jeudi 13 janvier 2011

Escobarines: Noces





- Allons, cessez de faire l’enfant, voulez-vous !… Votre père, auquel vous devez obéissance, a décidé que vous épouseriez Monsieur de la Futaille… Vous épouserez Monsieur de la Futaille…
- Jamais, ma sœur !… Jamais !… Plutôt mourir…
- Nous saurons bien vous ramener à la raison… Mais pour l’heure je vous laisse méditer tout à loisir… Et prier…

- Alors, ma fille, est-on revenue à de meilleures dispositions ?…
- Si vous entendez par là, ma sœur, que ma détermination a faibli il ne saurait en être question…
- Mission nous a été confiée d’obtenir votre assentiment… Par quelque moyen que ce soit… Nous avons carte blanche… Vous plierez… Je vous jure que vous plierez…
- Dussé-je mourir sous les coups je n’épouserai jamais monsieur de la Futaille…
- Nous en avons maté de beaucoup plus entêtées que vous…

- Vous avez tort, mon enfant… Vous avez grand tort de prendre ainsi sœur Véronique de front… Si en effet votre obstination la contraint à vous appliquer la discipline elle vous ménagera d’autant moins que vous lui aurez plus résolument tenu tête…
- Peu m’importe… On peut bien en user avec moi comme on veut… Je n’épouserai pas Monsieur de la Futaille…
- Qui constitue pourtant un excellent parti…
- Il devrait dès lors pouvoir sans difficulté en trouver une autre avec qui convoler…
- Vous semblez fort prévenue contre lui… Quel en est donc le motif ?…
- Je ne nourris à l’égard de Monsieur de la Futaille – que je n’ai fait qu’entrevoir – ni ressentiment ni sentiment quel qu’il soit…
- Que viendraient donc faire les sentiments ici ?… Vous savez bien qu’ils sont chose fluctuante… Et inconstante… Qu’ils mènent aux pires égarements… Le mariage, lui, est chose sérieuse – et sacrée – qui vous engage pour la vie…
- Raison de plus, ma mère, pour ne pas le contracter à la légère…
- Quelle écervelée vous faites !… Et quelle raisonneuse !… Vous croyez-vous vraiment en état de décider ce qui est bon pour vous ?… Vous n’avez ni la maturité ni les capacités nécessaires… Et vous seriez beaucoup mieux avisée de laisser votre père vous établir comme il le juge bon… C’est un homme de sens rassis qui a toujours pris vos intérêts à cœur…
- Certes, ma mère, certes…
- Eh bien alors !… Laissez-le donc vous guider sur la voie qu’il juge, avec raison, la meilleure pour vous…
- Je n’épouserai pas Monsieur de la Futaille…
- Fort bien… Sœur Véronique saura, le moment venu, vous en convaincre…

- Finissons-en !… Dites-moi la vérité…
- Quelle vérité ?…
- Quelque bellâtre vous aura envoûtée et détournée du droit chemin…
- Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, ma sœur…
- Vous ne le comprenez que trop bien… Et nous saurons vous le faire dire… Ou l’apprendre… Nous avons tout notre temps…

- Connaissez-vous un certain Raphaël ?…
- Moi ?… Non point, ma mère…
- A ce nom vous vous êtes pourtant troublée…
- Ce n’aura été qu’apparence… Je ne le connais point…
- Il se serait trouvé sur lui, paraît-il, des missives que vous lui auriez adressées…
- On se sera trompé…
- Et qui seraient fort compromettantes…
- J’ignore de quoi vous voulez parler, ma mère…
- Il apparaîtrait même que votre refus d’acquiescer à une union avec Monsieur de la Futaille lui serait imputable…
- Comment cela se pourrait-il ?… J’ignore qui il est…
- On en semble pourtant convaincu…
- A tort… Assurément à tort…
- Il se prétend que, dans ces conditions, il pourrait lui survenir tout prochainement malheur… Grand malheur… Ce qui serait – avouez-le ! – extrêmement fâcheux…
- On lui ferait pour lors grande injustice…
- Epouserez-vous monsieur de la Futaille ?…
- Je ne m’y suis jamais refusée…
- Vous voilà redevenue raisonnable…
- Je n’ai jamais cessé de l’être…
- Ce n’est pas l’avis de sœur Véronique qui estime, pour sa part, que vous n’avez au contraire cessé, depuis votre arrivée ici, de vous montrer frondeuse… Et rebelle… Ce qui ne sied pas à une demoiselle de votre condition… Vous conviendrez comme nous qu’il est nécessaire, dans votre intérêt, de vous corriger de comportements qui, s’ils perduraient, ne pourraient manquer de vous nuire à l’avenir gravement…
- J’en conviens…
- Fort bien… Troussez-vous !… Elle arrive…

4 commentaires:

  1. J'adore ces dialogues au langage châtié... Merci cher François de nous en régaler.

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  2. Le plaisir de varier les plaisirs... Et de tenter une petite incursion au temps jadis...

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  3. Texte original et fort sympathique !

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