La Mac Miche a traversé toute la cour en poussant Félicien devant elle…
- Bon, alors tu avances, toi, oui ?… Dépêche-toi !…
Elle l’a fait mettre en rang avec nous. Les filles ont ri sous cape…
- Qu’est-ce qu’il fout là, lui ?
En classe, là-haut, elle l’a gardé sur l’estrade, à côté d’elle, tête baissée, près du bureau…
- Bien… Alors savez-vous à quel genre d’occupation se livre quotidiennement ce garçon ?
Cynthia m’a poussée du coude…
- Moi, j’ai bien une idée, mais…
- Non ?… Alors il va vous le dire lui-même… On t’écoute, toi !… Qu’est-ce que tu fais ?…
- Je les regarde…
- Tu les regardes, oui !… Et où ça ?…
- Dans les douches…
Il y a eu un long murmure réprobateur…
- Dans les douches, en effet !… En effet ce petit vicieux vous épie tous les jours depuis le grenier qui les jouxte… Bon… Alors maintenant tu te déshabilles… Eh bien ?!… Qu’est-ce que tu attends ?… Ah, on fait moins le fier, hein ?!… Allez !… Et on se dépêche…
Il s’est exécuté lentement, un vêtement après l’autre, soigneusement replié et déposé sur la chaise. Quand il a retiré son slip Jezabel et Roxane, derrière, ont éclaté de rire… Il a pudiquement croisé les mains sur son bas-ventre…
- Sur la tête !… Tes mains… Mets-les sur la tête…
Il a hésité, s’y est repris à deux fois pour obéir…
- Il va se passer quoi maintenant ?… A ton avis ?
- Je sais pas…
- Tu admettras avec moi que tu as mérité une sanction suffisamment sévère pour qu’elle te guérisse définitivement de ces mauvaises habitudes… Non ?… Tu crois pas ?…
- Si !…
- Ah, tu vois… Laquelle ?
- Je sais pas…
- Non ?… Vraiment ?… Il va falloir décider à ta place alors… Ce sont les filles qui vont s’en charger… Je te laisse avec elles… Tu verras, elles ne manquent pas d’idées…
Et elle a quitté la classe…
On s’est regardées les unes les autres et puis lui qui se dandinait sur l’estrade. Et encore nous. Ca a fusé d’un coup de derrière…
- C’est vraiment dégueulasse ce qu’il a fait !…
- Oui… Un sacré petit salopard… Il en a la gueule en plus !
Il y en a quatre ou cinq qui se sont levées. Qui sont allées l’entourer…
- Qu’est-ce qu’on lui fait ?
- Ce qu’il mériterait c’est qu’on les lui coupe, tiens !… Ca lui ferait passer l’envie de venir jeter un œil sur ce qui le regarde pas…
D’autres les ont rejointes… D’autres encore…
- Attendez !… Attendez !…
Pernelle s’est approchée et lui a bandé les yeux avec une grande écharpe de flanelle rose. A bien serré…
- Là… Ce sera quand même mieux comme ça, non ?… On se sentira plus à l’aise…
- Mais pas lui…
- On s’en fout de lui…
Roxane les lui a empoignées à pleine main…
- Chiche que je les lui décroche…
- Ce serait pas une grosse perte…
- Et si on lui en mettait une bonne plutôt pour commencer ?
- Oh oui !… Oui !… Ca oui !…
Elles l’ont retourné, nez contre le tableau, et elles se sont acharnées sur son derrière. A cinq. A six. A sept. Ensemble. Les unes après les autres. A toi. A moi. Encore ensemble. De bon cœur. Avec enthousiasme. Avec allégresse. Lui, il se trémoussait. Il dérivait tout au long de l’estrade en dansant d’un pied sur l’autre. Il a fini par crier…
- Oh, mais c’est qu’il sait chanter !…
- Et bien en plus !…
- Oui, il a une voix magnifique…
Elles ont repris de plus belle…
- Surtout quand elle grimpe comme ça dans les hauteurs… On ne s’en lasse pas… Des heures on l’écouterait… Des heures…
Il a bien fallu pourtant qu’elles finissent par s’arrêter. Rouges. Essoufflées. Les yeux brillants d’excitation. Elles l’ont fait pivoter, remis dans l’autre sens et elles ont éclaté de rire…
- Ca lui a bien plu, on dirait, à ce grand dégoûtant… Non, mais regardez-moi ça comment il bande !…
- Oui, elle veut faire sa fière… Et pas qu’un peu… T’as fini, oui ?… Est-ce que t’as fini ?
Une petite chiquenaude dessus. Une autre. Encore une autre. Tout un tas de chiquenaudes. Sans obtenir le moins du monde l’effet escompté. Au contraire : elle a semblé se dresser davantage. Elle a battu en l’air comme si elle voulait saluer et elle a explosé. Les filles se sont précipitamment reculées dans un grand éclat de rire. Ca s’est répandu un peu partout sur l’estrade. Tout le monde a applaudi…
En bas, aux cuisines, Adeline était toute seule…
- Il sont aux approvisionnements comme l’autre fois… On va se la couler douce… Mais d’abord tu vas me raconter…
- Te raconter ?… Te raconter quoi ?
- Ben ce matin… Le type… Vous vous y êtes toutes mises pour lui en coller une à ce qu’il paraît …
- Pas toutes… Six ou sept…
- T’étais dedans ?
- Non…
- Oui, ça, évidemment… J’aurais dû m’en douter… Eh bien raconte, quoi !…
Elle m’a écoutée sans m’interrompre avec une attention intense…
- Et c’est tout ?
- Ben oui !…
- Comment j’aimerais ça voir un type en recevoir une, moi, un jour !… Mais alors une vraie… Une carabinée…
- Inscris-toi pour l’année prochaine…
- Ah ben non, non!… Parce qu’il faut en prendre aussi et alors là, moi, c’est complètement exclu…
- Il y a Basile… Ca va bien finir par lui arriver…
- Ca, c’est pas sûr !… Depuis le temps qu’il nous amuse Fournier… Il lui fera jamais… Il a un truc qui bloque grave là-dessus avec les mecs… Non… Et puis Basile de toute façon… Tu l’as bien regardé ? Je veux pas être méchante, mais c’est tout sauf un homme Basile… Alors ça pourrait être rigolo, oui, comme ça, en passant… Sans plus… Tandis qu’un vrai mec, beau, viril, avec du style, de la classe, une personnalité, tout, quoi !… qui s’en prend une… Alors là… Là… Il était comment celui de ce matin ?
- Félicien ?… T’hallucinerais !…
- C’est vrai ?… Comment elle est mal faite la vie…
- Tu veux que je te le fasse connaître ?
- Tu pourrais ?… Quand ?… Comment ?…
- Samedi en boîte… Je te l’amène si tu veux… Et je te le présente…
- Si tu fais ça… Alors là si tu fais ça…
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