samedi 29 septembre 2018

Les fantasmes de Lucie (19)


Dessin de Georges Topfer.

On a eu droit à une réunion exceptionnelle. Tout le monde. Toute la boîte. Avec le grand patron, monsieur Duvert, revenu tout exprès, pour l’occasion, de Bratislava. Il s’est montré très explicite. Les résultats étaient catastrophiques. On était dans le rouge. Et si on ne redressait pas très rapidement la barre, avant un an on serait toutes au chômage.
– Ce n’est pas ce que vous voulez, j’imagine ?
On s’est toutes récriées. Non. Bien sûr que non.
– Alors que chacune, au poste qu’elle occupe, fournisse les efforts appropriés. Il y va de l’intérêt de tous.

Séverine, notre chef, nous a, aussitôt après, réunies toutes les huit – toutes les filles du groupe – dans son bureau. Et elle en a rajouté une couche.
– Faut bien reconnaître que vous en prenez à votre aise, hein, toutes autant que vous êtes ! À vous balader tant et plus dans les couloirs. À camper des quarts d’heure entiers devant la machine à café. À passer la moitié de votre temps sur Facebook. Vous croyez que je m’en rends pas compte ? Sans compter celles qui se livrent à des activités n’ayant strictement rien à voir avec celles de l’entreprise.
Et, ce disant, elle nous a fixées droit dans les yeux, Cordelia et moi. On n’a pas cillé.
– Seulement dites-vous bien que, désormais, c’est fini le club Med. À l’avenir vous consacrerez l’intégralité de votre temps de travail… à votre travail justement. J’y veillerai personnellement. Et ne m’obligez pas à envisager des sanctions. Vous pourriez amèrement le regretter.

Des sanctions ? Quelles sanctions ? Elle n’a pas précisé. Mais la petite lueur métallique était là, dans son regard. Je l’ai reconnue. Je sais pertinemment quelles sont les sanctions qu’elle considère comme les plus appropriées à notre cas. Même si elles sont bien évidemment inenvisageables. En tout cas dans le réel. Mais il n’y a pas que le réel. Il y a souvent beaucoup mieux que le réel. Pour elle. Comme pour moi. Et pour beaucoup d’autres.

C’est plus tard. La semaine suivante. Ou celle d’après.
– Bon. On va utiliser les grands moyens. Ce n’est pas de gaîté de cœur, mais puisque vous ne voulez décidément pas comprendre. Puisque vous m’y contraignez… Montez là-dedans !
Une espèce de mini car au volant duquel elle s’installe aussitôt.
Les filles s’interrogent.
– Elle nous emmène où comme ça ?
On traverse une espèce de zone industrielle dont les bâtiments semblent, pour la plupart, désaffectés.
– C’est d’un sinistre !
Ça devient plus clairsemé. Et puis apparaît un hangar, planté au milieu de nulle part. Un hangar dans lequel elle nous fait entrer. Toutes les huit.
– Là ! Et maintenant on se déshabille…
On se regarde les unes les autres, complètement interloquées.
– Eh bien ? Qu’est-ce que vous attendez ?
Ce qu’on attend ? On sait pas. C’est à dire que…
– Je vous conseille vivement d’obtempérer. Si vous ne voulez pas vous exposer à de très très gros ennuis.
C’est Perrine qui s’y résout la première. Et puis Estelle. Et puis Cordelia. Et puis moi. Et puis toutes les autres.
– Et tout, hein ! Vous enlevez tout. À poil !
On obéit. Et elle, elle nous regarde faire d’un petit air tout à la fois amusé et gourmand.
Voilà, ça y est. On l’est toutes nues. Toutes les huit. Elle prend tout son temps. Elle nous examine. Elle nous détaille. Elle nous scrute. Son regard s’attarde sur des seins ici, sur des fesses là, sur une petite encoche ailleurs. Elle prend son pied, c’est clair.
Elle se décide d’un coup.
– Par ici ! Venez !
Dans une seconde grange contiguë à la première. Le long de la paroi du fond se trouve une espèce de meuble formé d’une dizaine de boîtes juxtaposées. Au centre de chacune d’elles a été ménagé un trou circulaire dans lequel elle nous oblige à passer la tête.
– Là ! Et on ne bouge plus.
C’est très inconfortable comme position. Et l’obscurité quasi absolue dans laquelle on se trouve a quelque chose de terriblement angoissant. Et puis le silence. Un silence qui se prolonge interminablement. Qu’elle finit pourtant par rompre.
– Délicieux spectacle… Absolument délicieux.
Sa voix parvient comme de très loin. Caverneuse.
– Bon… Mais il est temps de passer aux choses sérieuses. Vous avez mérité d’être punies. Vous en avez bien conscience, j’espère ?
Personne ne répond.
– Non ?
Il y en a deux ou trois qui lui consentent un petit « Si ! » sans conviction. D’une voix blanche.
– Ah, vous voyez ! Bon, mais une bonne petite correction, au martinet, devrait vous remettre les idées en place.
Il y en a une qui pousse un gémissement plaintif. Une autre tousse.
– Mais, comme c’est la première fois, je veux bien consentir, exceptionnellement, à me montrer indulgente. Je vais donc me contenter de corriger deux d’entre vous. Sachant tout de même que si j’avais de nouveau à intervenir, je me montrerais beaucoup moins conciliante. Bien. Y-a-t-il des volontaires ?
Il n’y a pas de volontaires. Aucune. Personne.
– Dans ces conditions… je vais être dans l’obligation de choisir moi-même. Qui ? Estelle peut-être. Sur son joli petit postérieur de longues zébrures rougeoyantes seraient du plus bel effet. Ou Corentine, tiens, plutôt. Je suis sûre que son copain apprécierait. À moins que… Ophélie… Elle a une si jolie voix. Ce doit être un enchantement de l’entendre donner sa pleine mesure.
Elle prend tout son temps. Elle remonte la rangée. Dans un sens. Dans l’autre. Au passage, elle flatte une croupe ici, une autre là. Les caresse du bout des lanières.
Ça cingle d’un coup. Sur les fesses de Cordelia. Je reconnais sa voix. Ça cingle. Comment ça cingle ! Elle crie, elle s’époumone dans la boîte qui fait caisse de résonance. Qui démultiplie ses hurlements.
Ça s’arrête. Elle est derrière moi. Elle murmure.
– Tu sais pourquoi je l’ai choisie, elle, je suppose ?
Je sais, oui. Je me doute.
– Alors tu sais pourquoi ça va être ton tour maintenant.
Elle ne me laisse pas le temps de répondre. Elle abat le martinet.
Ça va être bon. Ça va être si bon. Ça l’est déjà.

jeudi 27 septembre 2018

Quinze ans après (25)


Coxan avait passé la soirée avec Eugénie.
– Encore !
– Jalouse ?
J’ai haussé les épaules.
– Idiot ! Oui, bon, ben raconte, quoi !
– Je l’ai fait monter un peu en pression.
– C’est-à-dire ?
– Que j’ai refusé de la laisser venir chez moi. C’était beaucoup trop dangereux. Parce que… je voulais pas l’inquiéter, mais je me demandais si tu commençais pas à te douter de quelque chose. Ah, oui ? J’étais sûr ? Sûr, non. Mais il y avait tout un tas d’indices concordants qui me donnaient à penser que tu te posais vraiment des questions.
– Et elle a réagi comment ?
– Elle a voulu que je précise. Qu’est-ce qui me faisait penser ça ? Je suis resté dans le vague. Rien de vraiment significatif. Tout un tas de petits détails insignifiants qui, mis bout à bout, finissaient par prendre sens. Bref, je te sentais en alerte. Mieux valait être prudents.
– Et donc ?
– Et donc j’ai insisté pour qu’on se voie à l’hôtel. Loin d’ici. En prenant mille précautions. Qui l’ont beaucoup amusée. Je me faisais un film, tu parles ! Et quand bien même ! Quand bien même tu finirais par découvrir le pot-aux-roses. Ça changerait quoi ? Je m’en suis étranglé. Hein ? Mais tout enfin ! Tout ! Ah, oui ? Ben elle, elle voyait vraiment pas où était le problème. J’étais adulte, non ? Eh bien alors ! J’étais capable d’assumer. De savoir ce que je voulais et ce que je voulais pas. De m’imposer. J’ai fait la moue. C’était pas si simple. Mais si c’était simple, si ! Elle, il aurait fait beau voir que son mari lui interdise de mener sa vie à sa guise. Alors là ! Pas moi ? J’allais me laisser mener par le bout du nez ? Rentrer maison ! Coucouche panier ! Et on bouge plus. Ah, ben bravo ! Bravo !
– Je me demande où elle veut en venir, là…
– Elle joue le jeu. Tout simplement. Son truc, c’est de se faire mettre la fessée pour la punir de coucher avec le mec des autres. Elle rentre à fond dans le rôle.
– Mouais…
– Dès le départ, quand on a imaginé de lui faire croire qu’on était en couple, on savait bien qu’il y avait toutes les chances que ça tourne comme ça, non ? C’était même le but.
– Sauf qu’en réalité, ce qu’elle cherche à faire, c’est à te mettre le grappin dessus. En beauté. Et reconnais qu’entre coucher et faire des pieds et des mains pour foutre un couple en l’air, il y a quand même une sacrée marge, non ?
– On s’en fiche. On n’est pas vraiment ensemble.
– Non, mais elle le croit. Et elle en a strictement rien à battre. Faut vraiment qu’elle soit tordue, avoue ! Qu’est-ce tu paries que ça la fait jouir d’essayer de nous séparer ?
– Grand bien lui fasse !
– Oui, ben moi, ça me fait pas rire. J’ai horreur qu’on se foute de ma gueule derrière mon dos. Alors tu sais pas ? Eh bien, on va siffler la fin de la récréation.
– C’est-à-dire ?
– Qu’on va la lui flanquer sans tarder sa fessée. Et je peux te dire qu’elle va pas être piquée des vers. Que le cul va la gratter un bon moment. Et après, chacun sa route. Je veux plus entendre parler d’elle. De quelque façon que ce soit.
– Et t’envisages ça pour quand ?
– Le plus tôt possible.

lundi 24 septembre 2018

En bord de mer


Dessin de Dagy (Daniel Girard)

– On le fait ?
– Ça, c’est toi qui vois…
– Oui, allez, on le fait. Ça me tente trop. Arrivera ce qu’arrivera.
– T’es sûre ? Tu vas pas me reprocher après de t’avoir forcé la main ?
– Mais non ! Allez, viens, on y va. Avant que je change d’avis.

– Là ? Devant la mer ?
– Avec l’hôtel derrière ? On peut voir des fenêtres.
– C’est bien ce que tu veux, non ?
– Qu’on puisse voir, oui. Sans savoir s’il y en a qui voient vraiment. Que je puisse me demander pendant des heures et des heures, après, si c’était le cas ou pas.
– Eh bien alors ! C’est l’endroit rêvé, non ?
– Je sais pas.
– Tu veux qu’on aille chercher ailleurs ?
– Ça risque d’être pareil. Ça m’ira jamais. Je trouverai toujours des prétextes. Non, mais c’est fou, ça, quand même ! Parce que j’en crève d’envie, mais, en même temps, ça me flanque une trouille bleue que t’as même pas idée de comment j’ai la trouille. Bon, mais tu sais pas ? Vas-y ! Vas-y sinon je vais danser, comme ça, d’un pied sur l’autre, pendant des éternités. Allez ! Non, attends ! Ça va faire du bruit les claques, non ? Ça risque d’attirer l’attention.
– Ben oui, ça, forcément ! Mais le moyen de faire autrement ? À moins de faire semblant…
– Semblant ? Ah, non, non ! Bon, mais on s’en fout. Allez, vas-y ce coup-ci. Tape !

– On aurait voulu le faire…
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
– T’as pas entendu ?
– Si ! Des sifflets. Des cris. Et puis des rires.
– Ça venait d’où ?
– Du coin de la rue, là-bas. Une dizaine, ils étaient. Des joueurs de foot ou quelque chose comme ça.
– Ils ont vu, tu crois ?
– Ah, ça, pour voir, ils ont vu. Ça fait pas l’ombre d’un doute.
– Oh, la honte ! Longtemps ?
– Je sais pas. Je ne me suis rendu compte qu’ils étaient là que quand ils ont crié. J’ai arrêté aussitôt, mais si ça tombe…
– Il y avait un bon moment qu’ils se rinçaient l’œil. Sans se faire remarquer. Eh ben dis donc, si c’est le cas, ils ont dû se régaler. Parce que comment tu me l’avais remontée haut la robe.
– Fallait bien que je dégage le théâtre des opérations.
– Théâtre sur lequel tu as allègrement tambouriné.
– C’est de ta faute. Pas question de faire semblant, t’avais dit.
– Il y a faire semblant et faire semblant.
– D’habitude…
– Plus c’est fort, plus j’adore… Je sais, oui. Oh, mais je me plains pas, hein !

– À quoi tu penses ?
– À rien. Enfin, si ! Je me demandais… Et aux fenêtres ? Il y avait du monde aux fenêtres ?
– J’ai pas regardé. Fallait pas avoir l’air trop insistant non plus…
– Je sais bien, oui… En tout cas, j’ai aimé. Qu’est-ce que j’ai aimé ! À ce point-là, j’aurais jamais cru. Ah, ça, j’ai pas fini d’y penser et d’y repenser. On recommencera, hein ?
– C’est quand tu veux !
– Oh, mais le plus tôt possible ! Ce soir… Tout à l’heure…

samedi 22 septembre 2018

Les fantasmes de Lucie (18)


Frédéric Bazille. La toilette.

Je lis – je dévore – tout un tas de Mémoires, Souvenirs, Journaux intimes écrits à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles n’étaient pas spécialement prudes, ces belles dames du temps jadis. Les madame du Châtelet, les madame Balbi, les Pauline Bonaparte et consorts. Ça prend son bain devant les domestiques. Ça se balade tranquillement, en tenue d’Ève, sans la moindre gêne, devant les familiers, voire même, à l’occasion, devant des étrangers.

Alors, moi aussi. Il y a pas de raison. Moi aussi.
Comme tous les matins, mes deux femmes de chambre attitrées, Magda et Violaine, procèdent à ma toilette. Elles me donnent mon bain. Elles me frottent. Elles me parfument. Elles m’habillent. Je m’abandonne. C’est le moment de ma journée que je préfère. Elles le savent. Et elles le font durer. Elles l’étirent au maximum.
– Madame la comtesse…
C’est Amélie, ma dame de compagnie. Qui vient de surgir.
– Oui, Amélie…
– Madame la comtesse, il y a là, en bas, le chevalier Faublas. Qui vous apporte des nouvelles de Varsovie. Urgentes, assure-t-il.
– Fais-le monter…
– Que je le…
– Mais oui, fais-le monter, te dis-je !
– Comme Madame la comtesse voudra.

– Eh bien, chevalier, je vous écoute.
Je suis assise sur mon sofa, quasiment nue. Je n’ai pour tout vêtement qu’un voile de lin blanc qui recouvre ma jambe droite et dissimule mon entre-cuisses aux regards. Le sien effleure brièvement mes seins, s’en détourne aussitôt, va se perdre dans les arabesques de la tenture derrière moi.
– Je vous écoute, chevalier.
– Je reviens de Varsovie.
– Oui. Amélie m’a dit. Au fait, mon ami, au fait.
Ses yeux revienent à moi, s’accrochent une nouvelle fois, une fraction de seconde, à mes seins, s’efforcent de s’en éloigner. Y reviennent. En repartent.
– Vous disiez ?
Il se trouble, cherche ses mots.
– À Varsovie… Le comte… Vous savez… Podowski…
Magda m’enfile ma pantoufle.
– Ce cher Podowski. Comment va-t-il ?
– Bien. Il m’a chargé de vous dire…
Il y a du tremblement dans sa voix.
– De me dire ?
– Que sa proposition tient toujours.
– Vraiment ?
– Il vous conjure d’y donner suite.
Je me lève. Je suis nue. Entièrement nue devant lui. Sa glotte tressaute furieusement.
Violaine me tend mon vêtement. Je ne l’enfile pas. Pas tout de suite.
– Vous direz au comte Podowski que les décisions que je prends, je m’y tiens. Je vous salue, chevalier.
Et je lui tourne le dos. Je lui tourne les fesses.

jeudi 20 septembre 2018

Quinze ans après (24)


À peine Camille avait-elle commencé à déboutonner son pantalon qu’on a gratté à la porte.
– Entrez !
C’était Perrine, hilare, en compagnie d’Aglaé.
– On peut pas assister ?
– Oh, si vous voulez… Mais fermez le magasin alors !
Ce qu’elles se sont empressées d’aller faire.
– Là… Ça y est !
Camille est sortie de son pantalon, une jambe après l’autre. A cherché, du regard, un endroit où le poser. Fini par l’abandonner par terre, à ses pieds.
Je suis intervenue.
– Ah, ben voilà une jeune fille soigneuse au moins… Un vrai plaisir de voir ça !
Elle l’a précipitamment ramassé, serré contre elle, indécise.
Perrine a avancé la main.
– Donne !
Elle a donné.
– La culotte !
Elle l’a retirée, la lui a tendue.
– Le reste aussi !
Elle a marqué un temps d’hésitation.
– Le reste aussi, j’te dis ! Ce sera mieux. Pour tout le monde.
Madame Gonsalier était aussi de cet avis.
– Ce sera mieux en effet…
Aglaé a battu des mains.
– Oh, oui ! Oui ! Tout ! Allez, à poil !
Le chemisier. Le soutien-gorge. Tout. Elle nous a fait face. Et elle a attendu, immobile, en silence.
Madame Gonsalier s’est tournée vers Coxan.
– C’est vous qui avez eu à vous plaindre d’elle. Alors c’est vous qui donnerez le signal du début des opérations.
Il n’était pas pressé. Il a pris tout son temps pour examiner, d’un œil de connaisseur, l’anatomie de Camille. Qu’il a manifestement appréciée.
Quelque désir qu’il en ait eu, il n’a pourtant pas pu faire durer éternellement.
– Allez !
Madame Gonsalier a ordonné à Camille de se pencher en travers du bureau. Elle a aussitôt lancé une première claque, à toute volée, qui lui a arraché un petit gémissement. Une autre. Une troisième. Une quantité d’autres. En rafale. Qui tombaient à pleines fesses. Qui s’y sont imprégnées. D’abord en longues traînées rosâtres, puis, peu à peu, en rouge ardent, sur toute la surface. Camille ponctuait chaque claque d’un petit grognement rauque et d’un léger soubresaut du derrière. Madame Gonsalier a accentué la cadence. Les coups se sont faits plus appuyés encore. Camille a crié, s’est plus franchement soulevée, laissant de temps à autre entrapercevoir furtivement ses replis intimes.
– Là ! Et que ça te serve de leçon !
Elle s’est redressée, énergiquement frotté les fesses.
Sous les yeux ravis d’Aglaé.
– Je peux te dire que ça va te brûler un moment, ma petite !
Madame Gonsalier a froncé les sourcils.
– Qu’est-ce tu fabriques ? Rhabille-toi !
Elle a aussitôt obtempéré.
– Bon… Et maintenant tu retournes t’occuper de ce monsieur… Et tâche qu’il soit satisfait de la façon dont tu vas te comporter avec lui… Si tu veux pas qu’on en rajoute une couche…

lundi 17 septembre 2018

Le prix du silence

Dessin de Louis Malteste


– Devine ce que j’ai fait cette nuit…
– Qu’est-ce tu veux que j’en sache ! Tu t’es tapé un mec ?
– Non. Mieux que ça. J’ai épluché les comptes du cabinet.
– T’as vraiment du temps à perdre.
– Pas du tout, non ! Parce que j’ai fait des découvertes extrêmement intéressantes.
– Ah, oui ?
– Tu me demandes pas lesquelles ?
– Lesquelles ?
– Tu es vraiment une comptable hors pair.
– Tu me flattes, là. Tu me flattes vraiment.
– Surtout quand il s’agit de détourner des fonds.
– Tu as beaucoup d’imagination.
– Tu t’es allègrement servie, dis donc !
– Bon, écoute, t’es bien gentille, mais tes petites insinuations, là, tu peux te les mettre où je pense. Parce que je voudrais pas te vexer, mais la comptabilité et toi, ça fait deux.
– On verra.
– On verra quoi ?
– Ce qu’ils en pensent, nos patrons. Des avocats, ça se roule pas dans la farine comme ça. Ils voudront en avoir le cœur net.
– T’aimes vraiment ça, foutre la merde, toi, hein !
– Disons surtout que je suis foncièrement honnête.
– Ben, voyons ! Bon, parlons clair. Tu veux quoi ? Qu’on partage ?
– Ah, non, non ! Sûrement pas. Ce serait trop facile. Je deviendrais ta complice. Ce qui me réduirait au silence. Non, j’ai beaucoup mieux que ça.
– Quoi ? Mais parle à la fin ! C’est d’un agaçant !
– Je vais te foutre une fessée.
– Rien que ça ! Et puis quoi encore ? Non, mais tu m’as bien regardée ?
– Ben oui, justement ! Ça fait des mois que je fais que ça. Que je contemple ton petit cul bien moulé dans des trucs bien collants et que je me dis qu’un cul comme ça, c’est vraiment criminel de pas le mettre à l’air. De pas lui flanquer une bonne tannée. C’est du gâchis.
– T’es vraiment complètement barge.
– Ah, je peux te dire que ça fait un moment que je cherche comment je vais bien pouvoir parvenir à mes fins. Alors une occasion pareille, ça se laisse pas passer.
– Écoute…
– Non, non, non, j’écoute rien du tout. Tu vas encore chercher à m’embrouiller. Comme tu sais si bien faire. Alors tu te déculottes et tu discutes pas. Sinon, demain matin, à la première heure, je suis dans le bureau de Berthier.
– Tu es…
– Immonde… Ignoble… Abjecte… Tout ce que tu veux. Mais tu te décides. Et vite. Ou tu te déculottes ou tu assumes les conséquences de tes actes.
– Tu es vraiment…
– Je sais… Je sais… Tu l’as déjà dit. Ah, ben voilà ! Tu vois quand tu veux… Bon, ben allez ! Et crois-moi, tu vas t’en souvenir…

samedi 15 septembre 2018

Les fantasmes de Lucie (17)


Dessin de Georges Topfer.

On est tranquilles dans notre réduit là-haut, Cordelia et moi. Personne n’y monte jamais. Tant et si bien que, quand l’envie nous en prend, on peut s’offrir une petite gratouille sous le bureau. En face à face. Chacune pour soi. Histoire de couper un peu la journée de travail. Des fois on parle. On se raconte des trucs pour s’émoustiller. Et d’autres fois, non. Ça dépend. Sauf que là, on a failli se faire gauler. Et en beauté ! On s’était organisé un petit concours, toutes les deux, la main dans la culotte. Un concours à qui arriverait à se retenir le plus longtemps de jouir.
– Ce sera moi !
– Dans tes rêves, oui.
On se quittait pas des yeux. Il y avait le feu dans les siens. Un feu sombre. Ardent. Je crevais d’envie de l’imaginer en train de me flanquer une magistrale fessée, mais je m’en empêchais de toutes mes forces parce que je savais que ça irait beaucoup trop vite sinon. Et que je perdrais. N’empêche que ça approchait quand même. À toute allure. Elle aussi, je le voyais bien. Et c’est juste à ce moment-là que Séverine, notre chef, s’est pointée à la porte du bureau. On ne l’avait pas entendue arriver. Ni l’une ni l’autre. On s’est ressaisies. Le plus vite qu’on a pu. Elle ne s’est rendu compte de rien. Ou elle a fait semblant. Elle nous a tendu un dossier.
– Vous vous occupez de ça tout de suite. C’est urgent.
Et elle est repartie.
On a éclaté d’un gigantesque fou rire.

Mais le soir, après, dans mon lit, ça se passe pas comme ça. Pas du tout.
Elle nous dévisage, l’une après l’autre, incrédule.
– Non, mais je rêve, là ! Je rêve. Qu’est-ce vous êtes en train de faire ?
– Rien.
– Non, rien.
– Prenez-moi bien pour une imbécile ! En plus ! Oh, mais alors là, ça va pas se passer comme ça, faites-moi confiance ! Parce que, que vous vous amusiez avec ce que la nature a généreusement mis à votre disposition, j’en ai strictement rien à foutre, mais pas pendant les heures de travail…
Et elle s’en va, furibonde. Son pas claque furieusement dans le couloir. Elle revient, presque aussitôt. Avec deux fouets.
– Debout !
On se regarde, Cordelia et moi. On hésite.
– C’est ça ou le licenciement immédiat. Pour faute grave. À vous de voir…
On se lève.
– À poil !
On hésite encore.
Et vite !
On soupire, mais on obtempère.
Elle nous tend les fouets. Un chacune.
– À mon tour de m’amuser. Allez-y ! Tapez ! Et faites pas semblant…
C’est Cordelia qui lance le premier coup. Il me lèche l’épaule. Pas bien fort. Je lui rends la pareille. À son tour. Encore à moi. Encore à elle. Une dizaine de fois.
– Aïe ! Oh, la vache !
Celui-là, elle l’a lâché plus fort. Beaucoup plus fort. Peut-être pas exprès, mais n’empêche… Ma réponse ne se fait pas attendre. Je cingle un grand coup. D’instinct. Sous l’effet de la surprise. Et de la douleur.
– Garce !
Et ça me tombe à plein derrière. Avec une force inouïe.
Oh, alors là ! Alors là ! Et ça s’emballe. Ça dégringole. On claque. On cingle. L’une comme l’autre. Partout. Les seins. Le dos. Les fesses. Les cuisses. Ah, pour y aller, on y va !
La chef regarde. Elle savoure, ravie. Elle murmure.
– Plus fort ! Encore plus fort !
Comment c’est bon ! C’est trop bon.
J’aime ce qu’il y a dans ses yeux à ce moment-là.

jeudi 13 septembre 2018

Quinze ans après (23)


Un petit tour, discrètement, dans le bureau de Madame Gonsalier. Histoire de la mettre au courant et d’obtenir son accord.
– Il y a pas de problème. Aucun problème. Au contraire.
Et je me suis mise à la recherche de Camille. Qui était en train d’installer des robes sur les portants.
– Ça va comme tu veux ?
Ça allait, oui.
– Regarde-moi quand je te parle…
Elle a relevé humblement la tête.
– Il y a un ami à moi qui va venir procéder à quelques achats. C’est toi qui vas t’occuper de lui.
– Oui…
– Tâche de te montrer serviable. Et aussi compétente que possible. C’est quelqu’un de très exigeant.

Quand Coxan a fait son apparition, une bonne vingtaine de minutes plus tard, elle s’est précipitée vers lui.
– Monsieur ?
Il l’a toisée. De la tête aux pieds.
– Quand j’aurai besoin de vous, je vous ferai signe.
Et il a tranquillement déambulé à travers le magasin. Pendant un long quart d’heure. Avant de se mettre soudainement à hurler.
– Elle est où, l’autre ? Qu’est-ce qu’elle fout ?
Camille a aussitôt surgi.
– Ah, ben, c’est pas trop tôt ! On peut pas dire que le client soit roi, là-dedans.
– Je suis désolée. Je…
– Venez me montrer plutôt… Je trouve pas ma taille.
Ils ont disparu, tous les deux, entre les rayons.

À nouveau un hurlement.
– Non, mais c’est incroyable de voir ça ! La directrice ! Où est la directrice ?
– Un problème, Monsieur ?
– Et comment ! Votre vendeuse est d’une arrogance…
– Excusez-vous, Camille ! Excusez-vous immédiatement !
– Je demande à Monsieur de bien vouloir m’excuser…
– Et maintenant, dans mon bureau ! Dans mon bureau tout de suite !
Elle a obéi, tête basse.
On a suivi, Coxan et moi.
Madame Gonsalier a refermé la porte.
– J’en ai assez, Camille. Plus qu’assez. Vous n’en faites qu’à votre tête. Vous n’écoutez rien ni personne. Vous prenez vos collègues de haut. Vous vous comportez de façon inqualifiable avec les clients. C’est en permanence que votre comportement laisse à désirer et que je suis obligée de vous reprendre. Vous n’allez pas avoir l’indécence de prétendre le contraire, j’espère…
– Non…
D’une toute petite voix.
– Il n’y a qu’une chose que vous comprenez. Une seule qui soit, au moins pour un temps, efficace. Et vous savez laquelle.
– La fessée.
Les yeux baissés.
– La fessée, oui ! Déculottez-vous, Camille !

lundi 10 septembre 2018

Héritage


Elle avait une idée, Alexandrine.
– Et une bonne ! Tu sais, le père Victor ?
– Celui chez qui tu fais le ménage ? Qu’est riche à millions ?
– Lui-même.
– Eh bien ?
– Eh bien, il a pas d’héritier.
– Toi, je te vois venir…
– Et il a un petit péché mignon, le père Victor.
– Qui est ?
– La fessée…
– Carrément.
– Il a tout un tas de trucs là-dessus. Des photos. Des dessins. Bien planqués. Enfin à ce qu’il croit. Parce que t’as vraiment pas bien de mal à les dénicher. Et alors ce que j’ai pensé, c’est que tu pourrais peut-être venir m’aider à faire le ménage chez lui. Tu casseras un truc. Je te punirai. On recommencera. Ça le rendra fou. Et, avant trois mois, on est héritières.
– Tu crois ?
– Je suis sûre. Et vu l’âge qu’il a, on aura tôt fait de toucher le pactole.

J’y suis allée de bon cœur. Je l’ai lancé de toute ma hauteur, cette horreur de vase. Il a éclaté en tout un tas de petits morceaux qui sont allés s’éparpiller aux quatre coins de la pièce. Et jusque sous le buffet.
– Ah, ben bravo ! Bravo !
– Je l’ai pas fait exprès.
– Encore heureux ! Manquerait plus que ça ! Tu pourrais t’excuser au moins…
– Je suis désolée, Monsieur Victor…
– C’est malheureux ! J’y tenais, moi, à ce vase. C’est un vase que…
– Elle en fera jamais d’autres. Oh, mais je vais t’apprendre à faire attention, moi, ma petite, tu vas voir ! Une bonne fessée, c’est encore ce qu’il y a de plus efficace.
– Oh, non ! Pas la fessée !
– Si ! Et comment !
Et elle m’a empoignée.
– Pas devant lui, Alexandrine ! S’il te plaît, pas devant lui, je t’en supplie !
Elle n’a rien écouté. Je me suis débattue tant que j’ai pu. Fait semblant. Pour finir, je me suis retrouvée les fesses pointant en l’air. Avec elle qui tapait allègrement dessus. Ah, elle y allait de bon cœur, la garce ! Lui, il en perdait pas une miette, les yeux exorbités. Chaque fois qu’elle ralentissait la cadence, qu’elle faisait mine de s’interrompre, il exigeait…
– Encore ! Encore ! Et ça repartait de plus belle.
Ça s’est enfin arrêté.
Il a constaté, la mine ravie.
– Comment elle l’a rouge !
Lui, c’était la figure qu’il avait toute rouge. Et il transpirait à grosses gouttes.
Il a hoché la tête.
– N’empêche que ça me rendra pas mon vase, tout ça ! Un vase que mon fils m’avait ramené tout exprès du Viet-Nam. Qu’est-ce que je vais lui dire, moi, maintenant ?
– Un fils ? Vous avez un fils ?
– Deux même. Et une fille. Vous savez bien. Vous l’avez vue l’autre jour.

– Tu t’es bien fichue de moi !
– Je savais pas… Je croyais… Je l’avais oubliée, sa fille.
– Prends-moi bien pour une imbécile ! En plus !
– J’avais trop envie.
– C’est pas une raison !
– T’as apprécié. Ça se voyait que t’appréciais.
– Pas du tout, non.
– Menteuse !
– Un petit peu. Juste un petit peu.
– Tu m’en veux ?
– Oui. Beaucoup. Non, en fait. Pas tellement. Presque pas.

samedi 8 septembre 2018

Les fantasmes de Lucie (16)



J’aime flâner dans les églises. J’en apprécie l’atmosphère, le calme, la fraîcheur. Je m’attarde à contempler les tableaux, les chapiteaux et les statues. Mais ce qui me fascine surtout, ce sont les confessionnaux. Je m’en approche. Je les contemple longuement. Je les effleure de la main, m’enhardis, les caresse amoureusement. Si je suis seule, je finis par m’y agenouiller. Tant de choses se sont dites là. Tant de péchés se sont avoués. Ont été pardonnés. Je pense aux miens. Si nombreux. Si graves. Aux pénitences qui se donnaient jadis. Si cuisantes, si mortifiantes qu’on était pour longtemps dissuadé de pécher à nouveau.

Le soir, dans la solitude de ma chambre, je m’agenouille au pied de mon lit. J’énumère une nouvelle fois mes péchés. À voix basse. Il m’écoute avec bienveillance, la tête penchée, opine, de temps en temps, d’un bref mouvement de la tête.
Je m’arrête.
– Est-ce tout, ma fille ?
– C’est tout, mon père.
– Vous repentez-vous sincèrement de vos fautes ?
– Assurément.
– Avez-vous conscience qu’en commettant l’acte de chair et, qui plus est, avec une personne de votre sexe, vous avez sérieusement mis en péril le salut de votre âme ?
– Je le regrette de tout mon être.
– Et le salut de votre complice que vous avez entraînée avec vous sur les voies de la débauche.
– J’en demande pardon à Notre-Seigneur.
– Qui vous l’accordera, dans sa grande bonté, une fois pénitence faite.
– Ce dont je Lui sais infiniment gré.
– Priez, ma fille, priez, pour que ces péchés, malgré leur énormité, vous soient pardonnés. Et pour que vous soit donnée la force de supporter, avec courage et humilité, le châtiment qu’ils vont vous valoir.
– Quel sera-t-il, mon père ?
– Vous allez être fustigée. De ma main. Ce n’est qu’à ce prix que votre faute sera effacée et que vous pourrez reprendre place parmi les élus
– Mon père…
– La souffrance est rédemptrice.
– Sans doute, mais je suis femme…
– Ce dont je ne saurais m’aviser. Je suis le serviteur de Notre Seigneur. Et seul m’importe le salut de votre âme. Préférez-vous donc la damnation éternelle ?
– La damna… Oh, non, non ! Qu’il soit fait selon la volonté du Seigneur !
– Fort bien. Troussez-vous !
Et il abat le fouet.

jeudi 6 septembre 2018

Quinze ans après (22)


Andrea n’en revenait pas.
– C’est tous les jours qu’il lui envoie des mails à Coxan. Plusieurs fois par jour. Pour parler de moi. Que de moi. Il est complètement accro en fait, hein !
Il était effectivement accro. Et dithyrambique.
– Une pure merveille, cette fille ! Une pure merveille !
Il suppliait.
– Envoie-la moi, la vidéo. Fais-moi un double. Et je serai le plus heureux des hommes.
Il insistait encore et encore.
– À personne je la montrerai. Je le jure.
Andrea s’est voulue compréhensive.
– Oh, tu peux bien, le pauvre ! Il en a tellement envie. On voit pas ma figure n’importe comment dessus.
Et les vœux de ce Martial ont été comblés.

Coxan avait une idée.
– Mais vous voudrez jamais…
– Dis toujours ! Si tu le dis pas…
– Ce serait qu’on lui en redonne une de fessée à Andrea.
Oh, si c’était que ça, elle, elle demandait pas mieux, hein, au contraire !
– Même que ça commence à me manquer. Et pas qu’un peu.
– Sauf qu’on va pas reproduire éternellement la même scène. Faudrait introduire un peu de variété. Ça va vite devenir lassant sinon, à force…
– C’est à dire ?
– Ben, déjà, à la main c’est bien, oui, c’est même très bien, mais il y a aussi toutes sortes d’autres possibilités.
Elle aussi, elle y avait pensé.
– Seulement, ça doit faire mal le martinet, non ?
– Ça dépend, mais l’avantage, avec le martinet, c’est que tu tortillerais et contorsionnerais tellement dans tous les sens que tu en laisserais voir bien plus encore que ce que tu as déjà montré.
J’ai précisé.
– Et puis les traces boursouflées que laissent, à plein derrière, les cinglées sont généralement du plus bel effet.
Coxan avait également envisagé autre chose.
– Ça te dirait pas de te regarder en train de la recevoir ?
– Comment ça ?
– On t’installerait bien confortablement sur le canapé, nez à nez avec l’écran de l’ordinateur. C’est en direct, comme ça, que tu verrais les lanières s’abattre et ton gentil petit derrière tressauter de tout son cœur. Hein ? Ça te tente pas ?
– T’en as de martinet ?
Coxan s’est empressé d’aller le chercher.
– Fais voir !
Elle en a longuement caressé le manche, a fait claquer les lanières en l’air, s’en est caressé les jambes.
– Alors ? Décidée ? On y va ?
– Pas tout de suite, non. Un autre jour.
Elle lui a tendu le martinet, s’est ravisée.
– Tu peux me le laisser ?
– Oh, si tu veux…
– Que je me fasse à l’idée… Que je l’apprivoise…

lundi 3 septembre 2018

L'insolente


Dessin de Louis Malteste

– Oui, Madame la comtesse, oui. Elle a été punie comme elle le mérite. Ce matin même.
– Une telle insolence ! À mon égard ! Venant d’une petite servante de rien du tout. Qu’on a sortie du ruisseau. C’est une honte ! Une véritable honte !
– Soyez assurée, Madame la comtesse, que cela ne se reproduira pas.
– En êtes-vous bien certaine ? Avec des natures aussi viciées, on peut s’attendre à tout.
– La leçon aura nécessairement porté ses fruits. Nous ne l’avons pas ménagée.
– Vraiment ?
– Vraiment. Elle va vous montrer. Eh bien, toi, qu’est-ce que tu attends ? Fais voir à Madame la comtesse. Mais là ! Là ! Devant la chaise ! Et à genoux ! Ce que tu peux être empotée quand tu t’y mets !
– C’est surtout qu’elle renâcle. Quand je vous dis que vous n’en tirerez jamais rien.
– Eh bien ! Trousse-toi ! Tu vois bien que tu fais attendre Madame la comtesse. Elle n’a pas que ça à faire… Plus haut ! Encore ! Encore, j’te dis ! Là… Vous voyez ? Reconnaissez que nous avons eu à cœur de lui infliger une correction exemplaire.
– Qui aurait pu l’être davantage, me semble-t-il, eu égard à son inqualifiable comportement.
– Si Madame la comtesse estime…
– J’estime, en effet…
– Dix coups ?
– Disons quinze. Sévèrement appliqués.
– Comme Madame la comtesse voudra…

– Ça t’a plu aujourd’hui ?
– Oh, oui ! Et à elle aussi, on aurait dit, hein ?
– Aucun doute là-dessus.
– Plus que d’habitude ?
– Au moins tout autant.
– Elle se doute pas au moins que j’aime ça ?
– Absolument pas.
– Non, parce que ça gâcherait tout.
– Elle se doute pas, sois tranquille !
– Comment vous avez tapé fort, n’empêche…
– Trop ?
– Oh, non, non ! Elles vont rester longtemps, comme ça, les marques. Et je pourrai les regarder dans la glace. J’adore…
– Je sais.
– On recommencera, hein !
– Bien sûr qu’on recommencera.
– Bientôt ?
– Très bientôt.
– Et ce coup-là, je la traiterai de vieille peau. Vous croyez que ça ira « Vieille peau » ?
– Ce sera parfait.

samedi 1 septembre 2018

Les fantasmes de Lucie (15)


Quel salaud ! Non, mais alors là, quel salaud ! Qui ça ? Mais mon voisin, tiens ! Il s’est organisé une petite fête. Avec tout un tas de monde. Ils sont au moins une trentaine là-dedans. Ça sort dans le jardin. Ça rentre. Ça s’appelle. Ça rigole. Il y a de la musique. On danse et on s’amuse. Et moi dans tout ça ? Même pas invitée, moi ! Après tout ce qu’on a vécu ensemble, tous les deux. Oui, ben alors là, il va voir ce qu’il va voir. Parce que je vais m’y pointer. Qu’il le veuille ou non. Que ça lui plaise ou pas.

De là-haut, de la fenêtre de la salle de bains, je me faufile parmi les invités. Jusqu’à lui. Que je fais semblant de ne pas voir. Qui m’attrape par le bras.
– Qu’est-ce que vous fichez là, vous ?
Mais il n’a pas l’air véritablement fâché.
– Moi ? J’ai vu de la lumière. Alors je suis rentrée.
– Ben, voyons !
Il me menace du doigt.
– Vous me paierez ça. Vous perdez rien pour attendre.
– Même pas peur.
Et je le plante là. Je vais me servir un gigantesque verre de whisky. Un grand type aux allures de sauterelle, à la parole embarrassée, aux propos incohérents, tient absolument à me faire la conversation.
Il vient me délivrer.
– On danse ?
– Volontiers.
Sa main sur mon épaule. L’autre au creux de mes reins. Son souffle mentholé. Je me laisse aller contre lui. Je m’abandonne. Je suis bien.
– Tu m’avais promis.
Chuchoté à l’oreille.
– J’ai rien promis du tout.
– Menteuse !
Tout bas.
Il me presse un peu plus fort, tout dur contre ma cuisse. Sa main vient effleurer mes fesses. S’y pose. S’y installe.
– Tu préfères te branler toute seule dans la salle de bains, c’est ça, hein ?
Sa queue, contre moi, se fait plus dure encore.
– En laissant la fenêtre ouverte. Histoire que je t’entende. Que j’en perde pas une miette. Non, mais tu te rends compte dans quel état ça me met ?
Je me rends compte, oui. Je sens. En bas, ça palpite tant que ça peut.
Je ne me démonte pas pour autant.
– Et encore vous plaignez pas ! Je pourrais me le faire dehors, dans le jardin, sur mon transat, les jambes bien écartées. Et tournée dans votre direction, bien sûr.
– Pas cap !
– Oh, alors là, vous me connaissez mal.
– Oh, que si que je te connais bien ! T’es rien qu’une sale petite allumeuse. Et tu sais ce qu’on leur fait aux petites allumeuses dans ton genre ?
– Non.
Je le sais très bien, mais je veux l’entendre me le dire.
– Eh bien, on leur donne la fessée. Cul nu.
À mon tour de le lui dire.
– Pas cap !
– Alors là, c’est ce qu’on va voir.
Il m’agrippe fermement par un coude. Je ne résiste pas. Je me laisse emporter.
Ce n’est pas sa chambre. C’est une pièce avec un grand canapé recouvert d’un drap en tissu imprimé.
Sans un mot, il déboucle ma ceinture. Je ne proteste pas. Je le laisse faire. Je me laisse faire. Il me baisse mon pantalon. Je lève une jambe. L’autre. Des deux mains, une de chaque côté, il s’empare de l’élastique de ma culotte. Je ne baisse pas les yeux. Je soutiens son regard. Il la descend. Doucement. Tout doucement. Me la retire. Et l’enfouit dans sa poche.
– Viens !
Sur le canapé. Il m’y fait allonger.
– Tu as un beau cul.
Sa main se pose sur mes cheveux.
– Un très beau cul.
Ma nuque. Mon cou. Mes épaules.
– Je vais te faire mal.
– Oui.
– Très mal. C’est mérité, avoue ! Non ?
– Si ! Oui !
Je tends ma croupe vers lui. Il y lance une première claque. Il n’y en aura pas d’autre. Mon plaisir est là. Il me soulève. Il me submerge. Il m’éparpille.
En bas, juste en-dessous, la fête bat son plein.