jeudi 3 juillet 2014

La petite vendeuse (20)

– Ah, t’as raté quelque chose hier soir, je t’assure…
– Qu’est-ce qu’il y a eu ? C’est elle, je suis sûre… Ta patronne… Enfin la nôtre maintenant… Elle a encore fait des siennes… C’est ça, hein ?
– Évidemment que c’est ça ! Parce que Raphaël est gentiment passé… Histoire de me faire un petit coucou… Et elle s’est carrément jetée dessus… Il a même pas eu le temps d’arriver…
– Hein ? Mais c’est toi, Léonie ! C’est toi qui m’as dit que pas question de s’éterniser à faire des discours… Qu’il venait pas pour ça…
– Oui, mais enfin de là à écarter en direct les cuisses sur le canapé il y a quand même une marge…
– J’ai pas…
– Non, mais vous vous êtes pas vue ! C’était obscène… Vous étiez obscène… Et pourtant moi, il m’en faut beaucoup pour me choquer… Non… Vous auriez au moins pu aller faire ça dans la chambre… C’était un minimum…
– Mais ça aussi, c’est toi qui me l’avais dit l’autre soir ! Que tu voulais pas qu’on s’y enferme quand c’était comme ça…
– D’abord c’est pas moi, c’est Aliane… Ensuite il était question de Stéphane, pas de Raphaël… Et enfin vous n’êtes pas obligée de prendre tout ce qu’on vous dit au pied de la lettre…
– Après ? On s’en fout de ses états d’âme à elle… Après ? Raconte, quoi !
– Oh, ben tu te doutes… Et que je me donne tant et plus en spectacle… Et que je te me tortille dans tous les sens… Et que je te pousse des cris à ameuter tout le quartier…
– Et… il a vu ? Dans quel état elle avait le derrière… il a vu ?
– Il aurait fallu qu’il soit aveugle…
– Il a dit quelque chose ? Qu’est-ce qu’il a dit ?
– Rien… Absolument rien… Mais il a eu son petit sourire, tu sais…
– Je sais, oui… Oh, ben alors…
Et ça voulait dire quoi « Oh, ben alors… » ?
– Rien… Rien de spécial…
– Disons qu’il a la langue bien pendue Raphaël… Et que quand il couche avec quelqu’un tout le monde le sait…
– Mais là… En plus… Il y a un bonus… Parce que… Que vous receviez la fessée il a pas fini d’aller raconter ça à droite et à gauche…
– Il va pas faire un truc pareil !
– Il va se gêner !
– Mais c’est pas possible enfin ! C’est pas possible… Un tort considérable ça va me faire… Je suis commerçante, moi !
– Plus maintenant… Vous l’êtes plus… C’est nous…
– Ce qui vaut nettement mieux d’ailleurs…
– Oui… Parce qu’il a triplé le chiffre d’affaires depuis que vous vous occupez plus de rien…
– Et il va encore augmenter du coup…
– Ben, oui… Forcément… Parce qu’ils sont curieux les gens… À l’affût de tout… Ils vont défiler… Nous interroger… Essayer de savoir ce que c’est que ces histoires de fessée…
– Et essayer de vous apercevoir… De voir quelle tronche vous faites…
– Alors le mieux maintenant ça va être que vous redescendiez… Que vous soyez là…
– Mais que vous vous mêliez de rien surtout…


– À cette heure-ci ? Qui ça peut bien être ? On n’attend personne…
C’était Stéphane… Stéphane qui m’a déposé –très vite – un baiser sur les lèvres…
– Alors, les filles… Ça va comme vous voulez ?
– Ça pourrait être pire… Quel bon vent t’amène ?
– Oh, rien… Rien de spécial…
– Non, mais à qui tu veux faire croire ça ? Je te connais depuis le temps… T’as forcément une idée derrière la tête… Et, avec toi, c’est pas difficile de savoir laquelle… C’est toujours la même…
Aliane s’est levée…
– Tu tombes bien… Tu tombes vraiment bien… Parce que j’en suis ce soir… Et pas qu’un peu…

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