mardi 22 juillet 2014

Le Centre (72)



– Tu le pensais pas vraiment, hein ?
– Quoi donc ?
– Ce que t’as dit tout à l’heure quand on la tournait la scène de la fessée…
– Peut-être que non… Peut-être que je suis une excellente actrice… Qui fait totalement corps avec son rôle… Qui devient vraiment le personnage qu’elle joue… Et puis peut-être que oui… Que je vois clair dans ton jeu… Beaucoup plus que tu ne crois… Et que la façon inadmissible dont tu te comportes avec Kevin…
– Mais non ! Mais pas du tout ! Qu’est-ce que tu vas chercher ?
– Peut-être que ça fait des mois et des mois que ça me démange de t’en coller une… Et carabinée… Que je me suis entendue avec Sandra pour que ce soit moi qui te le chauffe ton petit derrière… Et que ça m’a fait le plus grand bien… Que ça m’a défoulée…
– Mais non, hein ! J’te jure ! J’te jure, Violaine… Il y a rien avec Kevin… Il y a rien du tout…
– Il y a rien, non… Mais tu crèves d’envie qu’il y ait… C’est pas vrai peut-être ? Sois honnête !
– Kevin est quelqu’un que j’apprécie beaucoup… Quelqu’un d’intelligent… Qui a du charme… Mais de là à…
– Il n’y a qu’un pas… Un pas que, te connaissant, tu aurais vite fait de franchir si l’occasion se présentait… Dès que l’occasion se présenterait…
– J’te jure…
– Encore ! Décidément ! Bon, mais n’importe comment te v’là prévenue… Pas touche Kevin… Pas touche… Sinon…


– Il est passé au magasin Kevin hier…
– Ah, oui… Et alors ?
– Et alors… rien… Je te le dis… Que t’ailles pas encore t’imaginer qu’il se trame des trucs derrière ton dos…
– Il voulait quoi ?
– Il cherchait une idée pour un cadeau… Il a tourné un bon moment en rond…
– Il a pris quelque chose ?
– Non… Il a dit qu’il allait réfléchir…
– Ah, oui, à propos… Je lui ai raconté… Que tu t’étais pris une fessée… Je lui ai dit…
– T’as pas fait ça ?
– Ben si ! Pourquoi ?
– Mais parce que enfin ! Parce que…
– Par contre, il sait pas de quoi il retourne au juste… La version que je lui ai servie, c’est que deux femmes que tu ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam te sont tombées dessus dans un coin désert, qu’elles t’ont déculottée et qu’elles y sont pas allées de main morte… Que tu vas les garder longtemps les marques…


– Et il en a pensé quoi de tout ça ?
– Ça l’a beaucoup amusé… « Sabine ! Une fessée ! Oh, la la ! Comment j’aurais trop aimé voir ça ! Orgueilleuse comme elle est… Ça a dû lui rabaisser un peu le caquet … Ça lui fera pas de mal… »
– Il a vraiment dit ça ? J’te crois pas…
– Et puis après, évidemment, il a voulu savoir pourquoi… « Il y avait bien une raison… C’était quoi ? T’as une idée ? » « Pas la moindre… À moins que… la femme de Jean peut-être… Qui aurait découvert… » « Oui, oh ! La femme de Jean ou d’un autre… Parce qu’apparemment elle en est de la comédie ta copine… » J’ai voulu te défendre : « Il se raconte tellement de choses ! Il se colporte tellement de ragots… » Il a éclaté de rire… « Oui, ben en tout cas, Alexandre, je peux te dire que c’est pas des ragots… On les a vus… Des collègues à moi… »
– Où ça on nous a vus ?
– Ah, parce que c’est vrai ?
– Non… Enfin si ! Oui… Oh, mais juste comme ça… Mais où ça qu’on nous a vus ?
– Il m’a pas dit… Bon, mais alors je suppose que pour Sébastien, c’est vrai aussi…
– Non, mais ils sont incroyables les gens ! Ils ont vraiment rien d’autre à foutre que d’espionner ce qui se passe ?
– En attendant, tu sais qu’il a drôlement apprécié  sa petite visite au magasin Kevin ? « C’était trop de lui regarder les fesses et de me dire qu’elles étaient toutes rouges là-dessous… Que je savais et qu’elle savait pas que je savais… Ah, je peux te dire que j’y suis resté un moment… » Et moi je peux te dire qu’il m’en a bien fait profiter en rentrant… Ah, il en était ! Et qu’est-ce que ça aurait été s’il avait su que c’était moi qui te l’avais flanquée la fessée ! Et du coup… Oui, je vais le mettre au courant finalement… C’est une bonne idée, non, tu crois pas ?

 

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