18 juillet
On a
encore pris le petit déjeuner toutes les deux toutes seules… Elle
a soupiré…
– Et
j’ai bien l’impression que ça va être toutes les vacances comme
ça…
– Oui…
Dès qu’ils se retrouvent entre eux il y a plus rien d’autre qui
compte… Nous, on n’existe pas…
– Moi,
ce que je finis par me demander, c’est quand – et si –
j’existe à ses yeux…
– Tu
devrais éviter de te poser ce genre de question… Tu risques de
finir par trouver la réponse… Bon, allez, on y va plutôt, tiens !
Elle
a refermé le bouquin… Fait couler une poignée de sable entre ses
doigts…
– Tu
l’as fini ? Et alors ?
– Mouais…
Mouais… Je sais pas quoi penser… Si c’est pas romancé… Si
elle a vraiment vécu ça…
– Ce
qui a l’air d’être le cas… Si on en croit la dédicace…
– Oui,
ben je vais la voir sous un autre jour, moi, maintenant…
– Mais
ça raconte quoi au juste ?
– Tout
est parti de ce qu’il cherchait des sujets de roman l’écrivain…
Il avait posté une annonce dans ce sens sur un forum… Elle l’a
contacté… Lui a parlé d’un voisin d’âge mûr, un dénommé
Gabriel, qui était aux petits soins pour elle… Toujours prêt à
lui rendre service… Il l’a mise au défi de se comporter en
gamine insupportable avec ce type… Et de lui raconter, à lui, au
jour le jour… Oui, ben alors là s’il croyait qu’elle était
pas capable… Surtout qu’elle était bien un peu comme ça tout au
fond d’elle-même… Beaucoup même des fois… Et elle est entrée
à fond dans le jeu… Toute fière à l’idée de devenir, en
quelque sorte, une héroïne de roman… Elle s’est montrée
résolument odieuse… Effrontée… Méprisante… Grisée par sa
propre arrogance, elle a très largement dépassé les bornes…
Jusqu’à ce que ce Gabriel finisse, exaspéré, par la menacer
d’une bonne fessée déculottée… Hein ? Oui, ben alors là !
Qu’il essaie pour voir… Il ne s’est pas contenté d’essayer…
Il a récidivé… Tant cette première correction avait donné des
résultats spectaculaires… Du tout au tout elle avait brusquement
changé… Ça lui avait fait le plus grand bien… Elle le
reconnaissait elle-même… Polie, attentionnée, aimable ça l’avait
rendue… Et il suffisait d’une petite piqûre de rappel chaque
fois que ses vieux démons se réveillaient pour que…
– Oui…
Elle aime la fessée, quoi ! En gros c’est ça, hein ?
– Ben,
apparemment non… Pas du tout… Au contraire… Elle a horreur de
ça… Mais elle n’a pas de limites… Pas de repères… Et elle a
besoin – elle en a parfaitement conscience – qu’on la
remette dans les clous… Que quelqu’un doté d’une autorité
naturelle la recadre régulièrement… Pour son bien… Ce qui,
quand ce quelqu’un le juge nécessaire, passe par la fessée…
C’est ce qu’en dit l’écrivain en tout cas…
– Et
Bruno dans tout ça ?
– Il
en est jamais question… Ils devaient pas se connaître à l’époque
où ça s’est passé… De toute façon Bruno…
– Tiens,
la v’là !
– On
lui en parle pas, hein ! On lui dit pas que je l’ai lu…
– T’en
fais une tête ! Qu’est-ce qui se passe ?
– Rien…
J’ai pas dormi de la nuit…
– Oui,
ben ça ! Avec la pleine lune…
– C’est
pas la pleine lune, non… C’est que je l’ai encore eu au
téléphone hier soir Bruno… Et que je me demande ce qu’on va
devenir… Parce qu’il trouve rien, mais ce qui s’appelle rien…
– Faut
dire que dans le contexte actuel…
– Ça
fait pas tout le contexte… La preuve : il y en a qui trouvent…
Seulement encore faut-il avoir un minimum de diplômes…
– Ce
que Bruno n’a pas…
– Et
pour cause… Parce que les deux aînés, là, vos maris, ils ont eu
droit à tout… Ils foutaient rien en classe ? Pas de problème…
On les a expédiés dans le privé… Et pas n’importe quelle
boîte… Le haut de gamme… Qui coûte la peau des fesses…
Bruno, lui, cette chance-là il l’a pas eue… Il a fallu qu’il
se contente du tout-venant… Alors quand je vois que l’autre, là,
il prétend que s’il a tout raté, c’est juste parce que c’est
un gros flemmard je peux pas vous dire ce que ça me fait… Non…
La vérité, c’est que ça a toujours été le vilain petit canard
Bruno… Pour tout… Ils en voulaient pas… C’était un accident…
Ils le lui auront assez fait payer…
14 heures
Elle
a remis ça sur le tapis au dessert…
– Vous
nous avez jamais vraiment expliqué pour Bruno… C’est la
contraception qu’a foiré, c’est ça ?
– Si
on te le demande…
– Et
l’avortement, c’était hors de question… Qu’aurait dit
monsieur le curé…
Jacques
s’est levé… L’a soulevée de sa chaise… Poussée vers la
porte…
– File !
Dégage ! Quand tu sauras te contenter de te mêler de ce qui te
regarde tu pourras revenir…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire