lundi 29 juillet 2019

Entre cousines (3)



Tableau d’Henri Lebasque

– Alors ?
Elles se sont précipitées à ma rencontre.
– Alors ? Il te l’a fait ?
Oui, il me l’avait fait. Oui. Évidemment qu’il me l’avait fait.
– Pendant tout ce temps-là ? Eh ben, raconte, quoi ! C’était bien ?
– Bien ? C’était grandiose, vous voulez dire !
– Mieux que quand c’est nous ?
– Ça n’a rien à voir.
– Il te l’a fait, mais il te l’a fait… les fesses toutes nues ?
Éléonore s’est agacée.
– Forcément les fesses toutes nues. C’est pas une vraie fessée sinon. Oh, mais laisse-la raconter. Tu l’interromps tout le temps.
Bon alors… il avait voulu que je me déshabille.
– Tout entière ?
Ben oui, tout entière, oui. Et il m’avait regardée faire. Avec des yeux, mais des yeux ! Vous auriez vu ses yeux ! Et puis après, il m’avait attrapé les poignets. Les deux. Il m’avait couchée en travers de ses genoux, bien calée contre lui. Et il avait tapé. Tout doucement au début. Je sentais presque rien. Mais de plus en plus fort. Une fesse après l’autre. Vraiment fort. Tellement fort que j’avais pas pu m’empêcher de crier. Et de gigoter. De lancer les jambes dans tous les sens. Même qu’il avait été obligé de me dire de rester tranquille. Avec une voix en colère. Et que ça lui avait fait de l’effet parce qu’il était devenu tout dur contre ma cuisse d’un coup. Et à moi aussi ça en avait fait. De le sentir. De me dire que c’était le valet de chambre d’oncle Charles et qu’il était en train de me donner une fessée carabinée. Elle s’étendait partout la chaleur. Elle me rentrait dedans de tous les côtés. Et alors…
– T’as eu envie…
– Et pas qu’un peu.
– Et tu t’es mis les doigts. Comme on le fait des fois quand c’est nous.
– Même pas, non. C’est venu tout seul. Rien qu’à être contre sa cuisse.
– Il s’est rendu compte ?
– Ah, ben ça ! Vu comment ça m’a chavirée.
– Qu’est-ce qu’il a dit ?
– Rien. Il a rien dit. Il m’a juste laissé la main sur la fesse. Tout le temps que ça m’a duré. Et même après. On est restés comme ça un bon moment. J’étais bien. Si bien. Mais il a bien fallu que ça finisse par finir.
– Peut-être que vous recommencerez ?
– Si ça tenait qu’à moi…

Le soir, après dîner, elles m’ont rejointe dans ma chambre.
– Tu fais voir ?
Elles se sont penchées sur mon derrière, me l’ont examiné avec curiosité.
– C’est pas plus rouge que quand on se le fait, nous, finalement.
– Oui. D’un homme, moi, j’aurais pensé que ce le serait beaucoup plus.
– Non, mais attendez ! Il allait pas me le démolir non plus.
Non. Évidemment. Mais c’était vraiment si bien que ça ?
– Ça s’explique pas. Faut l’avoir vécu.
Oui, ben justement ! Justement. À m’entendre raconter, elle se serait bien laissé tenter, Éléonore.
Alice, elle, elle savait pas.
– D’un côté, ça me tente bien, mais de l’autre pas du tout.
Éléonore a soupiré.
– Encore faudrait-il qu’il nous le propose.
– Peut-être qu’elle lui a suffi, Anne.
– Qu’avec nous, ça lui dit rien.
– Oui, mais…

Je les ai laissé discuter. Je me suis levée. Je suis allée jusqu’à la fenêtre, dissimulée derrière les volets. Il allait passer. C’était son heure. Il allait passer.

samedi 27 juillet 2019

Les fantasmes de Lucie (62)



Dessin de Georges Topfer

Il a voulu faire la connaissance de Cordelia.
– Que je voie à quoi elle ressemble cette fameuse copine.
Et il a attaqué d’emblée. À peine le temps de dire bonjour. De s’asseoir.
– Alors comme ça, c’est vous ! C’est vous qui flanquez des fessées à Lucie quand elle n’est pas sage ?
C’était elle, oui !
– Je n’en crois pas un mot.
– Pardon ?
– Vous êtes de mèche, toutes les deux. Ça saute aux yeux. Vous couvrez qui ? C’est qui le charmant jeune homme qui lui tambourine allègrement le popotin derrière mon dos ?
Elle a levé sur lui des yeux stupéfaits.
– Hein ? Mais personne !
– Prenez-moi bien pour un imbécile ! Vous croyez que je vois pas clair dans votre petit jeu ?
Et moi c’était dans le sien que je voyais clair. Je discernais parfaitement où il voulait en venir…
Il a enfoncé le clou.
– Vous feriez beaucoup mieux d’avouer…
J’ai adressé un discret signe d’intelligence à Cordelia.
Qui a tout aussitôt adopté un petit air contrit.
– C’est pas ma faute…
– Ben voyons !
– Si, c’est vrai, hein !
– Je veux pas le savoir. Je veux pas savoir qui a demandé quoi à qui. Qui a proposé quoi à qui. À mes yeux vous êtes aussi coupables l’une que l’autre.
Elle a baissé la tête.
– Et ce que vous mériteriez, toutes les deux, c’est une bonne fessée, tiens !
Il a marqué un court temps d’arrêt.
– Que je vais d’ailleurs vous donner.
Elle a supplié.
– Oh, non, non ! Pas la fessée !
– Parce que vous ne la méritez pas peut-être ?
Elle l’a fait venir de loin. De très très loin.
– Si !
– Eh bien alors !

Il s’est levé.
– On se déshabille. Toutes les deux. Et on ne discute pas.
Sur un ton qui ne souffrait pas la moindre réplique. Ce ton que j’aime tant. Qui me fait naître des frissons dans le bas du dos. Battre le cœur plus vite.
C’est moi qui ai commencé. En prenant tout mon temps. En repliant un à un mes vêtements. En les déposant, l’un après l’autre, sur le grand fauteuil, près de l’entrée. Il m’a regardée faire. Il a regardé faire Cordelia. Il nous a laissées nues, tête basse, un long moment devant lui. Et puis…
– C’est ensemble que vous faites vos petits coups en douce, alors c’est ensemble que vous allez être corrigées. Venez !
Il nous a emmenées dans la chambre voisine. Nous a poussées devant la grande glace en pied, tout au fond.
– Vous serez bien là ! Vous allez pouvoir vous regarder recevoir votre punition.
Avec un petit rire.
D’instinct, on s’est enlacées, Cordelia et moi. On s’est pressées l’une contre l’autre, flanc contre flanc.
C’est aussitôt tombé. Au martinet. À pleines fesses. Une fois l’une. Une fois l’autre. Ou les deux ensemble. Ça nous a fait sautiller dans la glace. D’un pied sur l’autre. De plus en plus haut. On n’a pas pu s’empêcher. Ça nous a fait ballotter les seins. Ça nous a fait grimacer. On a gémi. On a crié. Cordelia a enfoncé ses ongles dans ma hanche, a laissé tomber sa tête sur mon épaule. C’est tombé plus vite. C’est tombé plus fort. Et elle a joui, ses yeux dans les miens. Moi aussi. Juste comme elle finissait. Dans de grands râles.

jeudi 25 juillet 2019

Fessées punitives (13)


Il n’empêche que ça marchait. Ça marchait vraiment sa méthode au type, sur Internet, pour gagner au Keno.
Océane se voulait sceptique.
– Ouais ! Et le jour où tu voudras jouer pour de bon, tu te ramasseras en beauté.
Non, mais elle avait rien compris, là. Il était absolument hors de question que j’aille miser, ne fût-ce qu’un seul centime, sur quoi que ce soit. Je savais trop bien à quoi je m’exposais et je n’avais pas la moindre envie d’aller tenter le diable.
Dans ces conditions, effectivement…
Et elle s’est penchée, avec moi, sur les savants calculs qui permettaient à cet ingénieur de profession de faire de si substantiels bénéfices.
– C’est quand même impressionnant !
– Quand je te le disais !

Elle a fini par constituer tout un dossier.
– Regarde ! Non, mais regarde ! En jouant dix euros par jour, sur un mois, c’est quatre-vingts euros qu’on se serait mis dans la poche. Et sur trois mois quasiment quatre cents. Tu te rends compte ?
Bien sûr que je me rendais compte. J’étais bien placée pour.
– Et si ?
– Oh, non, Océane, non. J’ai promis à Julien de jamais y retoucher. Jamais.
– Il le saura pas. Comment tu veux ? Suffit qu’on mette une petite somme au départ. Disons cinquante euros chacune. Ça va pas chercher bien loin. On risque pas grand-chose.
J’ai résisté.
– Non, Océane, non.
Plus d’une semaine. Et puis…
Et puis j’ai craqué. On a joué. Un mois durant. Un mois au terme duquel on n’avait ni perdu ni gagné. Où on s’était contentées de récupérer nos mises.
Océane jubilait.
– Tu vois ! Tu vois ! Il s’aperçoit de rien. Et ça se passe pas si mal finalement. J’en étais sûre. Le mois prochain, on est bénéficiaires. C’est comme si c’était fait.

Et j’y ai repris goût. J’ai repris goût à cette impatience si particulière, si jubilatoire de l’attente du résultat. À ces poussées d’adrénaline quand il est là, à portée de main, qu’il ne s’en faut plus que de quelques secondes pour qu’il soit dévoilé, pour qu’on sache. À cette exaltation qui s’empare de vous quand vous réalisez que oui, ça y est, vous avez gagné.
Alors… Alors trois fois je suis passée devant. Trois fois. Et, la quatrième, je suis entrée. En me traitant de folle. En me jurant que c’était exceptionnel. Que ça le resterait. Et j’ai couru tout droit, le cœur battant, à la table de roulette. J’y ai passé deux heures. Deux heures de pur bonheur.

J’y suis retournée le lendemain. Et le surlendemain. Et les deux jours suivants.
Je n’ai pas osé demander à Océane. Qui m’aurait soufflé dans les bronches.
Et j’ai sollicité Émilie.
– Tu pourrais pas me prêter trois cents euros ? Juste pour quelques jours. Je te les restituerai mardi. Sans faute.
Elle n’a pas été dupe. Elle a refusé.
– Ce serait te rendre le plus mauvais des services.
Je n’ai pas pu non plus convaincre Bérengère.
– Désolée, mais je suis vraiment ric-rac en ce moment.
J’allais me tourner, en désespoir de cause, et avec un profond sentiment de culpabilité, vers une société de crédit quand, le soir même…
– Dis-moi, Lucile, tu faisais quoi au casino jeudi dernier ?
– Au casino ? Jeudi ? Mais rien, Julien, rien, je t’assure…
– Quelqu’un t’a vu pourtant.
– Quelqu’un ? Qui, ça ?
– Ça n’a pas d’importance qui.
J’ai rendu les armes. En minimisant.
– C’était juste une fois. Comme ça.
– Tu sais ce qui t’attend.
Je savais, oui.

lundi 22 juillet 2019

Entres cousines (2)



Tableau de Thomas Eakins

À nous de voir.
Oui, ben c’était tout vu, elle trouvait, elle, Alice.
– Parce qu’avec un homme, ce serait quand même pas pareil. Vous voudriez qu’il vous voie toutes nues, vous ? Mais je mourrais de honte, moi ! Sans compter qu’avec eux, on sait jamais comment les choses peuvent tourner. Ah, non ! Non ! Alors là, vous faites ce que vous voulez, mais moi, pas question.
Pour Éléonore aussi, c’était tout vu, mais dans l’autre sens. Parce qu’elle avait pas du tout envie, mais alors là pas du tout, que tout le monde soit au courant. Et surtout pas Louis, son amoureux.
– Il comprendrait pas. Il me trouverait vicieuse. Et il voudrait plus de moi.
Alors, à tout prendre, elle préférait encore, et de loin, en passer par les exigences de Lambert. Quoi qu’il doive lui en coûter.
– Parce qu’il mettra ses menaces à exécution sinon, je le connais.
Elles se sont tournées vers moi.
– Tu dis rien, Anne ?
Moi ? Oh, moi ! Moi, ce que j’en pensais, c’est que, finalement, ça devait pas être si mal que ça avec un homme. Et même sûrement mieux que juste entre filles. Que ça valait le coup d’essayer en tout cas.
– T’es folle ! Elle est complètement folle.
J’étais peut-être folle, mais ça les arrangeait bien.
– Parce que s’il en reparle…
– Et il en reparlera sûrement.
– Le mieux alors, ce serait que ce soit toi qui y ailles.
– Tu nous dirais comme ça.
– Oui… Et puis peut-être qu’une, ça lui suffirait finalement.

N’empêche qu’il était bel homme, le valet de chambre d’oncle Charles. Je le suivais discrètement des yeux tandis qu’il vaquait aux exigences de son service. Très bel homme. Et il avait de ces mains ! Elles me faisaient craquer, ses mains. J’y pensais le soir, dans mon lit. J’y pensais et je les imaginais s’abattant voluptueusement sur mon fessier, y laissant des marques rougeoyantes que je contemplais, les jours suivants, dans la psyché, avec ravissement.

C’est arrivé un mardi. On était toutes les trois dehors. Sous la tonnelle.
Il s’est approché.
– Alors ? Ces demoiselles ont réfléchi ?
Elles avaient réfléchi, oui.
– Et elles sont arrivées à quelle conclusion ?
Que s’il n’y avait pas d’autre solution…
Il n’y en avait pas, non. Et mieux valait battre le fer tant qu’il était chaud. Et donc. Donc…
– Par laquelle de ces demoiselles on va commencer ?
Éléonore et Alice se sont tournées vers moi. En même temps.
– Mademoiselle Anne, on dirait. Eh bien, venez, mademoiselle Anne !
Je suis venue. Je me suis levée et je l’ai bravement suivi. Même si je n’en menais pas large. Parce que ça paraissait facile de loin. C’était tentant. Séduisant. Très. Mais maintenant que j’étais au pied du mur…
Il m’a emmenée jusqu’au petit pavillon. Le domaine, depuis toujours, d’oncle Charles. Il en avait la clef. On est entrés.
– Et maintenant ?
Je n’ai pas soutenu son regard. J’ai baissé les yeux.
– Hein ? Et maintenant ?
Il a laissé le silence s’éterniser entre nous. Et puis…
– Je n’aurai pas la cruauté de vous imposer cette épreuve, mademoiselle Anne. Allez, rejoignez vite vos cousines.
– Oh, non !
Un cri. Sorti tout seul. Je suis devenue écarlate.
– Non ?
Il m’a soulevé le menton, du bout du doigt.
– Déshabille-toi alors !
Et je l’ai fait. Et je me suis regardée me déshabiller dans ses yeux.

(à suivre)

samedi 20 juillet 2019

Les fantasmes de Lucie (61)



Dessin de Georges Topfer

Il a levé sur moi un regard surpris.
– Tu veux pas ?
Mais si je voulais bien. Si ! Une fessée, moi, j’étais toujours partante.
– Eh ben, alors !
– C’est que… C’était pas prévu qu’on se retrouve aujourd’hui.
Il a froncé les sourcils.
– Je vois pas ce que ça change.
– Ça change…
Je me suis agitée sur ses genoux.
– Ça change que j’ai vu ma copine hier soir. Cordelia.
– Je vois toujours pas.
– Et… Tu vas te fâcher.
– Mais non.
– Promis ?
– Promis.
– Elle m’a donné une fessée.
– Ta copine ?
– Oui.
– Fais voir !
Il m’a relevé haut ma robe. Il m’a baissé ma culotte.
– Ah, oui, dis donc ! Et elle a pas fait semblant.
Il a doucement passé la main. Sur toute la surface. C’était doux. C’était bon. Il l’a glissée entre mes fesses. Je me suis imperceptiblement soulevée.
– Tu es sûre ?
– De quoi donc ?
– Que c’était bien une copine.
Jaloux. Il était jaloux. Je me suis entrouverte davantage encore. Heureuse.
– Oh, oui, Victor, oui ! Je te jure. Cordelia.
– Tu me la présenteras.
– Quand tu voudras.
– Et c’était quoi, la raison de cette fessée ?
Que j’étais en train de tomber amoureuse de lui, ça, je pouvais pas lui dire. Alors trouver quelque chose, vite. Vite.
– Qu’elle m’a attendue le week-end dernier. Que je suis pas venue. Et que je l’ai pas prévenue.
– Mais tu sais que c’est pas bien du tout, ça !
– J’étais avec toi.
– Et ça t’empêchait de la prévenir ?
– J’y ai pas pensé.
– Et c’est souvent ?
– Quoi donc ?
– Qu’elle t’en donne des fessées ?
Lui dire que c’était la première fois ? Il ne m’aurait pas crue.
– De temps en temps.
– Et pourquoi ?
– Oh, plein de choses. Ça dépend.
– Jamais tu m’en as parlé.
– J’osais pas.
– Ça mérite, ça. Et pas qu’un peu.
Ça méritait, oui.
– Par dessus l’autre ça va faire mal. Très très mal.
– Je sais, oui.
J’ai fermé les yeux. Très mal. Et beaucoup de bien. J’étais déjà trempée.
Sa main s’est abattue. J’ai gémi.

jeudi 18 juillet 2019

Fessées punitives (12)


Bérengère en était encore toute retournée.
– Comment elle a pris cher, Émilie ! Elle avait les fesses dans un état à la fin, mais dans un état ! Vous avez vu ça ? Un vrai brasier. Elle va pas pouvoir s’asseoir d’un moment, ce qu’il y a de sûr. Non, une comme ça, comment j’aurais pas aimé me la ramasser, moi ! Qu’est-ce qu’elle a braillé, en plus, en attendant ! Du bout de la rue, on devait l’entendre. Et l’autre, là, son Étienne, vraiment aucune pitié, hein ! Au contraire. Plus elle s’époumonait et plus il la martelait fort, on aurait dit.
– C’était pas qu’une impression…
– Je me disais bien aussi… Et puis alors qu’est-ce qu’elle a gigoté ! Oh, mais je l’incrimine pas, hein ! Sûrement qu’à sa place j’aurais fait pareil. Mais n’empêche qu’à battre des jambes et à tressauter du derrière à tout-va, comme elle faisait, t’ignorais plus rien du tout de comment elle était faite. S’il y avait eu des mecs…
– Il y en avait pas.
Mais le pire, ce qu’elle avait trouvé de pire…
– C’est quand il l’a envoyée au coin, les mains sur la tête. Rester comme ça, toute nue, les fesses cramoisies devant tout le monde, j’aurais pas pu, moi ! Je serais morte de honte. Et c’est que ça a duré en plus ! Au moins une heure, non ?
– Presque.
– Pendant qu’il discutait avec nous, tranquille, l’autre. Et après ! Quand il l’a obligée à réciter ce truc en anglais, là, tournée vers nous ! Qu’elle en savait pas la moitié. Qu’elle trébuchait sur tous les mots. Qu’elle pataugeait lamentablement. Et qu’il lui a dit qu’il lui laissait jusqu’à demain pour savoir tout ça sur le bout des doigts. Que, sinon, il lui en remettrait une couche. Là aussi…
Elle a longuement farfouillé dans son sac, en a sorti un petit miroir, a vérifié l’état de son rouge à lèvres.
– J’espère en tout cas que personne n’aura la lumineuse idée d’aller raconter cette petite séance à Clément.
– Qui tu veux ? Sûrement pas elle.
– Et pas nous non plus.
– Non, parce que je le connais. D’ici à ce que ça aille lui donner des idées.
À propos, tiens, d’ailleurs, elle lui avait parlé ? Elle lui avait dit pour ce type ?
Elle a poussé un profond soupir.
– Pas encore, non. C’est pas facile.
– Tarde pas trop ! Parce que si c’est lui qui découvre…
– Je sais bien, oui.

On l’a regardée s’éloigner sur le trottoir.
– Elle le fera pas.
C’était bien aussi mon avis.
– Elle va reculer les échéances au maximum. Quitte à prendre des risques insensés. Tant la fessée la terrifie.
Océane a souri.
– Moi, je crois que ce qui la terrifie surtout, c’est de devoir la recevoir devant nous. Parce qu’il va lui falloir admettre ce qu’elle soupçonne depuis un bon moment déjà. Sans vouloir vraiment se l’avouer. C’est qu’elle aime ça.
– Oh, tu crois ?
– Pas vraiment la fessée en elle-même, non, mais la honte qui va avec. Tu l’as bien entendue tout-à-l’heure. Ce qui la fascinait, c’était qu’il l’ait mise au coin, Émilie, qu’il l’y ait laissée, qu’il l’ait humiliée devant nous en lui faisant réciter ses leçons comme une gamine de sept ans. T’as pas fait attention, toi, là-bas, sur le moment, mais moi, si ! Je l’ai pas quittée des yeux. Et je peux te dire qu’elle était aux anges.
– Ce qui ne signifie pas forcément qu’elle aimerait être à sa place.
– Je suis bien convaincue que si. Même si elle ne le sait pas encore.

lundi 15 juillet 2019

Entre cousines



Ça a commencé parce qu’Alice a voulu lire la lettre qu’Éléonore avait reçue de son amoureux. Qu’elle a essayé de la lui prendre. Elles se la sont disputée en riant. Et, pour finir, Alice est tombée sur le lit et Éléonore lui a donné cinq ou six claques sur les fesses. Toujours en riant. Et a repris sa lettre.
Et puis, quelques jours après, ça a été moi. Sur les fesses d’Éléonore, cette fois. Parce qu’elle s’était servie, sans me demander, de ma bouteille de parfum. Toujours en riant.
Et c’est, très vite, devenu un jeu entre nous. On saisissait n’importe quel prétexte, on en inventait même, pour se mettre des claques sur les fesses. De plus en plus fort. Et de plus en plus longtemps. On aimait bien. Surtout Alice. C’était sans arrêt qu’elle voulait qu’on lui en donne.
– Ça me fait trop de drôles de choses.
On ne se faisait pas prier. Nous aussi, ça nous en faisait. D’en donner comme d’en recevoir.

Ce qu’elle se demandait quand même, Éléonore, c’est ce qu’on pouvait bien ressentir quand c’était sur les fesses toutes nues.
– Non, parce que c’est toujours à travers les habits qu’on se le fait.
Le mieux, pour savoir, elle trouvait que c’était encore d’essayer, Alice.
Oh, ben oui, pourquoi pas ? Entre cousines, on pouvait bien. Et puis personne le saurait n’importe comment.
Et on le lui a fait à Éléonore. Pas trop longtemps. Parce que ça devenait tout rouge. Mais elle a voulu qu’on continue quand même.
– Arrêtez pas ! Arrêtez pas !
Et qu’on tape plus fort. Bien plus fort.
– Allez-y ! Allez-y !
Elle en voulait, elle en a eu. De bon cœur on y est allées. Même qu’on en avait mal aux mains à force à la fin.
– Comment c’était trop bien, les filles !
Elle en avait la figure aussi rouge que le derrière.
– Vous devriez essayer…
Essayer ? On demandait pas mieux, nous.
Et Alice nous a offert son derrière. Qu’on a tambouriné à qui mieux mieux. Elle a gémi, elle a battu des jambes dans tous les sens, mais elle a pas voulu qu’on arrête non plus.
Moi aussi. Leurs mains se sont acharnées sur moi. Ça cuisait. Ça brûlait. De plus en plus au fur et à mesure qu’elles tapaient. Elle irradiait partout, la chaleur. Elle rentrait loin dedans. Elle s’étendait au large. C’était pas désagréable du tout. C’était même agréable. Très agréable. Très très agréable.

On a recommencé. Souvent. Presque tous les jours. Quand il y avait personne. Parce qu’on en faisait de plus en plus du bruit. En tapant, mais surtout en criant. Ou bien alors on allait à la grange. On était sûres d’être tranquilles là-bas. Sauf que ça s’est su quand même. Le valet de chambre d’oncle Charles. Un jour qu’on venait de se le faire. Qu’on était assises toutes les trois, les fesses brûlantes, sur le canapé, près de la cheminée. Il nous a capturées dans son regard. Et menacées du doigt.
– C’est très vilain ce que vous faites là, Mesdemoiselles ! Des grandes filles comme vous ! Vous n’avez pas honte ?
On est devenues écarlates.
– Vous mériteriez d’être punies pour ça.
Il s’est retourné sur le pas de la porte.
– Vous le serez d’ailleurs. À moins que vous ne préfériez que tout le monde soit au courant ? À vous de voir…

(à suivre)

samedi 13 juillet 2019

Les fantasmes de Lucie (60)



Dessin de Dagy


Cordelia m’a écoutée jusqu’au bout. Avec beaucoup d’attention. Sans m’interrompre.
– Alors ? Qu’est-ce t’en penses ?
Elle a haussé les épaules.
– Qu’est-ce tu veux que j’en pense ?
– Deux fois il a dit « on » en parlant de nous. Deux fois. Ça veut dire quoi à ton avis ?
– Que t’es en train de te faire un film, là…
– Mais non, mais…
– Bien sûr que si ! Et en mode love story, s’il vous plaît.
– Je sais pas.
– Eh bien moi, si ! Ça t’a pas suffi, les autres fois ?
– C’était pas pareil.
– Tu parles ! Tu tenais exactement le même discours. Exactement. De toute façon, toi, dès qu’un type entre un tant soit peu dans tes fantasmes, qu’il t’en fait vivre trois ou quatre, ça y est, c’est l’homme de ta vie…
– Quand même pas…
– C’était pas ça avec Julien peut-être ? Et avec Kevin ? Et avec Louis ? Chaque fois t’étais tout feu tout flamme. Il te comprenait là où c’était important pour toi. Et tralali et tralala… Faut vraiment que je te rappelle comment ça s’est terminé ? Comment ça se termine toujours ?
C’était pas la peine, non. Ça allait comme ça.
Elle l’a fait quand même.
– Crises de larmes. Désespoir. Trente-sixième dessous. Et qui c’est, au final, qu’est obligée de te ramasser à la petite cuillère ? C’est bibi. Chaque fois tu jures tes grands dieux que c’est la dernière fois et chaque fois tu remets ça. Tu peux pas t’empêcher. Mais laisse venir, bon sang ! Il y a des types avec qui ça se passe bien, tant mieux ! Profite ! Sans te bercer d’illusions. Le jour où on commence à attendre quelque chose d’un mec, c’est mort. Il le sent. Et il s’éloigne. N’attends rien ! N’espère rien ! Et si ça tombe, un jour, ça se fera tout seul. Tu te retrouveras en couple sans même t’en être rendu compte.
– Tu crois ?
– S’il y a une chance que ça arrive, en tout cas, c’est comme ça…

Elle s’est levée. A disparu à côté. En est revenue en brandissant un martinet.
– Qu’est-ce tu fais ?
– Tu te rappelles pas ?
– Non. Quoi ?
– Quand Loïc t’a larguée, tu m’as fait jurer de te flanquer une fessée comme jamais, si ça te reprenait de tomber amoureuse. Ce que t’es en train de faire. Et je tiens toujours mes promesses. Alors en piste ! Tu te mets sur le lit, le cul à l’air.
J’ai agrippé l’oreiller des deux mains, enfoui la tête dedans, serré les dents.
Comme jamais j’avais demandé.
Comme jamais elle a tapé.
J’ai crié. J’ai hurlé. J’ai bondi du derrière. Ça a duré… Duré…
Ça s’est enfin arrêté. Je me suis relevée.
– Tu sais quoi, Cordelia ? J’ai joui comme jamais.

jeudi 11 juillet 2019

Fessées punitives (11)


C’était Émilie au téléphone.
– Lucile ? Ça va ? Je te dérange pas ?
– Pas du tout, non. Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
– Tu pourrais te libérer ce soir ?
– Oh, oui. Sans problème. Pourquoi ?
– Parce que je vais y avoir droit. Devant vous trois. Comme convenu.
– Ah !
– Oui, oh, ça faisait un moment que ça me pendait au nez. Il y avait sacrément du laisser-aller depuis quelque temps. Et moi, quand c’est comme ça, faut me recadrer vite fait si on veut pas que ça parte complètement à la dérive. Il m’a pas prise en traître, je peux pas dire. Ça faisait près d’une semaine qu’il multipliait tant et plus les avertissements. « Attention, Émilie, attention ! Tu files un mauvais coton. » Je n’en ai tenu aucun compte. C’est tant pis pour moi.
– T’appréhendes pas trop ?
– Je suis comme vous toutes. J’ai horreur de ça, les fessées. C’est un très mauvais moment à passer. Pour plein de raisons. Mais je me sens tellement mieux après. Apaisée. Sereine. À nouveau en harmonie avec moi-même. Tout est rentré dans l’ordre. Et ils remontent en flèche, mes résultats, du coup. Alors…

C’est lui qui m’a ouvert. Un type à la soixantaine grisonnante. À la stature imposante. Au regard clair.
– Étienne. Vous êtes Lucile, j’imagine.
– En effet.
– Eh bien, entrez !
Il m’a fait asseoir.
– Elles sont là-haut. Elles vont descendre.
Il a pris place en face de moi. Il m’a fixée. Droit dans les yeux.
– Qu’à leur âge, elles se comportent en gamines écervelées, on peut encore, à la rigueur, le concevoir, mais au vôtre !
J’ai rougi. J’ai balbutié.
– Ça n’arrive plus. Ça n’arrivera plus.
– Oui, oh, alors ça !
Il s’est levé.
– Vous avez beaucoup de chance de ne pas avoir affaire à moi parce que je peux vous assurer que je vous ferais passer, une bonne fois pour toutes, l’envie de dilapider l’argent du ménage.
À mon grand soulagement, Émilie a fait son apparition en haut de l’escalier. Suivie d’Océane et de Bérengère.

Il lui a brandi une feuille sous le nez.
– C’est quoi, ça ?
– Mes résultats.
– Et ça ?
Elle y a jeté un rapide coup d’œil.
– L’historique de mon ordinateur.
– Qui est vraiment très instructif. Tu n’as vraiment rien d’autre à faire que de perdre ton temps, comme ça, en futilités ?
Elle a baissé la tête.
– Si !
– Déshabille-toi !
Elle a obéi. Elle a retiré ses vêtements, tous ses vêtements, un à un. Elle les a soigneusement pliés et déposés sur la petite table, près du radiateur.
Il l’a laissée là, entièrement nue devant nous, un long moment. Avant d’exiger d’un ton sec.
– Approche !
Il l’a saisie par le poignet, attirée en travers de ses genoux.

lundi 8 juillet 2019

Réception



Tableau de Sir Henri Cole

– Laquelle ?
– Celle du bout là-bas. En robe blanche à reflets roses.
– Tu sais qui c’est ?
– Non.
– La femme de Pérochon, le conseiller général.
– Ah, ben d’accord !
– Et tu dis que…
– Qu’elle était là la semaine dernière, oui. L’après-midi. Chambre 340. Avec un tout jeune homme. Vingt ans tout au plus. Et ça donnait. Pour donner ça donnait.
– Tu es sûr que c’est elle ?
– Absolument certain.
– Et il faut que ce soit comme par hasard justement ici, dans ton établissement où elle est venue s’envoyer en l’air, à cent kilomètres de chez elle pour ne pas être reconnue, que le député choisisse de donner sa réception. C’est vraiment pas de chance, avoue ! Elle doit être dans ses petits souliers.
– Elle l’est. Elle évite soigneusement de croiser mon regard.
– Et pour cause ! Alors comme ça, tu dis que ça donnait…
– Et pas qu’un peu ! Elle beuglait comme une perdue. Ça résonnait dans tout l’hôtel. Mais c’est pas tout. Il y a pas que ça ! Elle s’est pris, en hors d’œuvre, une fessée monumentale.
– Non !
– Eh, si ! Et je peux te dire que, vu comment ça lui claquait sur le derrière, elle a dû garder les marques un sacré moment.
– T’avais l’oreille collée à la porte, je suis sûr !
– Je ne répondrai qu’en présence de mon avocat.
– Ben, voyons !
– Bon, mais c’est pas tout ça ! En tant que directeur de cet établissement, je me dois d’aller saluer un à un les convives et m’assurer que tout va bien.

– Alors ?
– Ils sont satisfaits.
– Tu t’es attardé avec cette dame un peu plus longtemps qu’avec les autres.
– Oh, à peine.
– Et tu lui as dit quoi si c’est pas indiscret ?
– Je lui ai demandé si elle n’avait pas trop chaud.
– Elle a compris l’allusion ?
– Bien sûr que oui ! D’autant que j’ai ajouté qu’elle serait toujours la bienvenue dans mon hôtel.
– Et elle a réagi comment ?
– Elle m’a remercié. Qu’est-ce qu’elle pouvait faire d’autre ?
– Elle reviendra ?
– C’est peu probable. Quoique… il y a certaines femmes avec lesquelles on peut s’attendre à tout.

samedi 6 juillet 2019

Les fantasmes de Lucie (59)




Tableau d’Anders Zorn


Il m’a réveillée à petits coups de baisers éparpillés un peu partout.
– Tu te lèves ?
J’ai poussé un vague grognement.
– Tu te lèves ? Il fait jour depuis longtemps. Et il y a l’un de nos voisins qui tourne autour de la maison. Alors ce qui serait bien…
Il n’a pas eu besoin de préciser.
Je me suis levée, mais je ne me suis pas habillée. Je suis descendue. J’ai un peu virevolté en bas. De ci. De là. Au hasard. Un bon moment. Qu’il ait le temps de bien profiter, le voisin. De bien faire connaissance avec moi. Et de constater que mon derrière était orné d’une jolie fessée toute neuve. Et puis je suis allée m’asseoir sur un banc, dans le petit renfoncement à droite de la cheminée. Pour me donner une contenance, j’ai fait mine de raccommoder une pelisse en peau de mouton qui traînait là. Est-ce que, les yeux au ras de la fenêtre, il me regardait le type ? Oui, évidemment qu’il me regardait. Je le savais. Je le sentais. Il me buvait des yeux. Pas question de vérifier, pourtant. J’en brûlais d’envie, mais non, pas question. Ça aurait tout gâché.

Le pas de Victor dans l’escalier. Il s’est approché, penché à mon oreille.
– Il se branle. Et toi, je suis sûr que tu mouilles comme une petite cochonne. Avoue !
– Mais non, mais… Si !
Il m’a passé la main sur la joue.
– On le laisse se finir et je m’occupe de ton cas.

Il s’en est occupé. Là-haut. On a roulé sur le lit.
– Tu aimes ça qu’on te voie, hein !
– Oui, Victor, oui.
– Qu’on t’admire…
Je n’ai pas répondu. Je me suis serrée contre lui.
– Et qu’on se branle en te regardant.
– Viens, Victor, viens ! Oh, viens !
Et je me suis jetée à grands coups de bassin contre lui. J’ai hululé. Clamé mon plaisir. À pleine gorge.
J’ai continué. Qu’il ait le sien. Eu une nouvelle fois le mien. Que j’ai encore proclamé.
On s’est blottis l’un contre l’autre.
– Eh ben, dis donc ! Quelle déferlante ! On devait t’entendre jusqu’à Los Angeles.
Il m’a déposé un baiser sur la pointe du sein.
– S’il était toujours là, Maxime, et c’était sûrement le cas, il a pas dû être déçu du voyage.
Et on a recommencé.

– On va faire un tour ?
S’il voulait, oui.
On a pris un chemin qui s’enfonçait sous les arbres. Quelques dizaines de mètres. Un ancien corps de ferme. Rénové. Il en a pris la direction.
– C’est chez qui ?
– Tu n’en as pas une petite idée ?
Si ! Évidemment que si !
Il a ouvert la porte, nous a gratifiés d’un large sourire. Un bel homme. Aux yeux gris. À la quarantaine florissante.
– Entrez ! Entrez ! Restez pas là ! Asseyez-vous ! Qu’est-ce que je vous sers ? Un petit café ?
Il s’est affairé.
– Alors ? De retour ? Vous êtes là pour longtemps ?
– On sait pas encore.
Je le regardais aller, venir. Il m’avait vue nue. Il s’était donné du plaisir en me contemplant. Il y pensait. Il y pensait forcément. Et moi aussi, j’y pensais. Je ne pouvais même penser qu’à ça.
Il s’est assis avec nous. En face de nous.
– Même pas une petite idée ?
Victor est resté dans le vague.
– Quatre ou cinq jours, sûrement. Quelque chose comme ça.
Il a intérieurement poussé un grand soupir ravi, le voisin. Quatre on cinq jours ! Quatre ou cinq jours à pouvoir profiter de moi. À pouvoir me mater tout son saoul.
Victor a enfoncé le clou.
– Oh, mais on reviendra. Bientôt.
À mon tour de me sentir intérieurement délicieusement ravie. Il avait dit « on ». Ça faisait deux fois qu’il disait « on ».
Il nous a proposé un second café. Qu’on a refusé.
– Non, merci. Ça ira.
Il s’est tourné vers Victor.
– Alors, comme ça, vous avez fini par vous décider à vous mettre en couple…
Il n’a pas répondu. Il m’a souri.

jeudi 4 juillet 2019

Fessées punitives (10)


Bérengère était aux anges.
– Ça marche, les filles ! Ça marche ! Ça en fait trois, coup sur coup, qui me draguent comme c’est pas possible. Et je donne pas suite. Et je résiste. Ils sont beaux pourtant ! Beaux comme c’est pas permis.
Elle avait besoin de nous voir. Souvent. Presque tous les jours.
– Ça me motive un max… Non, et puis rien qu’avoir Océane, là, à côté et repenser à la fessée qu’elle s’est prise l’autre jour, comment ça me calme, vous pouvez pas savoir.

Ça a duré trois semaines. Et puis, un soir, elle est arrivée catastrophée.
– Je suis nulle, mais nulle d’une force !
– Oh, toi, t’as replongé !
– Si ! Oui. Mais c’est pas ma faute. Enfin, pas vraiment. Pas complètement. Comment il était enjôleur ! Et puis alors, il a de ces yeux ! Tu peux pas ne pas craquer avec des yeux pareils. Vous aussi, les filles, vous lui seriez tombées dans les bras. C’est obligé ! Oh, mais rassurez-vous ! Pas question que je le revoie ! Parce qu’il a été très clair, Clément, la fois où on s’est pris la tête tous les deux. Très très clair. « Que tu tires un coup, comme ça, un soir, vite fait, parce que t’auras pas pu t’empêcher, à l’extrême rigueur je pourrais encore passer l’éponge. T’en serais quitte pour une bonne fessée devant tes copines. Mais si ça devait être une relation qui dure, alors là, non ! Non, non et non. Tout serait définitivement fini entre nous. » Et je veux pas le perdre, Clément, ah, non, alors ! Je pourrais pas vivre, moi, sans lui ! C’est même pas imaginable.

Elle a surgi en trombe deux jours plus tard, s’est affalée sur une chaise.
– Eh ben voilà ! Voilà. Ça y est ! Moi, de toute façon, dès qu’il y a une connerie à faire, vous pouvez être tranquilles que je la fais…
– C’est ce type, hein ?
– Évidemment que c’est lui ! Évidemment ! Il baise trop bien, aussi ! Ça devrait être interdit de baiser comme ça. Parce que j’oublie tout dans ses bras. Tout ce qui n’est pas lui. Et le plaisir qu’il me donne. Il y a plus rien d’autre qui compte. Seulement après…
– Tu culpabilises.
– Et pas qu’un peu. C’est dégueulasse ce que je fais. Il mérite pas ça, Clément. Surtout que je lui ai juré mille et mille fois mes grands dieux que je la trahirais plus jamais sa confiance. Seulement c’est plus fort que moi, j’y arrive pas. Et je vis plus. Parce que j’ose plus le regarder en face. Parce que j’arrête pas de me demander s’il va pas découvrir le pot-aux-roses. Et il le découvrira forcément. J’ai beau faire hyper attention, m’entourer de millions de précautions, c’est obligé qu’un jour ou l’autre ça finisse comme ça. Il arrive toujours un moment où on commet une erreur. Ou bien il y a le hasard qui s’en mêle. Et puis il est pas né de la dernière pluie non plus, Clément. Je suis bien tranquille qu’il reste en alerte. Qu’il me surveille en douce. Chat échaudé…
On était toutes les trois, Océane, Émilie et moi, du même avis. Il y avait effectivement de fortes probabilités pour qu’il se rende compte qu’elle le trompait. Et ce jour-là…
– Mais qu’est-ce que je peux faire alors ? Qu’est-ce que vous feriez, vous, à ma place ?
Nous ? On le quitterait, ce type. Et au plus vite.
– Non, mais alors ça, c’est juste pas possible. C’est au-dessus de mes forces.
– Dans ces conditions, il y a pas de solution.
Émilie, elle, elle pensait qu’il y en avait quand même peut-être une.
– Joue franc jeu !
– Comment ça ?
– Mets cartes sur table. Avoue tout ! Dis-lui les choses telles que tu viens de nous les dire, là. C’est ta seule chance.
– C’est quand même sacrément risqué.
– Pas tant que de le laisser découvrir, par lui-même, ce qui se trame derrière son dos.
– Peut-être… Je sais pas.
– Par contre, attends-toi à une fessée. Et carabinée.

lundi 1 juillet 2019

À ce qu'il paraît…




Tableau de Charles-Edmund Tarbell

– Vous savez pas ce que j’ai appris ?
– Non. Quoi donc ?
– Mais vous le répéterez pas ?
– Bien sûr que non ! Tu nous connais. Ça sortira pas d’ici.
– Eh bien, la Jeanne Delmont…
– La femme du notaire ?
– Elle-même. Jamais vous iriez imaginer… Elle s’est fait prendre.
– Prendre ?
– À voler.
– Non !
– Jeanne Delmont ! C’est pas possible !
– Eh, si ! De source sûre je le sais. À Paris ça s’est passé. La semaine dernière. Chez un joaillier.
– Alors ça !
– Et pour des sacrées sommes il y en avait, à ce qu’il paraît.
– Non, mais qui aurait pu aller penser une chose pareille ? Jeanne Delmont !
– Et c’est pas tout ! Vous savez le plus beau. Parce qu’il voulait porter plainte, le bijoutier. Pas moyen de l’en faire démordre.
– Ce qu’on peut comprendre.
– Il n’y a finalement renoncé, après d’interminables palabres, qu’à la condition qu’en contrepartie elle se laisse punir.
– Punir ? Comment ça, punir ?
– Une fessée !
– Non !
– Eh, si !
– Et elle a accepté ?
– Elle n’avait pas vraiment le choix. Parce qu’un procès dans sa situation, avec son mari notaire… Sans compter que vous les connaissez les gens ici. Ils auraient parlé. Ils ne s’en seraient pas privés. Et ça lui serait revenu sans arrêt en pleine figure.
– Et donc…
– Elle s’en est ramassé une bonne, oui. Et les fesses à l’air, s’il vous plaît… Même qu’elle a pas été très courageuse, à ce qu’il paraît. Elle hurlait comme une perdue et elle battait des jambes dans tous les sens. Faut dire aussi que le joaillier, il y allait de bon cœur.
– Mais d’où vous savez tout ça?
– Le monde est petit. La sœur du mari de ma cousine, celle qu’est montée à Paris, elle y travaille dans cette bijouterie. Alors !
– Je la plains quand même, la pauvre femme ! Ça a dû être une rude épreuve.
– Ah, ça, sûrement ! Mais, d’un autre côté, faut reconnaître : elle l’avait bien cherché.
– Et mérité.
– Ça lui aura rabattu un peu son caquet. Parce que c’est insupportable, ces grands airs qu’elle se donne en permanence.
– Et qu’elle continuera à se donner, faut pas se faire d’illusions.
– En tout cas, moi, maintenant, je vais la voir d’un autre œil.
– Ah, ça, moi aussi !
– Et je peux vous dire que dorénavant, quand elle viendra chez moi, je vais la surveiller comme le lait sur le feu. Alors là !