jeudi 31 janvier 2019

Les fessées de Blanche (13)


Il ne vient plus. Jamais. Quatre jours qu’il n’est pas venu. Qu’elle est sans nouvelles. Quatre jours que l’angoisse la ronge. La dévore. Qu’il lui faut néanmoins faire bonne figure devant Pierre. Lui donner le change.
Elle passe ses nuits à pleurer. Et à se demander. Ce qu’il fait. Ce qu’il pense. Et pourquoi il ne vient plus ? Pourquoi ? Mais elle le sait pourquoi. Inutile de se bercer d’illusions. C’est une autre. C’est l’autre. Il ne viendra plus. Plus jamais.

Le seul avec lequel elle puisse parler un peu de lui, c’est Sylvain.
– Croyez-vous qu’il ait pu lui arriver quelque chose ?
Il fronce les sourcils, réprobateur, mais se fait malgré tout rassurant.
– S’il lui était survenu quelque accident ou s’il était tombé sérieusement malade, nous l’aurions su. D’une façon ou d’une autre, nous l’aurions forcément su.
Elle insiste.
– Mais alors, Sylvain ? Mais alors ?
Il hausse les épaules.
– Il reviendra, vous verrez. Il finira par revenir. Parce qu’il y a très certainement une explication toute simple qui, pour le moment, ne vient pas à l’esprit de Mademoiselle.
– Et si ?
– Si, Mademoiselle ?
– S’il en avait rencontré une autre ?
Il ne répond pas. Pas tout de suite. Il chevauche silencieusement à ses côtés. Il regarde droit devant lui. Longtemps. Et puis…
– Vous lui avez dit ? Que c’était moi qui vous fouettais ? Vous lui avez dit ?
Elle rougit. Elle se trouble.
– Oh, non ! Non.
– Que c’était monsieur Pierre alors ?
– Non plus, non.
– Qui alors ?
– Mais personne.
– Alors je crois que Madame fait fausse route. Qu’elle prend les choses à l’envers.
– Que voulez-vous dire ?
– Il n’a personne, mais il a le soupçon, par contre, que Madame, elle, a quelqu’un d’autre. Qui la fouette.
Mais bien sûr ! Comment n’y-a-t-elle pas pensé ? Mais bien sûr ! Quelle sotte elle fait ! Deux fois il lui a posé la question. Deux fois il lui a demandé. Elle n’a pas répondu. Elle a éludé. Alors il s’est imaginé…
– Je vais lui écrire, Sylvain. Je vais lui expliquer. Vous porterez la lettre.
Il s’incline.
– Si je puis me permettre… Madame ne va pourtant pas lui avouer que je la châtie parce qu’elle ne parvient pas à le quitter ?
Non. Évidemment, non.
– Quel motif, dès lors, invoquera-t-elle donc ?
Mais que…
Elle ne sait pas. Elle verra. Elle improvisera. Elle lui expliquera que c’est pour lui. Par amour pour lui. Il comprendra.

Ils font demi-tour. Ils chevauchent en silence.
Elle est déjà dans sa lettre. Dont elle cherche les mots. Dont elle polit amoureusement les phrases. Qu’elle a hâte d’aller jeter sur le papier.

Elle tend les rênes à Sylvain. Les retient un moment.
– Et s’il ne me croit pas ?
– Alors il faudra lui en administrer la preuve. De toute façon Madame mérite. Amplement. Plus que jamais. Parce que ce n’est plus seulement qu’elle ne parvient pas à le quitter, c’est que, maintenant, elle lui court après.

lundi 28 janvier 2019

L'acrobate fouettée

Dessinateur allemand inconnu


– Tu étais où, cette nuit ?
– Cette nuit ? Mais dans mon lit, tiens ! Je dormais.
– Tu mens.
– Ah, mais si ! Si ! Je t’assure…
– On t’a vue en boîte. Jusqu’au petit matin.
– Putain ! Mais ils ont rien d’autre à faire, les gens, que d’espionner les autres ? Ils peuvent pas s’occuper de leurs fesses plutôt ?
– Ton numéro est périlleux. Il te faut être en pleine possession de tous tes moyens pour le réaliser.
– Mais je le suis.
– Non. Quand on n’a pas dormi, on manque de réflexes. Et je ne tiens pas du tout à ce que tu ailles t’écraser au sol au beau milieu de la représentation.
– Mais il y a pas de risques enfin !
– Bien sûr que si ! Et tu le sais très bien. Bon, mais assez discuté. Alors tu vas aller trouver Franck, le dompteur, et tu vas lui demander de bien vouloir nous prêter son fouet. Histoire de te faire passer le goût des escapades nocturnes.
– Hein ? Mais…
– Mais quoi ? C’est à prendre ou à laisser. Seulement si tu laisses, tu vas demander à Pierrot de te régler ce qu’on te doit, tu vas chercher tes affaires et tu dégages.
– Ah, non, non ! Je veux pas partir. Je veux pas. Où j’irais ? Et pour faire quoi ?
– Eh bien alors tu sais ce qu’il te reste à faire.

* *
*

– Donne ! Merci. Eh ben voilà ! Tu vois quand tu veux… Bon, ben déshabille-toi ! Qu’est-ce t’attends ? Tout, t’enlèves ! Ben oui, me regarde pas comme ça ! Tout. Que j’aie de la surface… Allez, prête ? En place pour le quadrille alors ! Ah, oui, ça fait mal, oui ! C’est étudié pour. Pour remettre les idées en place. Et un peu de plomb dans la cervelle. En attendant, qu’est-ce t’as besoin de courir en boîte pour aller danser, hein ? Tu peux me dire ? Tu peux très bien faire ça ici. La preuve ! Allez, plus haut ! Plus haut ! Éclate-toi bien ! Et enlève ta main. Enlève ta main, j’ai dit. Oh, mais c’est que tu te contentes pas de danser. Tu chantes, aussi. Et fort bien, ma foi ! C’est un véritable régal. Attends, attends ! On va te faire pousser la note un peu plus dans les aigus. Comme ça, oui. Superbe. Absolument superbe. Encore ? Allez, encore ! Je m’en lasse pas, moi ! Pas toi ?

* *
*

– Eh oui ! Les meilleures choses ont une fin, que veux-tu ! C’est dommage, mais c’est comme ça. En tout cas, tu regarderas Franck d’un autre œil à l’avenir, je suis sûre, quand il fera travailler ses fauves. Bon, mais va te rafraîchir un peu. Et puis surtout hésite pas, hein ! Si t’as envie d’une autre petite séance, un jour, va faire un tour en boîte. Je t’en remettrai une couche. Et ce sera de bon cœur.

samedi 26 janvier 2019

Les fantasmes de Lucie (36)



Je n’en reviens toujours pas. Je suis à la Cour. Enfin ! J’ai approché l’impératrice. Je lui ai été présentée. Je lui ai parlé. Oh, brièvement, mais je lui ai parlé. J’étais toute tremblante. Je me sentais toute petite. C’est, à l’évidence, une femme d’exception. Supérieure. On la dit autoritaire. Comment ne le serait-elle pas ? Elle a le destin de millions de sujets entre ses mains. C’est dans notre intérêt à tous qu’il faut qu’elle le soit.

* *
*

Je trouve peu à peu mes marques. La comtesse Potocka m’a prise en amitié. La duchesse Ivaguine me recherche. Tout se passe, pour le moment, le mieux du monde. Et je me suis trouvée, à plusieurs reprises, en présence de l’impératrice. Ce sont des moments précieux. Dont je m’efforce de profiter au maximum. Et dont je garde et cultive ensuite longtemps le souvenir.

* *
*

Il se murmure que Sa Majesté n’hésite pas à faire fustiger, voire à fustiger elle-même, les dames de la Cour, si haut placées soient-elles, qui lui ont donné quelque sujet de mécontentement. C’est, à n’en pas douter, quand elle l’applique ou qu’elle la fait appliquer, qu’elle estime cette sanction justifiée. Traitement infamant, m’a-t-on laissé entendre, d’un ton quelque peu réprobateur. Mais le seul assurément qui puisse guérir certaines dames d’une morgue et d’une arrogance dont j’ai été, à plusieurs reprises, personnellement témoin depuis mon arrivée ici.

* *
*

Voilà maintenant trois jours que la Princesse Ivanova Chelguine n’a pas fait sa réapparition à la Cour.
– C’est que…
Oustina Potocka, baisse la voix, se penche vers moi, dissimulée derrière son éventail.
– C’est que l’impératrice l’a convoquée. Et l’a fait fouetter par ses propres servantes.
– Par ses servantes !
– Oui. Elle a recours à elles quand elle estime que la fautive ne fait pas preuve de suffisamment de contrition. Ou s’efforce de se soustraire, d’une façon ou d’une autre, à la sanction qu’elle a décidé de lui infliger.
Elle se lève.
– La princesse a infiniment d’orgueil. Il lui faudra bien pourtant finir par se résoudre à faire sa réapparition à la Cour et à y affronter les regards, si elle ne veut pas indisposer un peu plus encore Sa Majesté à son égard.

* *
*

– La première femme de chambre de l’Impératrice attend Madame au salon.
– Que me veut-elle ?
Militcha, ma camériste, feint l’ignorance, mais elle est dans un état d’excitation qu’elle a toutes les peines du monde à dissimuler.

L’envoyée de l’Impératrice s’incline. Me délivre son message.
– Sa Majesté exige que Madame la Duchesse se présente chez elle, ce soir, à vingt heures précises, munie d’un faisceau de verges.
Et elle repart.
Un vertige me saisit. La tête me tourne.
Qu’ai-je fait ? Mais qu’ai-je fait ? Qu’a-t-elle donc à me reprocher ?Je n’en ai pas la moindre idée.
Militcha se précipite, m’avance un siège.
– Madame la Duchesse ne se sent pas bien ? Elle est toute pâle.
– Laisse-moi seule, Militcha ! Laisse-moi seule.
Je m’étends sur mon lit, ravagée. J’ai mécontenté l’Impératrice. J’ignore quand, comment et pourquoi, mais je l’ai mécontentée.

* *
*

La première femme de chambre me fait entrer. L’Impératrice lit. Elle ne lève pas la tête. Une servante avance un prie-dieu, m’invite à m’y agenouiller.
J’attends. Elles attendent. On attend.

Elle repose son livre, quitte son siège, s’avance vers moi.
– Les regards que vous jetez en permanence sur ma personne, lorsque vous vous trouvez publiquement en ma présence, m’indisposent, comtesse.
– J’en suis absolument désolée, Votre Majesté.
Elle me soulève le menton du bout du doigt.
– Vous méritez d’être punie.
– J’en conviens, Votre Majesté.
– Vingt coups de verges. Que je vais vous administrer moi-même.
Elle fait un signe. Deux servantes s’approchent. Me présentent le faisceau de verges à baiser.
J'obéis.
– Dévêtez-la !
Elles obéissent. Elles me dénudent. Complètement.
Et un premier coup tombe. Appliqué avec force. À pleines fesses. Je pousse un gémissement.
L’une des servantes compte.
– Deux ! Trois !
Sa Majesté cingle. À tout-va. Le dos. Les fesses. Les cuisses. Je crie. Je pleure. Je hurle. Je sanglote.
– Vingt !
Elle soulève une tenture devant moi, disparaît.
Les servantes m’aident à me rhabiller.

Et, les yeux fixés sur le tableau, sur son visage, je laisse exploser mon plaisir.

jeudi 24 janvier 2019

Les fessées de Blanche (12)


Elle est dans son lit, sur le ventre. Nue. Elle a rejeté drap et couverture. Sa peau ne supporte pas le moindre contact. Et elle a mal. Tellement. Mais elle est heureuse. Tellement aussi. Heureuse, oui. Même si elle redoute, par bouffées, que son bonheur ne prenne brusquement fin. À cause de la guerre, oui, bien sûr… Mais aussi parce qu’il est jeune, Gontran. Parce qu’il est beau. Et qu’il doit faire rêver, par dizaines, les jeunes filles de son âge. Qu’il s’en trouvera forcément une, un jour, dont il se sentira éperdument épris et que, ce jour-là, il lui faudra s’effacer pour ne pas être une entrave à son bonheur. Il ne lui restera plus alors que ses souvenirs. Et ses larmes. N’y pas penser. Profiter. Profiter, le plus possible, des instants qu’il lui donne.

– Je ne monterai pas, ce matin, Sylvain.
– Comme Madame voudra…
Il étrille Flamboyant. Il lui flatte l’encolure.
– Il vaut assurément mieux. Si Madame ne veut pas raviver la douleur…
Elle rougit. Elle se détourne. Elle s’éloigne sous la futaie. Les feuilles mortes craquent sous ses pas. Elle marche. Elle veut marcher. Elle en a besoin. Sa chair est à vif sous ses vêtements. Chaque pas est un calvaire. Mais elle marche. Sylvain l’a fouettée. Il l’a fouettée et… La honte, une nouvelle fois, la submerge. Est-ce qu’il s’est rendu compte hier ? Peut-être pas. Sans doute pas. Sûrement pas. Ces gémissements-là, qu’elle a poussés, qu’elle n’a pas pu s’empêcher de pousser, quand ça l’a traversée, ressemblent tellement à ceux que procure la douleur. Non. Non. Elle se fait des idées. Il ne s’est aperçu de rien. Il était, de toute façon, tellement absorbé par ce qu’il faisait, tellement attentif à ne pas lui laisser intact le moindre centimètre de peau qu’il n’a certainement pas prêté la moindre attention à la nature de de ses plaintes. Oui, mais si… Elle hausse les épaules. Peu importe ce qu’il pense. Ce qu’il est allé imaginer. Peu importe. Elle s’efforce, en vain, de s’en convaincre.

Elle attend Gontran. Il ne va pas tarder. Il va apparaître là-bas, derrière la grange, entre les arbres. Courir vers elle. La saisir dans ses bras. Et elle va défaillir de bonheur.

Elle l’attend. Elle s’impatiente. Lui, toujours si ponctuel d’habitude. Une demi-heure de retard. Une grosse demi-heure. Pourvu qu’il ne lui soit rien advenu de fâcheux. Mais non ! Non. Elle est folle. Il va surgir en riant. « Un bavard importun dont j’ai eu toutes les peines du monde à me défaire… » Il va la couvrir de baisers. Et tout va rentrer dans l’ordre.

Elle est morte d’inquiétude. Deux heures. Plus de deux heures. Il s’est passé quelque chose, elle en est sûre. En courant vers elle, il a roulé sous un attelage. Ou bien il s’est battu et on l’a laissé pour mort sur le pavé. Ou bien encore…

C’est la dixième fois, au moins, qu’elle pose la question à Sylvain.
– Il ne vous a rien dit ? Il n’est pas passé ce matin ?
– Mais non, Mademoiselle ! Vous pensez bien que, s’il l’avait fait, je me serais empressé de vous en tenir informée.

Le jour baisse. Il ne viendra pas. Il ne viendra plus. Il a passé l’après-midi avec une autre. Elle le sait. Elle le sent. Elle en est sûre. Et elle ne peut même pas laisser libre cours à son chagrin. Si Pierre s’apercevait qu’elle a pleuré…

Elle vogue de cauchemar en cauchemar. Elle est de toute beauté, la fille. Et comme il l’aime ! Comme il la caresse avec passion ! Elle la chasse. Elle s’estompe. Elle disparaît. Pour revenir, plus triomphante que jamais. En robe de mariée, cette fois. Elle est resplendissante. Ils se serrent l’un contre l’autre. Ils s’embrassent. Sous les regards ravis des invités. Elle les observe, en larmes, dissimulée derrière un arbre. Ils l’y débusquent. Ils se moquent d’elle. Toute la noce se moque d’elle. Et elle s’enfuit, vaincue.

lundi 21 janvier 2019

Petit matin


Dessin d’Otto Schoff

Il m’a quittée. Il est parti travailler. Je m’étire voluptueusement. Je somnole. Quelle nuit, non mais quelle nuit ! Ah, il sait y faire, le salaud, ça, on peut pas dire. Je n’étais plus que jouissance. Bloc de jouissance éperdue. Fessée. Enfilée. Tringlée. Baisée. Fouettée. Pour mon plus grand plaisir. Et le sien. Je suis repue. J’ai un brasier dans les fesses. Qui irradie partout. Dans mes cuisses. Dans ma chatte. Et jusqu’à la pointe de mes seins. Mais je suis heureuse. Rassasiée. Comblée.

La clef dans la serrure de la porte d’entrée. Sa colocataire. Il m’a prévenue.
– Elle travaille de nuit. Elle rentre vers dix heures. Mais elle est très discrète. Elle s’occupera pas de toi…
Discrète ? Voire. La porte de la chambre s’entrouvre tout doucement. Je feins un profond sommeil. Elle se referme sans bruit.
Des odeurs de pain grillé et de café entremêlées viennent me titiller les narines.
Je pense à lui… À ses bras. À ses mains. À sa bouche. À sa queue. Et dire que j’ai failli l’envoyer sur les roses quand il m’a abordée. Une belle connerie que j’aurais faite là, oui !

La porte se rouvre. Ne se referme pas. Pas tout de suite. Elle s’approche du lit. À pas de loup. Je le sais. Je le sens. Elle me regarde dormir. Longuement. Et elle repart sans bruit. Est-ce qu’il la tire, elle aussi ? Peut-être. Et puis peut-être pas. Qu’est-ce que ça peut bien me faire ? J’en ai rien à foutre. C’est leur problème. La seule chose que je lui demande, c’est qu’il m’éblouisse, moi, encore et encore de plaisir. Le reste…

Elle n’y tiendra pas. Elle va revenir. Je donnerais ma main à couper qu’elle va revenir., qu’elle en crève d’envie. Je relève une jambe. Je la replie. Ma chemise de nuit remonte, me dévoile. Tant qu’à venir voir, qu’elle ait quelque chose à voir… Dans la rue, en bas, il y a des appels, des coups de klaxon. Tout un fourmillement. Quelqu’un tape violemment sur quelque chose. Des nuages dessinent un sexe d’homme dans le ciel. Je souris. Est-ce qu’il voudra que ça continue, tous les deux ? Au moins un peu. Quelques jours. Quelques semaines. N’y pas penser. Ne pas nourrir de faux espoirs. Laisser les choses venir. À leur rythme. Comme elles l’entendent.

Et ça y est. Je l’avais dit. Je l’avais pas dit ? Elle est là, juste en face. Tout près. Elle reluque mes fesses d’un rouge endolori. Elle se gave de ma chatte entrebâillée. Me croit-elle vraiment endormie ? Est-elle persuadée, au contraire, que je fais délibérément semblant ? À moins qu’elle ne se pose la question. Que cela ne l’excite de se poser la question. Elle déglutit. À plusieurs reprises. Sa respiration s’accélère. Elle contourne silencieusement le lit, s’assied, du bout des fesses, à mes côtés. Mon souffle à moi est calme, paisible. Elle avance la main, la retire. Elle hésite. N’y tient pas. N’y tient plus. Elle m’effleure un sein, s’enhardit, en saisit délicatement la pointe entre le pouce et l’index, la fait se desser, durcir. Son autre main se pose sur mes côtes, descend en lente, très lente caresse jusqu’au pli de l’aine. Elle y séjourne, un long moment, et puis elle contourne, s’empare de ma fesse…
– Elle est brûlante.
Elle la parcourt, la polit, en éprouve inlassablement le grain et la texture.
– Il t’a pas loupée…
L’autre fesse maintenant. Les deux.
– Et toi, tu t’es laissée faire. Sans essayer de te défendre. Sans même protester. Non ? Je me trompe ?
Je ne réponds pas. Je ne réponds rien.
– Tu y as pris du plaisir, je suis sûre. Hein que tu y as pris du plaisir ? Évidemment. C’est honteux. Honteux ! Et ça mérite… Tourne-toi !
Si elle veut. Comme elle veut. Je me tourne. Sur le ventre.
Elle se penche à mon oreille.
– Tu vas voir… Par-dessus la première qu’est encore toute chaude, tu vas déguster, ma petite, alors là, tu vas déguster !

samedi 19 janvier 2019

Les fantasmes de Lucie (35)


Dessin de Flogger (Luc Lafnet)

Au boulot, il nous est arrivé un jeune stagiaire. D’une vingtaine d’années. Pas mal du tout. L’allure un peu poète maudit. Pierrot lunaire. Mystérieux à souhait. Et c’est nous, Cordelia et moi, qu’on a chargées de le mettre au courant. Ce qu’on a bien évidemment accepté avec empressement. Elle, elle a tout de suite pris une option dessus…
– J’en ferais bien mon quatre heures…
Moi aussi, oui, bien sûr, si je sentais qu’il y avait mèche, je me ferais sûrement pas prier, mais j’ai une autre idée derrière la tête. À cause de ses mains. Blanches. Fines. Aux doigts démesurément longs. Je me trompe peut-être, mais, à mon avis, quand il te crépite le fessier avec des mains comme ça, tu dois le sentir passer. Et moi, j’adore ça, le sentir passer. Sauf qu’encore faudrait-il qu’il soit branché là-dessus. Ce qu’est pas gagné.
Bref, toujours est-il qu’on s’est sérieusement investies, toutes les deux, pour rendre son intégration, à ce Baptiste, la plus aisée possible. Au point même de l’emmener déjeuner avec nous à midi. Il s’est montré un convive charmant. Plein d’humour. Et doué d’un esprit d’à-propos hors du commun. On a passé un excellent moment. Jusqu’à ce que son portable sonne… « Excusez-moi ! ». Et il est allé faire les cent pas avec sur le trottoir.
Cordelia a soupiré…
– Bon, ben voilà, il a une copine. Une fois de plus, c’est râpé. Non, mais tu peux m’expliquer pourquoi, chaque fois qu’un mec me plaît, il est déjà en mains ?
– Parce qu’il a plu à une autre avant.
– Ah, c’est malin ! Bon, mais faut peut-être pas partir battue non plus. Si ça tombe, elle compte pas vraiment pour lui.
– Ça t’arrangerait bien, hein !
– Oui, oh, et puis en même temps, ça n’a pas vraiment d’importance. Au contraire, même. Ça me stimule, moi, la concurrence.
Et, quand il est revenu, elle l’a gratifié d’un sourire enjôleur. Et, tout le reste du repas, elle lui a fait du rentre-dedans comme c’est pas permis. L’après-midi aussi… Pendant que moi, je focalisais sur ses mains. Elles me fascinent, ses mains.

Je me tourne et me retourne dans mon lit sans parvenir à trouver le sommeil. Je pense à lui, je pense à Cordelia. Est-ce qu’elle va parvenir à ses fins ? J’ai envie que oui. Et, en même temps, j’ai envie que non. Je somnole un peu. Mais il y a ses mains. Qui s’agitent devant mes yeux. Mon imagination s’envole. On sonne. Je vais ouvrir.
– Baptiste, mais qu’est-ce que…
Il me repousse. Il a l’air furieux.
– C’est ignoble ce que vous faites toutes les deux… Vouloir briser mon couple comme ça… C’est révoltant…
Je me défile. Je me défausse.
– C’est pas moi ! C’est elle…
Il éclate de rire.
– C’est pas vous, non ! Vous, vous jouez pas cartes sur table. Vous fomentez vos petits coups en douce. Vous êtes pire qu’elle, vous ! Vous êtes fausse. Et sournoise.
Je me débats comme je peux.
– Mais non… Je ne suis pas… Je suis… C’est-à-dire…
Il me coupe la parole.
– Vous vous enfoncez. Bon, mais assez discutaillé. Je ne suis pas venu pour ça. Je suis venu pour vous remettre de l’ordre dans les idées et vous flanquer une bonne fessée et, faites-moi confiance que vous allez vous en souvenir.
Je proteste avec conviction.
– Non, mais ça va pas ? Vous êtes vraiment pas bien, vous, hein !
Mais, en réalité, tout au fond de moi, je suis aux anges. Une fessée ! Il va me donner la fessée !
– Déculottez-vous !
– Que je… ! Non, mais alors là, sûrement pas !
Pourvu qu’il insiste ! Pourvu qu’il insiste !
– Vous feriez mieux de vous y résoudre – et rapidement – parce que plus vous allez me faire attendre et plus je vais me montrer intraitable.
Je m’y résouds en rechignant. Avec ravissement. Avec jubilation.
Et il y a ses mains. Qui prennent possession de mon derrière. Qui s’y installent. Qui caressent et pinçotent. Et qui claquent. D’un coup. Sans prévenir. En pluie. En grêle. En cataracte. Elles font mal, ses mains. Terriblement mal. Mais c’est bon. Si bon. Terriblement bon. Et ça ne s’arrête pas. Il est infatigable. Ça cuit. Ça brûle. C’est insupportable. Mais qu’il continue ! Qu’il continue !
Il continue. Longtemps. Et puis il passe une main entre ses cuisses. Et il constate…
– Tu es trempée.
Il parcourt. Il s’introduit. Il fouille. Je gémis doucement. J’ondule. Je m’ouvre. Je le veux.
Il vient. Il pousse sa queue, lentement, très lentement, jusqu’au fond de moi. Il la retire. Il revient. Il me rend folle.
Je crie mon plaisir. Une première fois. Une deuxième. Et puis lui. Il m’inonde. Il me quitte. Je me blottis contre lui. Il me caresse doucement les cheveux.
– Ah, oui, à propos, je voulais te dire… J’en ai pas de copine. J’ai personne.
Hein ? Non, mais quel salaud ! Ah, il s’est bien fichu de moi ! Et il en a bien profité…
– Toi, par contre, c’est pas bien joli ce que tu viens de faire. Derrière le dos de Cordelia. Et tu te prétends sa copine ! Ah, ben bravo ! Bravo ! Mais tu vas être punie pour ça. Et au fouet, cette fois.

jeudi 17 janvier 2019

Les fessées de Blanche (11)


Sylvain chevauche à ses côtés. Et il parle. Des châtaignes dont il y a profusion cette année. Du vin qui ne devrait pas être aussi mauvais que redouté, tout compte fait. Du nouveau vétérinaire qui est jeune, si jeune, mais qui semble néanmoins connaître son affaire.
Elle écoute et elle n’écoute pas. Elle est ailleurs. Encore dans son rêve de la nuit. Et déjà dans son après-midi avec Gontran.
Sylvain parle. Il parle inlassablement. De la Commune. Des exploits qu’il aurait alors soi-disant accomplis.
– La barricade de la rue Lepic, je l’ai tenue, à moi tout seul, près d’une heure durant.
Et puis de la guerre. De la guerre qui approche, hélas, à grands pas. De la guerre dont personne ne veut, mais que les dirigeants finiront malgré tout par faire advenir.
Elle frissonne.
La guerre. Gontran. Son Gontran. Elle ne veut pas.
Elle l’interrompt.
– Sylvain…
Il se tourne vers elle.
– Mademoiselle ?
– Je ne pourrai pas. Je ne pourrai jamais…
– Vous ne pourrez pas quoi ?
Il a parfaitement compris, mais il veut qu’elle le dise. Il veut le lui faire dire.
Elle baisse la tête.
– Le quitter. Quitter Gontran.
Il saute à terre. Il lui tend la main.
– Que Madame descende de cheval !
Elle obéit.
Ils sont au milieu des bois. Pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Il attache les chevaux. Il brandit la cravache.
Elle sait ce qu’il lui reste à faire. Elle n’attend pas qu’il le lui demande. Elle se détourne et elle se dénude. Les fesses. Et le dos.
L’ordre claque, sec, impérieux.
– À genoux !
À même le sol. C’est froid. Des brindilles lui picotent la peau. Et elle a honte. Tellement honte. Mais c’est pour lui. Pour Gontran. Il va tellement aimer voir sa peau striée, en suivre les boursouflures du bout des doigts. Gontran…
Et Sylvain frappe. Des coups appuyés. À intervalles réguliers. De la base du cou au haut des cuisses. Méthodiquement. Sur toute la surface. Elle serre les dents pour ne pas crier. Les larmes lui montent aux yeux. Tu vas aimer, Gontran… Oh, comme tu vas aimer !
Et ça repart. Dans l’autre sens. Insupportable, mais bon. Si ! Oui. Tellement bon. De plus en plus. Elle tombe face contre terre. Et le plaisir la prend. Toute. La fulgure. Un plaisir fou. Elle enfouit sa tête dans les feuilles pour ne pas le crier. Pour qu’il ne l’entende pas le crier.
Il s’arrête. Elle se relève. Elle n’est plu que brûlure. Elle se rhabille. Le frottement des vêtements sur sa peau est un véritable supplice, mais…
Elle remonte à cheval. Ils chevauchent en silence.

Gontran passe les mains sous sa robe.
– T’en as reçu une ! Ah, si, si ! T’en as encore reçu une.
Ses yeux brillent. Il est tout dur contre elle. Il veut voir.
Il va voir.
– Oh, là là, oui ! Et quelque chose de bien. C’est qui ? Ton mari, hein ?
Non. Elle fait signe que non.
– Qui alors ? Dis-moi !
Elle lui met un doigt sur les lèvres.
Il n’insiste pas. Il la couvre de baisers. Et il est en elle. Impatient. Impérieux. Il y éclate son plaisir. Et fait surgir le sien.

lundi 14 janvier 2019

À l'hôtel


Dessin de Fredillo


C’est Georges qui choisit l’hôtel. Toujours. Jamais le même. Et loin. Le plus loin possible. Que personne ne nous connaisse. Un hôtel qui réponde à un certain nombre de critères. Et qui, d’abord et avant tout, soit très mal insonorisé. Qu’on entende absolument tout d’une chambre à l’autre.

On y arrive, généralement, sur le coup de six heures du soir. On s’installe et on écoute. À droite, à gauche, au-dessus, en-dessous, on se prépare pour descendre au restaurant. Il y a des bruits de pas, des voix, des ruissellements d’eau. Tout un fourmillement.
On se fait signe. Allez ! Et il attaque. D’une voix forte. Furieuse.
– Tu as recommencé…
– Non, je te jure.
– Et tu mens. En plus !
– Je le ferai plus. Je te promets.
– J’ai déjà entendu ça dix-huit mille fois.
– Oui, mais cette fois, c’est vrai. Je t’assure, Georges ! Si, je t’assure !
– Tu sais ce qu’on avait dit…
– Oh, non ! Je t’en prie… Pas ça ! Je t’en supplie…
– Allez ! En position…
J’ai beau chouiner, implorer, promettre encore et encore de ne pas recommencer, rien n’ y fait. Il se montre intraitable.
– Tu te dépêches, oui !
Et j’en passe par où il veut. En pleurnichant.
Je m’agenouille au bord du lit. Je relève ma robe jusqu’à la taille. Je me déculotte. Et j’attends. Jamais bien longtemps.
Il tape. Avec la main d’abord. De grandes claques retentissantes qui m’arrachent quelques gémissements, puis, quand la douleur se fait plus vive, de véritables plaintes.
Il marque une pause. Aux alentours le silence s’est fait. Un silence d’attente. Un silence d’écoute.
Et alors… À la ceinture cette fois. Une dizaine de cinglées âpres, brûlantes qui m’arrachent des cris déchirants.
– Là ! Et tiens-le toi pour dit…
Je me relève lentement. En reniflant. Il me sourit. Je lui souris. Je suis trempée.
Tout autour on se remet lentement en mouvement. Il y a des rires quelque part. Quelqu’un, au-dessus, se met à crier : « Ouille ! Hou là là ! Ouille ! Ouille ! Ouille ! ». Des portes s’ouvrent. Il y a des pas dans le couloir. Des voix. Les gens descendent dîner.
Nous, on attend qu’en bas la salle se soit remplie.

– Allez, on y va ?
Il me donne le bras. Et on fait notre entrée. Toutes les conversations s’arrêtent d’un coup. Tous les regards convergent vers nous. Notre table est à l’autre bout, là-bas. On traverse. Dans un silence absolu. Je baisse pudiquement les yeux. Je frissonne. Un serveur me tire ma chaise.
– Merci.
Autour de nous, les conversations reprennent, hésitent, trouvent leur vitesse de croisière. Je ne regarde rien. Ni personne.
Le maître d’hôtel vient prendre la commande, impassible. S’éloigne.
Georges se penche vers moi.
– On nous regarde. Tu es l’attraction de la soirée, ma chère.
Sous la table je croise les jambes, les décroise, les recroise encore. Je lève brièvement les yeux. Une femme se moque ouvertement de moi. Je les rebaisse aussitôt. Mais j’y retourne. C’est plus fort que moi. Elle rit de plus belle. D’autres aussi. Des quantités de regards convergent vers moi.
Georges pose une main sur mon bras. Me chuchote à l’oreille.
– Tu as honte. Et ça se voit. Mais tu aimes tellement ça !
Je serre les cuisses. J’aime, oui.
Il insiste.
– Qu’est-ce que ce sera tout-à-l’heure !
Tout-à-l’heure, quand il en aura remis une couche et que mes cris de jouissance retentiront dans tout l’hôtel.

samedi 12 janvier 2019

Les fantasmes de Lucie (34)


Dessin de Fredillo

Cordelia a poussé un profond soupir.
– Il me gonfle ce dossier, mais alors là, tu peux pas savoir ce qu’il me gonfle. On se fait un petit break ?
– Toi, je te vois venir… Tu veux savoir où les pérégrinations de notre gode l’ont mené. C’est ça, hein ?
– Pas vraiment, non ! Mais puisque tu le proposes si gentiment… Allez, vas-y ! Je t’écoute.
– Donc… Donc on l’avait laissé chez la femme d’un capitaine au long cours, notre petit gode adoré.
– Et même… entre ses cuisses.
– Où sa belle-mère a fini par aller le débusquer.
– Oh, cette volée qu’elle lui a flanquée, n’empêche…
– Avant de le lui subtiliser.
– Quelle garce ! Et elle en a fait quoi ?
– On sait pas. On en a longtemps perdu la trace. Avant de finalement le retrouver chez la petite protégée d’un homme immensément riche. Une certaine Olga.
– Une actrice, j’parie.
– Oui, oh, une prétentieuse qui s’imaginait, à tort, bourrée de talent. Qui, les rares fois où elle est montée sur scène, s’est attiré moqueries et huées. Elle en a tenu pour seul et unique responsable son protecteur de baron. Auquel elle a reproché de ne pas faire jouer à fond ses relations. De ne lui obtenir que de petits rôles. Qui ne lui permettaient pas de donner sa pleine mesure. Et elle est, peu à peu, devenue vindicative, exigeante, ergoteuse. Bref, invivable.
– Je vois ça d’ici.
– Du coup, lui, il s’est lassé. Il est venu moins souvent. Presque plus. Plus du tout. Et il lui a coupé les vivres. Elle s’est claquemurée chez elle, désespérée, en la seule et unique compagnie de ses joujoux dont elle s’est mise à faire un usage immodéré. Elle passait ses journées à se donner du plaisir.
– Ça me plairait bien, à moi, ça, comme mode de vie…
Sauf qu’il fallait bien manger. Et qu’elle a vendu, petit à petit, la mort dans l’âme, ses bijoux, ses bibelots, ses meubles, et jusqu’à la plupart de ses vêtements. Tant et si bien que, quand, un beau matin, les huissiers se sont présentés à sa porte, il ne lui restait plus que son lit, un bidet pour faire sa toilette, deux paires de chaussures et sa collection d’indéfectibles compagnons.
– Comme ça, au moins, l’inventaire a été vite fait.
– Le lit, ils étaient tenus de le lui laisser. Le bidet, ils se sont bien fait tirer un peu l’oreille, mais bon, ils ont finalement consenti à ne pas le saisir, mais pour les godes, par contre, ils ont estimé qu’il ne s’agissait pas de produits de première nécessité, qu’elle pouvait parfaitement s’en passer.
– Hein ? Mais c’est dégueulasse ! Comment tu veux vivre sans ça ?
– C’est bien ce qu’elle leur a dit. Mais elle a eu beau argumenter, supplier, tempêter, ils se sont montrés intraitables. Et ils les ont emportés. À son grand désespoir.
– Je comprends ça !
– Elle venait à peine de se jeter en larmes sur son lit quand ils sont revenus.
– Les salauds ! Ah, ils aiment ça, se repaître du malheur des gens !
– Oui. Non. Mais là, ils avaient une proposition à lui faire. Ils voulaient bien les lui restituer, mais à la condition qu’elle les utilise devant eux…
– Tous ?
– Quand même pas, non ! Il y en avait six.
– Six ! Eh ben, dis donc ! Et elle l’a fait ?
– Tu penses bien que oui ! Elle était prête à tout pour les récupérer.
– Et c’est le nôtre qu’elle a utilisé, j’parie !
– Bingo !
– Pendant que les trois vieux cochons, ils se paluchaient à qui mieux mieux.
– Forcément, ça !
– Tu l’as sur toi ?
– Non.
– Et zut ! Toujours tu devrais l’avoir. Au cas où…
– T’as tes doigts.
– Oui, mais bon ! Elle a joui ? Ben oui, forcément qu’elle a joui… Moi, j’aurais trois mecs en train de me regarder faire en se branlant, même que ce soit des vieux, je peux te dire qu’il m’en fumerait, le clito…
Sa main a disparu sous le bureau.
– Et eux ?
– Eux aussi ils ont joui, tu penses bien ! Un mec, quand il s’empoigne la queue, il la lâche pas avant de l’avoir amenée là où il voulait. Même que c’est tous les trois ensemble qu’ils ont dégorgé quand elle s’est mise à piauler et à racler par terre avec les pieds.
– Oh, la vache ! Oh, la vache !
– Comme toi, là, en ce moment.
– J’en peux plus…
Ça a fait trois belles gerbes blanches qui se sont élancées toutes en chœur dans sa direction. Qui ont fini leur course à ses pieds.
Son bras s’est frénétiquement agité.
– Et après, Lucie ? Et après ?
– Après, ils lui ont flanqué une fessée magistrale pour la punir d’avoir tenté de suborner des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.
– J’en étais sûre…
– Et je peux te dire qu’ils ont pas fait semblant. Il a dû lui cuire un moment son joufflu.
– Et les godes ?
– Ils sont partis avec.
– Ça vient, Lucie, ça vient. Je vais jouir. Oh, que c’est bon ! Que c’est bon !

jeudi 10 janvier 2019

Les fessées de Blanche (10)


Pierre lit. Son journal. En mangeant. Pousse, de temps à autre, une exclamation. Commente à mi-voix…
– Et ils comptent nous faire croire ça !
Il ne la voit pas. Elle n’existe pas.
Elle n’existe pas et c’est une envie soudaine en elle, violente, de lancer un grand coup de pied dans la fourmilière, de lui jeter à la figure qu’elle a un amant. Un amant, oui ! T’es cocu. Hein, qu’est-ce que tu dis de ça ? Il lèverait les yeux sur elle. Il soupirerait. Peiné ? Malheureux ? Furieux ? Jaloux ? Même pas, non. Ennuyé. Seulement ennuyé. De voir dérangée sa petite routine. De devoir prendre en considération, d’une façon ou d’une autre, un problème qu’il n’avait pas prévu.
Il replie son journal. Il se lève, va jusqu’à la fenêtre, écarte le rideau.
– Décidément, la nuit tombe de plus en plus tôt.
Il s’étire. Bâille.
– Je monte me coucher, chère amie. Je vous souhaite le bonsoir.

Les marques sont toujours là. Marques qui se sont estompées. Dont les couleurs se sont altérées. Toujours du rouge, mais aussi par endroits, par petites touches, du grenat, du noir, du jaune, du bleuté.
Elle appuie. Elle enfonce ses doigts. La douleur n’est plus la même. Moins vive. Moins intense. Mais plus sourde. Plus ancrée.
Elle sourit. Il a aimé, Gontran, que ses fesses soient zébrées. Tellement. Avec quelle ardeur il les a caressées, redessinées, pétries. ! Avec quelle passion il l’a prise  ! Il l’a comblée. Il l’a rendue folle. Elle l’aime.
Sa chemise retombe.
Elles s’effaceront, les marques. Non. Ah, non, non ! Elles ne partiront pas. Elle ne veut pas. Il y en aura d’autres. Beaucoup d’autres. Avant même que celles-ci aient disparu. Des marques incrustées dans sa peau plus profondément encore. Des marques qui le raviront. Qui lui donneront éperdument envie d’elle. Le fouet la cuira, la brûlera, la mordra, lui fera infiniment mal. Oui, elle sait. Tant pis. Ou tant mieux. Elle veut souffrir pour lui. Pour que son désir s’affole. Pour qu’elle s’en enivre. Et elle est prête à en payer le prix. Dès demain. Demain Sylvain la punira.

Elle se laisse doucement descendre à proximité du sommeil. Ses doigts font rouler les boursouflures sur ses fesses. Elle sourit. Elle est heureuse. Elle pense à lui. Elle est dans la grange avec lui. Elle est dans ses yeux.
Et elle s’endort tout contre lui.
Il est dans ses rêves. Des rêves doux et brûlants dont elle se refuse à sortir. Dans lesquels elle se pelotonne voluptueusement.
Et puis il y a quelqu’un dans son rêve. Quelqu’un qu’elle ne connaît pas. Qui brandit une cravache. Qui veut la fouetter. Elle s’affole. S’enfuir… Courir… Mais ses jambes refusent de lui obéir. On la saisit par un bras. Se débattre… Crier… Hurler… Elle n’y parvient pas.
– Faudrait savoir ce que vous voulez !
C’est alors qu’elle le reconnaît. Sylvain ! Elle pousse un immense soupir de soulagement. C’est Sylvain.
– Êtes-vous décidée à quitter ce jeune homme ?
Le quitter ? Ah, mais non ! Non ! Jamais de la vie. Il n’en est pas question.
– Alors Mademoiselle va être punie.
Elle ne proteste pas. Elle ne se dérobe pas. Elle s’agenouille, tend sa croupe vers lui. Elle s’abandonne.
Un premier coup tombe. Sèchement appliqué. Elle sursaute. Elle ferme les yeux. C’est pour lui. C’est pour Gontran. Elle est heureuse.
Les coups se succèdent. À toute volée. De plus en plus rapprochés.
Elle gémit. De plus en plus fort. Elle ondule.
Il s’arrête. Il est furieux.
– Ah mais non, non ! C’est une punition. Une punition !
Elle se réveille. En sursaut. C’est trempé entre ses cuisses.

lundi 7 janvier 2019

Une arrivée prématurée


Dessin de N.Carman

J’ai sonné. Une première fois. Une deuxième fois. Une troisième.
Elle a enfin ouvert.
– Eh bien, Ninette, aviez-vous donc résolu de me laisser dehors ?
Elle était écarlate, échevelée, la coiffe de travers. Et l’allure fautive.
– Oh, non ! Mais Madame n’attendait pas Mademoiselle si tôt. Elle est sortie.
– Et vous en profitiez pour recevoir quelque amoureux.
Elle a pris un air horrifié.
– Oh, non ! Non ! Je puis jurer à Mademoiselle…
– Vous mentez mal, Ninette. Très mal. Tout, dans votre tenue et dans votre attitude proclame haut et fort que j’ai interrompu vos ébats. Oh, mais nous l’allons trouver, ce galant. Nous l’allons trouver. Prenez mon bagage et suivez-moi !

J’ai parcouru les pièces, une à une.
C’est dans la chambre de ma sœur que la joute avait eu lieu. Le lit était défait, la fenêtre ouverte. À l’évidence, le maraud venait de s’enfuir par là en oubliant, dans sa précipitation, sa casquette sur une chaise.
Je la lui ai lancée au visage.
– Eh bien, aurez-vous encore le front de nier ?
Elle a gardé le silence, tête basse, les yeux rivés au sol.
– Que va faire Mademoiselle ?
– Et que voulez-vous donc que je fasse ? Prévenir bien évidemment ma sœur qu’en son absence vous batifolez dans son lit avec vos amants.
– Mais elle va me renvoyer !
– Assurément…
– Je supplie Mademoiselle de n’en rien faire.
– Je ne saurais y consentir. La faute que vous avez commise est d’une extrême gravité.
– Alors punissez-moi ! Punissez-moi, je vous en conjure. Mais gardez-moi le secret.
– Vous punir, Ninette ? Et comment donc ?
– Comme vous voudrez. Comme il vous plaira.
– Une fessée alors…
– Si Mademoiselle estime que je l’ai méritée…
– Vous l’avez amplement méritée. Reconnaissez-le au moins !
– Oui.
– Très bien. Alors venez là ! Là… Près de la table. Et penchez-vous !
Elle l’a fait. De bonne grâce. J’ai relevé la robe, baissé la culotte. Et poussé un long grognement de satisfaction.
– Hum ! Que voilà une croupe comme je les aime ! Dodue à souhait. Rebondie que c’en est un plaisir. Et d’une blancheur d’albâtre. Ah, il doit se régaler, votre amoureux !
Et j’ai lancé une première claque. Qui l’a fait sursauter.
– Ah, c’est excitant, hein, de forniquer dans le lit de sa maîtresse !
Une deuxième. Une troisième.
– On y éprouve des sensations d’une intensité ! C’est l’extase. Le bonheur absolu. Non ?
Une dizaine. En pluie. En rafale.
– Mais si ! Bien sûr que si ! Vous avez planté furieusement vos ongles, de plaisir, dans les chairs de votre partenaire. Et crié comme une perdue. Ce que vous allez recommencer à faire. Et sans tarder.
Et j’ai tapé. Fort. Débondé. Libéré. À plein régime.
Elle a hululé. Piaillé.
– Ah, ben voilà ! J’aime. Beaucoup. Infiniment. Encore ? Allez, encore !
Feulé. Beuglé.
– Vous savez que avez une voix ravissante quand vous la laissez pleinement s’exprimer. Et que votre croupe est maintenant d’un rouge profond du plus bel effet. Comme sans doute votre petite frimousse. Faites voir… Ah, si, si ! Faites voir ! Effectivement, oui. C’est ravissant. Ah, on a passé un excellent moment toutes les deux, hein ! Oh, mais on recommencera. Bientôt. Très bientôt. Je vous le promets. En attendant, allez vite changer les draps de son lit avant que ma sœur ne rentre…

samedi 5 janvier 2019

Les fantasmes de Lucie (33)


Dessin de Lewis Bald


– Sa Majesté arrive !
– Sa Majesté approche !
– Sa Majesté est là.
Elles s’égaillent toutes. Volée de moineaux. Elles quittent précipitamment les champs. Elles quittent les lavoirs. Elles quittent les rues. Elles se réfugient où elles peuvent. Le plus vite possible. Chez elles. Dans des granges de hasard. Dans des fourrés qui se trouvent opportunément là. Elles se cachent, terrifiées.
C’est qu’avec l’âge Sa Majesté éprouve désormais le besoin de raviver ses ardeurs. Et que, pour ce faire, quand il se rencontre sur sa route quelque jouvencelle esseulée, il la prend en chasse. Il la capture. Il l’emporte avec lui. Et il la fait fouetter. Pour son plus grand plaisir. Et celui de la reine, son épouse, à laquelle il se trouve alors en état de rendre des hommages ardents et réitérés tout au long de la nuit.
Elles sont trois, imprudentes ou malchanceuses, à y avoir jusqu’à présent eu droit. Manon qui a pleuré pendant trois jours, Jeanne qui n’a pas voulu en parler à qui que ce soit et Guillemette qui nous a discrètement montré ce qu’il en était, le lendemain, derrière une meule de foin.
Personne ne le sait, mais, parfois, je m’imagine à leur place. Je me lance, en secret, sur les fesses, de grands coups de badine. C’est étrange. Ça fait mal et pas mal en même temps. Je recommence. Souvent. Mais en vrai ? Ça fait quoi en vrai ? Quand c’est quelqu’un d’autre qui tape ? Et surtout, quand ça a lieu devant lui ?

– Sa Majesté arrive !
On a crié, là-bas, au loin.
– Le roi ! Le roi !
J’ai envie. Et pas envie en même temps. Mais plus envie que pas envie.
J’ai très bien pu ne pas entendre. Je poursuis ma route. Ça poudroie à l’horizon. Ce n’est que quand je peux apercevoir distinctement les chevaux que je me mets à courir. À perdre haleine. Sans me retourner. On va me rejoindre. On va forcément me rejoindre. Ça se rapproche. Ça se rapproche de plus en plus. J’oblique dans un pré. On est derrière moi. Tout près. On se saisit de moi. À la volée. Je me débats. En vain. On me hisse sur un cheval. Celui du roi. Je suis contre lui. Le roi… Qui me soulève le menton du bout de l’index. Qui m’oblige à le regarder.
– Jolie petite frimousse…
On repart au galop…

C’est une grande salle. Il y a une estrade et un trône sur lequel Sa Majesté monte aussitôt s’installer.
– Faites votre office !
Ils le font. Trois gardes. Je me débats. Pour la forme. On me lie les chevilles ensemble. On les fixe à un anneau encastré à même le sol. Mon ventre repose sur une fourche-chevalet à laquelle on m’arrime avec une ceinture. Je repose sur les bras. Mes poignets sont, eux aussi, enchaînés à deux anneaux fichés dans le carrelage.
Le grand sénéchal s’approche en faisant claquer son fouet.
– Tu sais que tu es absolument charmante ainsi, ma mignonne, le croupion en l’air ?
Sa Majesté ne me quitte pas des yeux.
Le fouet se lève. Il va s’abattre.
– Non ! Attendez !
C’est la reine.
– Je vais me charger moi-même de punir cette péronnelle.
– Vous, ma mie ? Vous m’en voyez ravi. Faites ! Faites donc !
Elle fait. Elle y met tout son cœur. Je crie. Elle s’interrompt. Le temps que quelqu’un me relève ma robe. Et ça tombe sur ma peau nue. Brûlant. Cuisant. Mordant.
Pour le plus grand ravissement de Sa Majesté.
– J’adore le claquement du fouet en action.
Et celui de la reine.
– Comme elle chante bien, vous ne trouvez pas ?
Il trouve aussi, oui.
Il se lève, il s’approche, il la prend par la taille. Elle laisse tomber le fouet. Ils s’éloignent, enlacés. Disparaissent derrière un rideau.
Il la prend. Ils jouissent. Pleinement. Moi, aussi.

jeudi 3 janvier 2019

Les fessées de Blanche (9)


Elle se regarde, par-dessus l’épaule, dans sa psyché.
C’est inscrit en rouge flamboyant sur toute la surface.
Il n’y est vraiment pas allé de main morte.
Ben, c’est toi qui lui as demandé !
Oui, mais pas de taper comme un sourd !
T’avais pas précisé…
Ça coulait de source.
Elle hausse les épaules. Elle sourit. Elle suit la ligne d’une cinglée rougeoyante, du bout du doigt. L’y enfonce. Plus fort. Plus loin.
– Aïe !
Pas question, en tout cas, que, pour le moment, Pierre l’approche. Mais c’est quelque chose qu’il ne lui demandera pas, elle en est sûre, avant plusieurs mois.

Elle est couchée sur le ventre. Elle ne dort pas. Il y a un cœur brûlant qui lui bat dans les fesses. Douloureux, mais pas vraiment désagréable. Elle ferme les yeux. C’est pour Gontran. C’est pour lui. Elle est heureuse. Apaisée.
Et elle a honte. Tellement honte. Fouettée. Par un serviteur. Même si c’est Sylvain. Qu’elle connaît depuis des années. Qui était déjà au service de ses parents. Surtout parce que c’est Sylvain. Comment a-t-elle pu ? Elle repousse les images. Elles reviennent. Comment elle s’est trémoussée ! Elle rougit. Quel spectacle obscène elle lui a offert ! Et comment elle a crié ! Sans la moindre pudeur. Sans la moindre retenue. Honte… Oh, oui, honte ! Mais cette honte, elle est… Non, ne dis rien ! Elle ne veut pas savoir. Elle ne veut pas !

Sylvain l’aide à mettre le pied à l’étrier. À enfourcher Flamboyant.
Elle grimace.
Il arbore un air faussement inquiet.
– Quelque chose ne va pas, Mademoiselle ?
Elle baisse les yeux.
– Si, si ! Tout va bien.
Et elle éperonne. Il la laisse caracoler un bon moment devant lui et puis, le chemin s’élargissant, il vient à sa hauteur.
– Madame a réfléchi ?
– Réfléchi ? Mais à quoi donc ?
– À ce qu’elle compte faire…
Ce qu’elle compte faire ?
– Pour ce monsieur…
Mais rien. Rien de spécial. Rien du tout.
Il insiste.
– Si une faute se répète… Ou se prolonge…
Elle ne répond pas.
Quand elle lui tend les rênes, au retour, ses mains tremblent.

Gontran l’étreint. L’étouffe de baisers.
– Tu es fou…
– De toi, oui…
Et il lui dénude la poitrine, s’infiltre sous sa robe, s’empare de ses fesses, s’arrête brusquement, la regarde, interloqué.
– Qu’est-ce qu’elles ont ? Elles sont toutes chaudes. Fais voir !
Elle veut l’en empêcher. Un peu. Pas vraiment. Pour la forme.
– Ah, si ! Si ! Fais voir !
Il les découvre, se penche sur elles.
– Eh, ben dis donc !
Il y promène une main.
– Ton mari ?
Il n’attend pas la réponse.
Il la veut. Davantage encore que d’habitude. Elle est à lui.