Dessin
de Louis Malteste.
– Un
fantôme ? Mais ça n’existe pas, les fantômes, ma pauvre
Amélie !
– Ah,
si ça existe, si ! Même que ça fait trois nuits qu’il me
rend visite, celui-là.
– Ben,
voyons !
– Oh,
mais il est pas méchant, hein ! Il a juste besoin de parler. De
vider son sac.
– Et
il te raconte quoi, on peut savoir ?
– Qu’il
a été assassiné, ici, dans cette maison, il y a près de deux
siècles et demi et que, depuis, il est condamné à y errer sans
pouvoir trouver le repos. À moins qu’une âme charitable ne
consente à lui porter assistance.
– Et
comment donc ?
– Il
m’a pas dit. Mais il me dira, il m’a promis. D’autant… qu’il
aimerait bien que ce soit moi qui lui rende ce menu service.
– Alors ?
– Alors
quoi ?
– Ben,
ton fantôme ! Tu l’as revu ? Il t’a dit ?
– Oui.
Il veut me fouetter.
– Te
fouetter ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
– Une
femme aurait pu empêcher qu’il soit tué. Elle ne l’a pas fait.
Par lâcheté. Une autre doit expier, à sa place, de son plein gré.
Faute de quoi, il ne retrouvera jamais sa tranquillité.
– Et
donc, tu vas gentiment lui offrir ton petit derrière à claquer.
– Il
me fait pitié. Il est si malheureux.
– La
tête te joue vraiment des tours, toi, hein !
– Tu
me crois pas ?
– Ce
que je crois surtout, c’est que t’as beaucoup d’imagination et
que les histoires que t’inventes, tu finis par y croire toi-même.
Et que t’aurais besoin de repos. De beaucoup de repos. Ou d’une
cure d’ellébore.
– Et
ça ? Je l’ai imaginé, peut-être ?
– Oh,
là ! T’as les fesses dans un état !
– Elles
peuvent. Parce que comment il a tapé fort ! Et longtemps.
C’était interminable. J’en pouvais plus à la fin.
– Mouais…
Je voudrais pas te décevoir, mais, à mon avis, ton fantôme, il n’a
de fantôme que le drap. Il est bien vivant. En chair et en os. Je
crois même pouvoir te dire qui c’est.
– Le
dis pas ! Je t’en supplie, le dis pas !
– T’as
pas reconnu la voix ?
– Non.
C’est quelqu’un qui la déguise. Elle est toute caverneuse.
– Tu
veux vraiment pas savoir ?
– Non.
Ça peut être qui j’ai envie que ce soit comme ça.
– Juste
une chose alors… Continue à ne pas fermer ta porte à clef la
nuit. Des fois qu’il faille plusieurs séances pour qu’il puisse
jouir enfin d’un repos bien mérité.