C’est
le moment qu’elle préfère. Quand elle passe la porte. Qu’elle
croise leurs regards. Que leurs sourires se font mi-narquois
mi-complices.
Helga
s’avance vers elle, faussement obséquieuse.
– Madame
la baronne est en manque ? Nous allons remédier rapidement à
cet état de choses.
Elle
soulève un pan du grand rideau grenat.
– Si
Madame veut se donner la peine de passer dans le petit salon,
derrière.
Elle
la laisse seule.
– Je
reviens. J’en ai pour une minute.
Dix
minutes. Vingt minutes. Parfois davantage. Des minutes
voluptueusement insupportables. Il y a, à côté, le bruissement
feutré du magasin. Les voix des vendeuses qui vaquent à leur tâche,
vont et viennent. De temps à autre, l’une d’elles passe la tête.
Suzon. Ou Alice.
– Tout
va comme Madame le désire ?
Ou
Margaux. Qui la fixe longuement d’un petit air moqueur.
– On
va encore bien s’amuser.
Et
elle éclate d’un rire insolent.
Elles
ferment. Juste le temps de s’occuper d’elle. Elles ferment. Elle
inspire. Profondément. Son cœur s’emballe. C’est le moment.
C’est enfin le moment.
Elles
sont là, toutes les quatre. Elles l’entourent.
– Alors,
à nous !
Helga
avance une chaise.
– Prenez
place ! À genoux, allez !
Elle
obéit.
– Là !
Et maintenant tu vas nous montrer ton cul.
Les
mots. Leurs mots. Elle adore. Elle en frissonne toute.
– Ben,
alors ! Qu’est-ce t’attends ?
– Peut-être
qu’elle est sourde ?
– Non,
mais c’est qu’on a ses petites pudeurs dans la haute…
Et
il y en a une – elle ne sait pas laquelle – qui la
trousse. Qui la déculotte sèchement.
Elle
pousse un petit cri de surprise effarouchée. Qui déclenche leurs
rires.
– T’en
verras d’autres, va !
– Et
pas plus tard que tout de suite.
Une
main l’effleure.
– Comment
il est blanc, son petit popotin d’aristo !
– Ce
qui va pas durer.
– À
quoi on lui fait aujourd’hui ?
Suzon
propose…
– Au
fouet-fagot. Il y a longtemps. Ça changera.
Le
fouet-fagot. Elle frémit. C’est épouvantablement éprouvant, le
fouet-fagot. Ce sont des milliers de mini-brûlures qui s’incrustent,
en même temps, sur toute la surface. Au bout de cinq ou six cinglées
on est littéralement en feu.
Les
autres approuvent.
– Oh,
oui, oui ! Le fouet-fagot !
Suzon
lui susurre à l’oreille…
– Comment
tu vas te trémousser, baronne !
Margaux
la contourne, lui fait face.
– Que
je voie ta petite frimousse quand ça va tomber.
Et
ça tombe.
Elle
sursaute. Elle se cabre. Il y en a une, derrière, qui rit. De bon
cœur.
Les
coups se succèdent, méthodiques, réguliers. Ils lui arrachent des
soubresauts. Des gémissements.
Suzon
encourage Helga.
– Plus
fort ! Plus fort ! Tu te relâches, là.
La
douleur se fait plus vive. Plus intense. Elle crie. Elle supplie.
– Encore !
Encore !
Margaux
l’oblige à relever la tête, plonge ses yeux dans les siens.
– Elle
va jouir, les filles !
Elle
jouit. À petits sanglots émerveillés. Elle jouit sous les coups.
Et sous leurs rires.
Tout
retombe. Elle aussi, satisfaite, épuisée.
À
côté, elles ont rouvert. Des clientes entrent, achètent,
ressortent. Il y a la voix de Suzon, paisible, sereine…
– Si
Madame veut m’en croire, ce parme lui va très bien au teint.
Celle
d’Alice, plus forte, plus déterminée.
– Il
suffira d’une petite retouche, je vous assure.
Margaux
passe la tête. Son petit rire offensant.
– T’as
toujours le cul à l’air, toi ? Eh ben, dis donc !
Elle
l’a toujours. Elle est bien. Ça brûle. Ça irradie dans tous les
sens. Si bien.
Elle
finit par se redresser. À regret. Par se rajuster. Par soulever le
rideau grenat.
Helga
la raccompagne jusqu'à la porte, s’incline cérémonieusement.
– Que
Madame la baronne revienne ! Quand elle voudra. Ce sera toujours
avec plaisir.
Le fouet-fagot. Je ne connaissais pas. Mais je visualise très bien lol.
RépondreSupprimerSi l'on en juge par la fréquence avec laquelle il se retrouve sur les dessins des trente premières années du XXème siècle, il devait être très en vogue à l'époque…
RépondreSupprimerOui mais bon, j'y étais pô. Malgré mon grand âge lol.
RépondreSupprimerCe serait sympa de le remettre à la mode. Tiens, je vais en faire la suggestion à qui de droit.
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