lundi 9 avril 2012

Un mariage ( 1 )


C’était tous les jours qu’Emilie, ma vendeuse, remettait ça sur le tapis…
– Des millions ça vaut une affaire comme la vôtre… Des millions… Et vous n’êtes pas marié… Vous n’avez pas d’enfants… À qui ça ira ?...
– Des arrière-petits cousins sûrement… Il doit bien y en avoir quelque part…
– Des gens que vous connaissez même pas… Que vous n’avez jamais vus… Qu’en ont rien à foutre de vous… À ce compte-là vaudrait mieux que vous donniez tout aux restos du cœur… Ou que vous me fassiez héritière, moi, tiens… Au moins vous seriez sûr que votre truc il durerait après vous…
– Il durerait pas, non…
– Parce que vous croyez que je saurais pas le faire tourner ? Vous me prenez pour une imbécile ?
– Certainement pas, non… Mais tu serais obligée de vendre… Pour payer le fisc… Qui te réclamerait 70% du pactole…
– Hein ?! Mais c’est dégueulasse…
– Eh oui ! Mais c’est comme ça… Parce qu’on n’a aucun lien de parenté… La seule solution, pour que tu puisses en disposer en totalité – ou quasiment – ce serait qu’on se marie…
– Tous les deux ? Vous et moi ? Mais on a trente ans d’écart… Presque… Ca ferait bizarre…



– J’ai réfléchi… À ce qu’on a dit hier… J’ai réfléchi… Pour le mariage…
– Je plaisantais…
– Je crois pas, non… Vous plaisantiez pas… Ça se voyait à votre tête que c’était sérieux… Et puis je le sais bien… À la façon que vous avez de me regarder… À des expressions que vous faites souvent sans vous en rendre compte… Je le sais bien – je suis pas née de la dernière pluie – je le sais bien que vous êtes amoureux de moi… C’est pas vrai peut-être ? Dites-le que c’est pas vrai… Ah, vous voyez, vous répondez pas… Qui ne dit mot consent… Et rien qu’à votre air… Il parle pour vous votre air… Non… Vous en crevez d’envie qu’on se marie et qu’on vive ensemble, c’est clair… Oh, mais moi, je dis pas non, hein ! Ça peut être une solution… Mais à une condition quand même… C’est que, côté mecs, vous me laissiez faire ce que je veux… Parce que, je me connais, ça, je pourrais pas m’en passer… Ce serait au-dessus de mes forces… C’est même pas la peine que j’essaie… Quant au  reste faudrait voir…
- Le reste… Quel reste ?
- Ben nous deux… Ce qu’on ferait… Si on coucherait ou pas… Je suis pas sûre de pouvoir avec vous… Pour le moment en tout cas j’ai vraiment pas envie… Mais peut-être que ça peut venir à force… Je sais pas… Je vous dirai… On verra bien… De toute façon c’est pas vraiment ça l’essentiel…



Elle en a reparlé dès le lendemain…
– Bon… Alors finalement qu’est-ce qu’on fait ? On se marie ou on se marie pas ?
– On se marie, oui…



– C’est quoi tout ça ?
– Ben les papiers pour le mariage… Ça sert à rien d’attendre maintenant qu’on est décidés… Faut les remplir… Et là, ça, c’est la liste des hôtels de Rapallo pour le voyage de noces… On choisira… Parce que Venise… Tout le monde y va à Venise… C’est pas marrant… Et Rapallo ça fait vraiment trop envie quand on voit les photos… Vous en aurez beaucoup, vous, des invités ?
– J’y ai pas vraiment réfléchi… Mais une dizaine… Pas plus…
– Moi, pas loin de 150 personnes ça m’en fait… Presque rien que des potes… Et des copines… Je veux qu’elles voient ça… Parce que la famille… Rien à foutre de la famille… A part mes parents… Vous auriez vu leur tête quand je leur ai annoncé que j’épousais mon patron mes parents…
– Ils ont pris ça comment ?
– Oh, bien… Bien… Ils sont ravis… Et moi aussi… Parce que eux qu’ont pas arrêté de me répéter que j’arriverais à rien dans la vie ça leur fait voir si je suis si nulle que ça…



Elle a absolument tenu à se marier en blanc…
– J’en ai toujours rêvé…
À faire le tour de la ville dans une calèche tirée par deux chevaux…
– Que tout le monde me voie passer…
À commander un fastueux festin dans le restaurant le plus huppé…
– C’est pas tous les jours qu’on se marie… Faut marquer le coup…
À louer une immense salle des fêtes…
– Toute la nuit on va danser… Toute la nuit…



Et effectivement… Elle a dansé… Elle a ri… Elle a chanté… Tourbillonné…
– Qu’est-ce que je m’amuse !... Il y a longtemps que je m’étais pas amusée comme ça…
Et elle s’est enfuie au-dehors, en course-poursuite, voile blanc au vent, en compagnie de quatre ou cinq jeunes – garçons et filles – de son âge… Dissimulé dans l’obscurité, un peu à l’écart, je l’ai attendue… Longtemps… On sortait de la salle pour fumer… On rentrait… De petits groupes se formaient… Se disloquaient… Se recomposaient…
Quelqu’un a surgi à la course… Et du plus loin qu’il a pu il a crié dans la direction de l’un des groupes…
– Eh, vous savez quoi ? Hein ? Vous savez quoi ? La mariée… Elle est en train de se faire tirer dans une voiture en bas…
Toutes les conversations se sont arrêtées… On s’est esclaffé…     
– C’est vrai ?! Par qui ?
– Je sais pas… Je connais pas… Mais ça y va ! Je peux vous dire que ça y va…

4 commentaires:

  1. Hou la! Il a quasiment six ans ce texte. Merci de l'avoir exhumé. Ça me fait tout drôle de le relire. Je le redécouvre. Je l'avais quasiment oublié.

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  2. Oui mais moi je découvre tout votre blog.

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  3. En fait, il faudrait que je le relise. De A à Z. Je suis sûr que j'aurais tout un tas de surprises. Bonnes ou mauvaises.

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