lundi 23 octobre 2017

Partie carrée

James Tissot. La partie carrée, 1870

C’est souvent qu’on en parlait de nos hommes toutes les deux. De ce qu’ils disaient. De ce qu’ils faisaient. De comment ils se comportaient avec nous.
Pulchérie, elle, c’était tous les jours qu’elle y attrapait. Au moins. Quand c’était pas deux fois par jour. Voire trois.
– Sans arrêt, il en est, mon Maximilien, de la comédie. Il pense qu’à ça. N’importe où ça l’attrape. N’importe quand. Et comme moi, de mon côté, faut pas m’en promettre…
J’étais pas en reste. Avec mon Timothée aussi, c’était un sacré feu d’artifice.
– Et il a de ces idées en plus ! On se demande où il va chercher tout ça…
On se racontait nos ébats avec eux. De plus en plus souvent. Avec de plus en plus de détails. Ce qui n’assouvissait pas vraiment notre curiosité. Ce qui l’attisait au contraire. La portait à incandescence.

Pulchérie haussait les épaules.
– On cause… On cause… Mais ça permet pas de se rendre vraiment compte, tous ces discours. Ce qu’il faudrait, c’est pouvoir jeter un coup d’œil sur le matériel, tiens ! Qu’on sache à quoi s’en tenir. Qu’on se représente bien avec quoi ils opèrent, en fait, quand on en parle.
– Tu veux dire…
– Que ce serait bien que toi, tu voies comment mon Maximilien il est fait et que moi, je voie comment ton Timothée il est fait, oui. Ça te choque ?
Ça me choquait pas, non. Pas du tout. Et même… je trouvais l’idée séduisante. Seulement on allait procéder comment ?
C’était bien là le hic. On échafaudait toutes sortes de plans, on envisageait toutes sortes de solutions, toutes plus farfelues les unes que les autres. Aucune ne nous satisfaisait vraiment.
– C’est cousu de fil blanc.
– Ils vont nous rire au nez.
Non, on trouvait décidément pas.

Pulchérie n’avait pas pour autant l’intention de s’avouer vaincue.
– Il y aurait encore mieux, mais tu voudras jamais.
– Dis toujours…
– Ce serait de se les prêter. Une fois. Juste une fois. En présence l’une de l’autre, évidemment. Pas question de se faire quoi que ce soit derrière le dos. On saurait de quoi il retourne au juste comme ça. D’expérience. On pourrait en parler, après, en toute connaissance de cause.
C’était une idée qui, je dois bien le reconnaître, m’avait déjà, à plusieurs reprises, effleuré l’esprit. Qui, à force de l’entendre, elle, vanter tant et plus les performances de son Maximilien, revenait m’habiter de plus en plus souvent. Et la perspective de me pâmer dans ses bras m’enchantait positivement. Quant à Timothée, j’étais curieuse de savoir s’il se montrerait aussi passionné et imaginatif avec une autre qu’il l’était avec moi. Alors oui. Oui. Pourquoi pas ?

Et on a préparé un pique-nique. Qu’on a voulu au bord de l’eau.
– Ce sera plus romantique.
Avec du vin. Beaucoup de vin.
– Histoire de mettre tout le monde en forme.
– Et si ?
– Si quoi ?
– S’ils n’entrent pas dans le jeu…
– T’as déjà vu ça, toi, un homme se défiler quand on lui offre une occasion pareille sur un plateau ? Tu rêves, ma chérie.

On n’a effectivement pas eu besoin de forcer beaucoup notre talent . On a ri. On a feint d’être un peu pompettes. On a soutenu leurs regards. Il y a eu des sourires. Du désir dans leurs yeux. Pulchérie s’est délibérément appuyée contre Timothée. J’ai laissé ma tête dodeliner sur l’épaule de Maximilien. Leurs mains sont parties en reconnaissance, se sont faufilées dans nos corsages, en ont extirpé nos seins sur lesquels leurs visages se sont penchés, leurs bouches se sont égarées. Ils ont poussé plus loin leurs avantages, se sont glissés sous nos jupons, emparés de nos cuisses, de nos fesses, de nos réduits d’amour. Maximilien m’a fait languir. A indéfiniment prolongé. J’ai perdu la tête. Je me suis offerte. Ouverte. Et j’ai proclamé furieusement mon plaisir dans ses bras. Pulchérie aussi, en arrière-fond, en écho, dans ceux de Timothée.

Maximilien s’est redressé et tourné vers lui.
– Faut que je te dise quelque chose. D’important. Qui va pas te faire plaisir.
– Quoi donc ?
– C’est pas facile.
– Je peux tout entendre.
– Ta femme te trompe.
– Elle ? Alors là, ça m’étonnerait. C’est vraiment pas son genre…
– Et pourtant…
– Tu es sûr ?
– Certain.
– La garce ! Non, mais quelle garce ! Oh, mais ça va pas se passer comme ça… Je vais y mettre bon ordre… Remarque, je voudrais pas dire, mais la tienne, de son côté…
– Aussi ?
– Ben oui…
– Ah, on n’a vraiment pas de chance, tous les deux.
– En attendant, faut sévir. Faut absolument sévir.
– Oui, une bonne fessée, ça s’impose.
– Et ça tombe bien ! Elles ont déjà le derrière à l’air.

On s’est un peu défendues.
– Pas ici ! Pas ici ! Il peut passer du monde.
Pas beaucoup. Pas vraiment.
Et ils ont tapé. Maximilien sur les fesses de Pulchérie et Timothée sur les miennes. Pas très fort au début. Juste de petites claques en surface. Ils y ont pris goût. On y a pris goût. Ça s’est emballé. De plus en plus vite. De plus en plus fort. Ça a rebondi. Ça a mordu. Ça a brûlé.
Ça s’est arrêté.
– Bon, ben va falloir assurer maintenant, les garçons, hein ! Parce que ça nous a remis en appétit, ce truc.
– Ah, oui, alors ! Et pas qu’un peu !
Et on a été à nouveau dans leurs bras.


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