Noëlle a suggéré…
- Si on le séchait le cours de Maths ?… Pour ce que c’est intéressant…
- Pour faire quoi ?…
- Ben… Pour…
- C’est risqué, non ?
- Oh, tu parles !… Il s’en apercevra même pas… Et il y a plus personne au dortoir à cette heure-ci…
Elle s’est blottie contre moi…
- Comment c’était bon… C’est toujours bon avec toi… Tout… Tellement…
S’est redressée sur un coude…
- Tu te rends compte que si j’étais pas venue ici – et il s’en est vraiment fallu d’un cheveu – jamais je t’aurais connue ?…
Elle s’est laissé retomber, a soupiré…
- Ca aurait peut-être mieux valu dans un sens… Parce que… Il va se passer quoi maintenant ?… Il reste quinze jours… On va pas arrêter d’être ensemble… Aussi souvent qu’on pourra… On va s’attacher l’une à l’autre… De plus en plus… Moi en tout cas … Et puis on va repartir, chacune de son côté, comme si il n’y avait jamais rien eu… Tu vas reprendre ta vie, moi la mienne… Et puis voilà… Ce sera tout… Ce sera fini…
- Rien ne nous empêche, une fois rentrées, de continuer à…
- Tu sais très bien qu’on le fera pas… On se le promettra le jour du départ, oui, mais il y aura la distance, nos occupations… On remettra à plus tard… Toujours à plus tard… On s’appellera de moins en moins… Plus du tout… Et puis voilà…
La tête de Pernelle s’est brusquement encadrée dans l’embrasure du rideau…
- J’en étais sûre !… Sûre… Et je peux vous dire que cette fois la note sera salée… Je vais m’occuper de vous… En attendant vous allez rejoindre les autres… Il y a belle lurette qu’il est fini le cours de Maths…
Le chef-cuistot a emmené Mina et Basile aux approvisionnements et nous a laissées seules, Adeline et moi, en nous chargeant de récurer la cuisine à fond…
- Ca lui fera pas de mal… Depuis le temps…
J’ai voulu m’y atteler aussitôt…
- Attends !… Attends !… Te précipite pas… Il y a pas le feu… On va d’abord s’asseoir deux minutes…
Elle est allée jusqu’au placard du fond dont elle a ramené une énorme boîte de gâteaux qu’elle a posée entre nous…
- Vas-y, hein !… Sers-toi carrément… Il s’apercevra de rien… Et puis de toute façon…
Elle a mastiqué silencieusement, un bon moment, en me regardant du coin de l’œil…
- Tu sais qu’on n’y croyait pas du tout au début à tout ça ?
- A tout quoi ?
- Que vous étiez tous là exprès pour qu’on vous donne la fessée… Même que Fournier il nous le répète sur tous les tons on n’arrivait pas à y croire… Et on est pas les seules… Il y en a encore plein – pas tous – quand on leur raconte, ils disent qu’on invente, que ça peut pas exister… On a beau leur jurer qu’on a vu nous aussi maintenant, de nos yeux vu, on passe pour des menteuses… Le seul moyen pour qu’ils nous croient c’est qu’on leur montre samedi, en boîte, dans les toilettes, dans quel état tu les as les fesses… Mais pas à tout le monde, hein !… Ca va être le boxon sinon… Et on va nous foutre dehors… Non… Juste à Clotilde et à Marina… Elles répercuteront… On peut leur faire confiance à elles pour ça… Si on veut que quelque chose se sache c’est à elles qu’il faut le dire… On peut être sûr qu’en deux jours tout le pays est au courant… Tu sais qu’il sont pas du tout d’accord sur toi, Mina et Fournier ?… Elle, elle dit que tu viendras pas samedi, que tu te défileras, que c’est couru, et lui il dit qu’au contraire tu seras là parce que ce que vous aimez c’est pas tellement avoir mal, c’est surtout avoir honte et que tout le monde rigole en se moquant de vous… Je sais franchement pas comment vous faites parce que ça c’est un truc moi je pourrais jamais… On en parle des fois avec Mina… On se dit qu’on s’inscrirait bien l’année prochaine pour vous voir tous en prendre là-haut, surtout les mecs… Seulement si il faut obligatoirement y passer aussi – et il paraît que oui – ah non alors là pas question !… On se contentera de vous ici en bas, toi et bientôt Basile – il l’a promis Fournier –… C’est déjà pas si mal…
Laetitia, la chef du box d’à côté, a écarté le rideau, posé la main sur le bras de Pernelle…
- Tu viens, ma chérie ?… Il t’attend Tixier…
- Qu’est-ce que t’es encore allé lui raconter ?
- La vérité… Rien que la vérité… Toute la vérité…
- T’es une belle saloperie…
- Tu parles en tant que spécialiste ?
- Je te revaudrai ça… Je te jure que je te revaudrai ça…
- T’as le droit de rêver… En attendant je serais de toi je le ferais pas trop attendre… A moins que tu préfères qu’il se déplace… Je suppose que tu sais ce que ça signifierait…
Pernelle n’a pas répondu. Elle est sortie furieuse, l’autre sur ses talons…
- Qu’est-ce qu’elle a voulu dire ?…
Trianne a jeté un coup d’œil dans le couloir, s’est rassise…
- Elle a voulu dire que si Tixier lui flanquait une fessée devant nous, c’en serait fini pour elle : elle pourrait plus jamais devenir une vraie surveillante… Une surveillante des garçons… Et ça, c’est ce qu’elle vise depuis le début qu’elle vient ici… Laetitia aussi d’ailleurs… C’est pour ça que toutes les deux c’est à celle qui dégommera l’autre… Ca nous promet encore de belles empoignades… Sauf que, à force de faire, elles vont bien finir par se griller toutes les deux… On va voir ?… Ecouter plutôt… Ca a dû attaquer maintenant…
Jezabel et Roxane, deux des filles du box de Laetitia, nous ont arrêtées au passage…
- Vous y allez ?
Elles nous ont emboîté le pas. On a toutes collé l’oreille à la chambre-bureau de Tixier… A l’intérieur il y avait sa voix à lui…
- C’est pas ce que je te demande… Je te demande si c’est vrai ou pas ?
- Ben oui c’est vrai, mais…
- C’est tout ce que je voulais savoir… Alors tu te déculottes…
- Oui… Non… Mais faut que je vous explique…
- Tu te déculottes…
- C’est parce que…
- Je te donne trente secondes…
- S’il n’y avait pas eu…
- Il t’en reste vingt-cinq…
Le silence. Et puis, presque aussitôt, la claquée. Vigoureuse. Précipitée. Elle a gémi. Elle a crié. Elle a supplié. Longtemps. Quand ça s’est enfin arrêté on a regagné précipitamment nos box. On a éteint.
Laetitia est revenue la première. Elle chantonnait en sourdine. Pernelle un peu plus tard. Elle, elle reniflait…
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