samedi 17 février 2018

Mensonges

Dessin de Doz

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– Je suis une menteuse !
Je dois le proclamer. Haut et fort. À chaque coup qui tombe. Et il m’a prévenue : il y en aura beaucoup.

– Je suis une menteuse !
Je l’ai toujours été. Je mens à tout propos et hors propos. Je mens pour mettre la réalité en conformité avec ce que j’ai envie qu’elle soit. Pour la rendre plus belle. Ou plus gratifiante pour moi.

– Je suis une menteuse.
Ce qui, souvent, m’est retombé sur le coin de la figure. On m’a prise en flagrant délit. Contrainte à avouer, la honte au front, que oui… j’avais pris des libertés avec la vérité. On m’a prêté des intentions machiavéliques alors que je voulais seulement rendre la réalité plus acceptable. On m’a aussi, parfois, imputé des mensonges qui n’étaient pas les miens.

– Je suis une menteuse !
C’est une mauvaise habitude dont il faut absolument que je me guérisse. C’est impératif. J’en suis parfaitement consciente. Si bien qu’on est tombés d’accord, Luc et moi. On va faire ce qu’il faut pour. Et on le fait. Au martinet. Il ne me laisse absolument rien passer. Petit mensonge, petite correction. Gros mensonge, grosse correction. Et là aujourd’hui… Alors là aujourd’hui !

– Je suis une menteuse ! Ouille !
Mais qu’est-ce qui m’a pris ? C’est une amie Florence. Qu’est-ce qui m’a pris d’aller raconter que je l’avais vue sortir d’un hôtel, rue de la Chaussée d’Antin, bras dessus bras dessous avec Robin ?

– Je suis une menteuse ! Oh, la vache !
Si, je sais pourquoi je suis allée raconter ça. Évidemment que je le sais. C’est parce que j’ai toujours pensé que Florence et Robin étaient faits l’un pour l’autre. Et je les ai mis ensemble. Pour que les choses soient comme elles auraient dû l’être.

– Je suis une menteuse ! Ça fait mal, Luc ! Que ça fait mal !
Sauf que ça a déclenché un véritable séisme. Que le mari de Florence, aux oreilles duquel c’est revenu, y a vraiment cru. Et il a fallu que j’aille reconnaître, tête basse, que j’avais tout inventé. Que je m’excuse. Mais les comptes n’étaient pas soldés pour autant. Ils sont en train de l’être. En principe.

– Je suis une menteuse ! Pardon ! Pardon ! Je le ferai plus.

Ça s’arrête. Mais il précise.
– Ce n’en est pas fini pour autant !
Il me dépose le martinet au creux des reins.
– Là ! Tu bouges pas. Tu restes bien sagement, à attendre. Tu vas avoir de la visite. D’un instant à l’autre.
– De la visite ! Qui ça ?
– Florence… Qu’elle puisse constater, de visu, comment tu as été joliment punie. Et qu’elle en profite pour te dire sa façon de penser.
– C’est quand qu’elle va venir ?
– Tu verras bien ! Peut-être dans cinq minutes. Ou dans dix. Ou dans une heure. Ou dans trois heures. Et tiens, tu sais pas ? Pour te faire patienter, en attendant, on va te repasser, en boucle, la petite séance qui vient d’avoir lieu. Tu es prête ? Ouvre tout grand tes oreilles.
Le premier coup.
« Je suis une menteuse. »

6 commentaires:

  1. Alors là c'est vraiment original. Merci je me suis régalée.

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  2. C'était la rubrique "Spécial menteuses" ;)

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  3. Ça n'existe pas des menteuses d'abord.

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  4. C'est vrai. Le mot est désormais interdit. On parle de personnes proposant des vérités alternatives.

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  5. Excellent !
    Mais moi, les menteuses, je leur lave la bouche au savon de Marseille avant la correction !

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