lundi 20 juin 2016

La clef USB (14)

Il m’a ouvert la portière, fait monter, s’est installé au volant.
– Où tu m’emmènes ?
– Là où tu vas pouvoir te rincer l’œil tout ton saoul. Parce que, si j’en juge par la dernière vidéo qu’on a regardée ensemble, c’est une activité que tu prises tout particulièrement.
– Écoute, Antoine…
– Oui ?
– Non. Rien.
– Comme tu voudras. Ah, oui, à propos, Laurent m’a dit qu’il t’avait parlé pour la Bretagne et que, contrairement à ce qu’il craignait, tu n’avais pas soulevé d’objections particulières. Mais ça, j’en étais sûr.
– Avec l’épée de Damoclès que tu me maintiens en permanence suspendue au-dessus de la tête, j’avais pas vraiment le choix..
– À qui la faute ?
– Tu vas jouer longtemps au chat et à la souris comme ça avec moi ? C’est quoi le but ? De m’avoir à ta merci, pieds et poings liés ? Ça te fait jouir ?
– Pas du tout, non. C’est d’arriver à la connaissance la plus intime et la plus complète de toi possible. Parce que tu n’en as pas forcément conscience, mais tu es quelqu’un d’absolument fascinant. Quelqu’un que je rêve de découvrir, peu à peu, jusque dans ses replis les plus secrets. Je veux avoir accès à toi. J’y parviens en partie par l’intermédiaire de ces vidéos secrètes que je regarde en ta compagnie, oui, bien sûr, mais c’est loin d’être suffisant. Non, ce qu’il faut aussi, c’est te mettre dans toutes sortes de situations qui t’obligent à te découvrir, qui te fassent remonter, de très loin, à la surface…
– Lesquelles ?
– Tu verras bien… Au fur et à mesure… Descends, en attendant. On est arrivés.

Une ruelle étroite… Un immeuble délabré…
– Monte !
Une petite pièce dont il avait la clef. Une petite pièce avec vue sur un terrain de rugby…
– Tu seras aux premières loges, là… J’ai même pensé à pousser le canapé sous la fenêtre… Tu diras que je suis pas aux petits soins pour toi après ça ! Mais installe-toi ! Fais comme chez toi ! Ils vont pas tarder…
Des joueurs. En rouge. En vert. Des joueurs qui se sont rués à la poursuite d’un ballon. Qui se jetaient les uns sur les autres. Qui se relevaient couverts de boue.
– Ils te plaisent pas ?
Si ! Je ne le lui ai pas dit, je ne lui ai pas répondu, mais évidemment qu’ils me plaisaient. J’aurais été difficile. Le 8 rouge. Un colosse, tout en muscles. Une force de la nature. Et le 6 vert. Si fougueux. Si déterminé. Qui se lançait dans de grandes chevauchées éperdues. Ils s’affrontaient tous les deux. Roulaient à terre. Se relevaient. Recommençaient. C’était pour moi qu’ils combattaient. Avec tant de hargne. Tant d’énergie. Pour m’avoir, moi ! J’étais l’enjeu. Un enjeu pour la possession duquel ils étaient prêts à aller jusqu’à l’extrême limite de leurs forces. Jusqu’à l’épuisement le plus total… Pour moi !
J’ai été tentée de… Non. Ne pas faire ce plaisir à Antoine. Ne pas lui offrir ce spectacle. Ne pas lui donner raison.
Le 8 est resté à terre. On s’est empressé autour de lui. Il s’est relevé. Il a jeté un coup d’œil dans ma direction et il est retourné au combat.
Je l’ai suivi des yeux. Lui. Que lui. Et j’ai pas pu m’empêcher… J’ai glissé une main dans ma culotte. J’étais trempée. Je me suis emparée de mon bouton. J’ai haleté. C’est venu. Vite. Très vite. Ça m’a emportée. Débordée. J’ai clamé mon plaisir. À pleins poumons.
Antoine a rangé son portable…
– Et voilà ! Un petit joyau de plus pour notre collection…

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