ? Dites-le ! Eh bien ?!
- Une fessée.
- Une fessée, oui. Et carabinée. Une fessée comme à une gamine de huit ans. Une fessée que vous avez amplement méritée. Vous n’allez tout de même pas prétendre le contraire ?
- Non. Je l’ai méritée, oui. Je la mérite.
Elle a fait le tour du bureau, s’est penchée sur moi, m’a soulevé le menton du bout du doigt…
- On y arrivera, tu verras ! On y arrivera… Allez ! Déshabille-toi ! Tu enlèves tout…
Elle ne m’a pas quittée un seul instant des yeux pendant que je l’ai fait.

Sa main m’a empoigné la nuque…
- Viens ! Là-haut… Tu pourras crier tout ton saoul. Personne n’entendra. Tu as froid ? Non ? Tu frissonnes pourtant…

J’ai crié, oui. Comme une perdue. Et elle, elle a tapé. Tant qu’elle a pu. J’ai le derrière dans un état ! Je ne vais pas pouvoir m’asseoir d’un moment. Ca me brûle, mais ça me brûle ! C’est de la folie comme ça me brûle !

C’est moi qui suis folle. Me laisser flanquer une fessée comme ça par une gamine qu’a vingt ans de moins que moi. Sous prétexte qu’elle a décidé que je devais arrêter de fumer. Faut vraiment que j’aie un grain. Et un gros : je me suis jamais sentie aussi bien qu’en revenant tout à l’heure de là-bas. Comme vidée de tout ce qui n’est pas moi. En harmonie. Heureuse. Oui. Heureuse comme jamais.

2 commentaires:

  1. Bien que très timide de la fessée (expression hors d'âge, formulée par une vieille dame indigne), j'ai apprécié ce récit!

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  2. La timidité peut parfois être le prélude à bien des "débordements"...
    Et même les "vieilles dames indignes" peuvent parfois la "mériter"...
    Merci de votre passage...
    Bonne journée à vous...

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