samedi 8 septembre 2018

Les fantasmes de Lucie (16)



J’aime flâner dans les églises. J’en apprécie l’atmosphère, le calme, la fraîcheur. Je m’attarde à contempler les tableaux, les chapiteaux et les statues. Mais ce qui me fascine surtout, ce sont les confessionnaux. Je m’en approche. Je les contemple longuement. Je les effleure de la main, m’enhardis, les caresse amoureusement. Si je suis seule, je finis par m’y agenouiller. Tant de choses se sont dites là. Tant de péchés se sont avoués. Ont été pardonnés. Je pense aux miens. Si nombreux. Si graves. Aux pénitences qui se donnaient jadis. Si cuisantes, si mortifiantes qu’on était pour longtemps dissuadé de pécher à nouveau.

Le soir, dans la solitude de ma chambre, je m’agenouille au pied de mon lit. J’énumère une nouvelle fois mes péchés. À voix basse. Il m’écoute avec bienveillance, la tête penchée, opine, de temps en temps, d’un bref mouvement de la tête.
Je m’arrête.
– Est-ce tout, ma fille ?
– C’est tout, mon père.
– Vous repentez-vous sincèrement de vos fautes ?
– Assurément.
– Avez-vous conscience qu’en commettant l’acte de chair et, qui plus est, avec une personne de votre sexe, vous avez sérieusement mis en péril le salut de votre âme ?
– Je le regrette de tout mon être.
– Et le salut de votre complice que vous avez entraînée avec vous sur les voies de la débauche.
– J’en demande pardon à Notre-Seigneur.
– Qui vous l’accordera, dans sa grande bonté, une fois pénitence faite.
– Ce dont je Lui sais infiniment gré.
– Priez, ma fille, priez, pour que ces péchés, malgré leur énormité, vous soient pardonnés. Et pour que vous soit donnée la force de supporter, avec courage et humilité, le châtiment qu’ils vont vous valoir.
– Quel sera-t-il, mon père ?
– Vous allez être fustigée. De ma main. Ce n’est qu’à ce prix que votre faute sera effacée et que vous pourrez reprendre place parmi les élus
– Mon père…
– La souffrance est rédemptrice.
– Sans doute, mais je suis femme…
– Ce dont je ne saurais m’aviser. Je suis le serviteur de Notre Seigneur. Et seul m’importe le salut de votre âme. Préférez-vous donc la damnation éternelle ?
– La damna… Oh, non, non ! Qu’il soit fait selon la volonté du Seigneur !
– Fort bien. Troussez-vous !
Et il abat le fouet.

2 commentaires:

  1. JE SUIS plus que jamais LUCIE !
    Ah les églises, surtout lorsqu'elles sont vides et propices aux errances de tous poils, les sculptures et autres éléments architecturaux que l'on peut caresser du regard et parfois des mains, les vitraux, la lumière, ciel, la lumière...les confessionnaux, les prie-Dieu, les péchés et les pécheresses, la confession, la contrition et enfin la pénitence, comme une délivrance ! <3

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  2. Ce sont en effet des lieux très chargés. On peut laisser l'imagination se débrider ou se mettre en phase avec ce qui a pu s'y dérouler. Comme la contrition et la pénitence ont parfois dû y être jubilatoires…

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