Elles
ont d’abord écouté de loin. Se sont peu à peu approchées. De
plus en plus près. Tout près. Ont fini par s’asseoir dans l’herbe
à nos pieds. Nous ont religieusement écoutés.
– Encore !
S’il vous plaît, encore !
Et
on a joué pour elles. Longtemps.
– Encore !
Encore !
Quand
l’Angélus a sonné, elles se sont relevées, éloignées. Sans un
mot. Lentement. Comme à regret.
Le
soir, à l’auberge, un sourd-muet m’a subrepticement glissé un
billet dans la main. Et s’est aussitôt enfui.
« Vous
m’aimez ! Comment ils le hurlaient vos yeux, quand vous les
plongiez tout-à-l’heure dans les miens. C’est pour moi que vous
jouiez. Que pour moi. Pour moi seule. Je le savais. Je le voyais.
Vous m’aimez. Je suis heureuse. »
J’étais
sur le point de me coucher quand le même sourd-muet est venu gratter
à la porte, m’en a tendu un autre.
« Je
suis mariée. Il nous faut vivre notre amour dans le plus grand
secret. Je compte sur vous. Je vous aime. »
Thibaud
est parti d’un grand éclat de rire.
– C’est
pas drôle.
– Ah,
ben si ! Si ! Parce que chaque fois, c’est la même
chose. Où qu’on passe, il y en a toujours une pour tomber
amoureuse folle de toi. Ah, le prestige de l’artiste ! Du
musicien. Laquelle c’est ?
– Qu’est-ce
que tu veux que j’en sache ?
– Tu
t’en fous n’importe comment. Que ce soit l’une ou l’autre…
Du moment qu'à l'arrivée tu tires ton coup.
– Oui,
ben alors là, il y a pas de risque. Les amoureuses transies, j’ai
donné, merci. Si c’est pour qu’après elle nous colle aux
basques trois semaines comme la Francesca, à Bergame.
– Faut
reconnaître que celle-là, pour s’en débarrasser…
Au
matin, il y en a eu un autre.
« J’ai
passé la nuit avec toi, mon amour. À penser à toi. À rêver de
toi. Tu vas m’emmener. Loin. Loin d’ici. Là où nous serons
heureux. Tu me redonnes goût à la vie. Si tu savais ! Merci !
Merci ! »
À
midi aussi.
« Tu
m’as cherchée des yeux à l’église, tandis que tu jouais. Mais
tu ne t’es pas attardé sur moi. Pour ne pas éveiller les
soupçons. Tu en mourais d’envie pourtant. Tout en toi le criait.
Oh, mais je te revaudrai ça. Au centuple. »
Thibaud
ne voulait pas avoir l’air d’insister.
– Mais
quand même ! Tant que tu l’auras pas sautée, elle te lâchera
pas la grappe.
– Elle
me la lâchera pas non plus après.
– Ben,
justement ! Fais-toi plaisir. T’auras au moins eu ça pour te
dédommager.
– Je
sais même pas qui c’est.
– Tu
veux que je me renseigne ?
– Ah,
non ! Non ! Surtout pas ! Me la balance pas entre les
pattes, hein !
« Tu
étais beau tout-à-l’heure au château. Si beau ! Et tu as
joué notre air à nous. Il faut qu’on prenne une décision. On ne
peut plus attendre. Je sais ce que je vais faire. Tu seras fier de
moi, tu verras ! »
– Je
crains le pire.
– Oui.
Il y a des chances qu’on la voie rappliquer.
– Tu
sauras qui c’est comme ça, au moins.
– J’y
tiens pas spécialement.
« Je lui ai tout dit. À mon mari. Je lui ai tout dit. C’est plus honnête. Et au moins, maintenant, les choses sont claires. On ne peut plus reculer. Tu vas venir me chercher. Tu vas m’emmener. »
– Si
on reste ici, tu vas te retrouver avec une épée plantée au milieu
du corps, oui !
– Je
crois qu’il est temps, en effet, de porter nos pénates sous des
cieux plus cléments.
– Et
sans tarder.
On
franchissait la porte de la ville quand le sourd-muet s’est, une
nouvelle fois, mis en travers de notre route.
« Il
a été odieux. Il m’a fouettée. Au sang. Mais j’ai été
courageuse. J’ai supporté héroïquement. Pour toi. Pour nous.
Viens me chercher. Viens m’enlever. Je t’attends. »
On a éperonné nos chevaux et on s'est éloignés. Le plus vite possible.
On a éperonné nos chevaux et on s'est éloignés. Le plus vite possible.
Ha c'est original. J'aime beaucoup. Je me demande si on saura qui c'est...
RépondreSupprimerPeut-être vaut-il mieux ne pas savoir…
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