lundi 30 mars 2009

La classe des filles ( 21ème jour )

Noémie s’est littéralement jetée sur moi…

- Faut que tu me rendes un service… Faut absolument que tu me rendes un service…

- Si je peux… Mais qu’est-ce qui se passe ?… T’as une de ces têtes !…

- C’est Eric… Il se doute de quelque chose…Faudrait que tu lui dises – il va sûrement te demander – faudrait que tu lui dises qu’on était ensemble toutes les deux hier soir… Qu’on s’est pas quittées de la soirée… C’est important… Très…

- Et on était où ?… On faisait quoi ?

- Rien… On s’est promenées en ville… On a bu un coup… On a discuté… Et on a pas vu le temps passer…

- Et tu crois qu’il va gober ça ?

- J’ai pas le choix… J’ai pas d’autre explication… Du moins qui tienne la route… Et faut absolument que je réussisse à le garder Eric… A tout prix… Parce que jamais je retrouverai une occasion pareille… Jamais…

- Et t’étais où en fait ?

- Ben là-bas !…

- Où ça là-bas ?

- Oh, tu sais bien !… Fais pas l’idiote… Me dis pas que tu m’as pas vue l’autre fois…

- Ah, à l’infirmerie !?

- A l’infirmerie, oui… Ceux-là aussi faudrait les prévenir pour bien faire… Leur dire que j’y remettrai pas les pieds… Bon, mais enfin eux je m’en fiche un peu… Complètement… L’important c’est Eric… Et là je compte sur toi, hein ?… Tu mets le paquet…




Un pied posé sur la margelle, il était absorbé dans la contemplation de quelque chose tout au fond de la grande vasque à jet d’eau…

- Qu’est-ce que tu regardes ?

- Les poissons rouges… Et je me demandais ce qu’ils devenaient l’hiver quand il gèle…

- Ca, alors là, j’en sais rien du tout…

- Tu as quelque chose à me dire ?

- Non… Rien de spécial… Pourquoi ?

- Ca fait un quart d’heure que tu me tournes autour… C’est Noémie qui t’envoie, hein ?!…

- Pas du tout !… Pas du tout !… Pourquoi elle m’enverrait ?…

- Pour me jurer que t’étais avec elle hier soir alors qu’en réalité elle était en train de se faire tirer je sais pas trop où par je sais pas qui…

- Hein ?!… Mais jamais de la vie !… Avec le temps qu’il faisait on a voulu aller faire un tour et…

- Te fatigue pas !… Et puis tiens, je vais te mettre complètement à l’aise… Elle peut bien s’envoyer en l’air avec tout le pays si elle veut j’en ai strictement rien à foutre…

- T’en as rien à foutre d’elle tout court, quoi !

- C’est pas du tout ce que j’ai dit… Elle se croit très maligne Noémie… Elle est persuadée qu’elle mène le jeu à sa guise… Ce n’est peut-être pas aussi simple que ça… Elle ne me manipule peut-être pas aussi facilement qu’elle se l’imagine… Mais bon, ça c’est moi que ça regarde… En ce qui te concerne toi maintenant, concrètement, t’as deux solutions : ou bien tu lui dis que ses salades j’en crois pas un mot, que je suis absolument pas dupe et ça va être des histoires et des complications à n’en plus finir… Auxquelles tu vas forcément être mêlée… Et qui vont à l’évidence te retomber dessus… Ou bien tu lui laisses sagement croire que tu t’es acquittée avec succès de la mission qu’elle t’avait confiée et j’abonderai dans ton sens… Il n’y a guère, je crois, d’hésitation à avoir…




Je les ai présentés l’un à l’autre… « Adeline… Félicien… » Il lui a souri, lui a tendu la main. Elle ne l’a pas prise. Elle l’a toisé, glaciale…

- Alors comme ça c’est vous ?… C’est vous qui épiez dans les douches comme un gamin de huit ans ?

Asséné d’une voix forte. A la table voisine les conversations se sont tues. Filles et garçons ont levé les yeux sur lui avec curiosité. Il a tiré une chaise…

- Quelqu’un vous a dit de vous asseoir ?

- Non, non, mais…

- Eh bien alors laissez cette chaise tranquille… Et je vous ai posé une question, il me semble…

- C’est moi, oui !…

- Et vous n’avez rien de mieux à faire ?

Il n’a pas répondu. Il a baissé la tête…

- Ici on vous a pris sur le fait et appliqué la sanction méritée, mais ailleurs ?… Parce que je suppose qu’ailleurs vous vous adonnez au même genre d’activités… Sous cette forme ou sous une autre… En toute impunité… Est-ce que je me trompe ?

- Non…

- C’est ignoble… Ignoble de s’introduire dans la vie privée des gens comme ça… Chacun a droit à son intimité… A sa tranquillité… La loi n’est pas assez sévère avec les gens comme vous qui empoisonnent la vie des autres… Ce qu’il faudrait…




On m’a touché le bras. C’était Pernelle. Pernelle qui m’a fait signe de la suivre. Je me suis levée. Adeline ne s’est pas interrompue…

- Alors là, ma petite, là, cette fois…

Elle m’a saisie et traînée par l’oreille, aussitôt la porte franchie, à travers tout le parking…

- Ah, tu cherches !… Eh bien tu vas trouver…

Deux ou trois groupes de jeunes qui fumaient en discutant se sont esclaffés sur notre passage. Elle ne m’a lâchée qu’une fois de l’autre côté sur le petit chemin qui se faufile entre les jardins…

- Alors ça t’a pas suffi ?… Qu’est-ce que je t’avais dit ?… Je t’avais interdit de traficoter avec cette fille… Qu’est-ce que vous êtes encore allé manigancer ?

- Mais rien !… Rien du tout… C’est juste qu’elle voulait faire la connaissance de Félicien…

- Tu n’as pas à lui faire faire la connaissance de qui que ce soit sans m’en demander d’abord l’autorisation…

- Je croyais…

- Tu n’as pas à croire quoi que ce soit… On te l’a déjà dit… Et dès le premier jour… Tu as à appliquer le règlement… Un point c’est tout… Est-ce que c’est compris ?

- Oui…

- J’aimerais quand bien même savoir ce que tu cherches à te prouver en prenant comme ça systématiquement le contre-pied de ce qu’on te demande… As-tu si peu de personnalité qu’il te faille constamment te donner l’illusion, en en affichant haut et fort l’apparence, qu’elle existe bel et bien ?… En attendant que tu trouves une réponse à cette intéressante question, moi, je vais faire mon devoir… Allez !… Mets-toi en position…

- Ici ?… Là ?… Maintenant ?… Mais on peut nous voir !…

- Et alors ?… Estime-toi encore heureuse que ce ne soit pas là-bas, à l’intérieur, que je te punisse puisque c’est là-bas, devant tout le monde, que tu as désobéi…

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