Ça m’est tombé dessus d’un coup, comme ça, sans prévenir.
L’amour fou. Ravageur. Pour Ophélie, une petite nouvelle, qui est
venue, s’asseoir, un beau matin, à côté de moi, au tout début
du cours de cambodgien. On s’est regardées et on a tout de suite
su que, nous, ça ne ressemblerait à rien d’autre. On a fait
l’amour le soir même. On a dormi enlacées. On s’est réveillées
heureuses. Je n’avais plus envie que d’une chose : être
avec elle. La voir. L’entendre. La toucher. L’aimer. Je suis
restée dormir chez elle. De plus en plus souvent. J’y ai amené
des affaires. De plus en plus d’affaires. Je me suis
progressivement désinvestie de ma vie d’avant. De mes passions
d’avant. Marie-Clémence et Ernesta n’ont pas vraiment posé de
questions. Elles ont instinctivement senti que j’étais désormais
ailleurs. Qu’il était inutile d’essayer de me retenir. De toute
façon, elles vivaient, elles aussi, de leur côté, sur un petit
nuage. Elles s’apprenaient. Elles se découvraient. Et passaient le
plus clair de leur temps à écumer les cabines d’essayage, les
piscines, les plages, bref, d’une manière générale, tous les
lieux qui leur permettaient de se montrer peu ou prou. Quant aux
fessées, même si elles restaient très évasives sur le sujet
– après tout, désormais, cela ne me regardait plus –
j’avais cru comprendre que, dans ce domaine, elles se rendaient
mutuellement service et n’hésitaient pas à avoir parfois recours
à des bonnes volontés extérieures.
Sans doute aurais-je pu rester en contact plus étroit avec elles, si
Ophélie avait été à même de partager notre passion. Or, ce
n’était absolument pas le cas. J’avais lancé quelques ballons
d’essai. Elle avait réagi avec une extrême virulence. C’était
un univers qui la révulsait profondément. J’étais amoureuse. Je
ne voulais pas la perdre. Et j’ai définitivement tiré un trait
sur Marie-Clémence, Ernesta et tout ce qui gravitait autour.
Avec Hélène, les choses s’avérèrent beaucoup plus compliquées.
Non pas qu’elle se soit montrée particulièrement insistante ou
vindicatives. Au contraire : elle faisait profil bas. Se
montrait tristement résignée. Ce qui avait le don de me
culpabiliser. Tant et si bien que je suis restée, près de trois
mois, plus ou moins en contact avec elle. Derrière le dos d’Ophélie
dont je redoutais qu’elle ne finisse, un jour ou l’autre, par
l’apprendre. Et par se poser des questions auxquelles j’aurais
été incapable d’apporter des réponses qui la satisfassent. J’ai
donc fini par couper franchement les ponts avec Hélène. C’était
préférable. Pour tout le monde.
Restait Philibert. Qui me prêtait une oreille attentive. Qui m’a
écoutée chanter, des heures durant, les éloges d’Élodie. Vers
lequel je continuais à systématiquement me tourner dès que j’avais
besoin d’un conseil, d’un avis. Et qui m’a soutenue, à de
bras, trois ans plus tard, quand Ophélie m’a brusquement laissée
tomber. Pour une autre. Il m’a fallu de longs mois pour m’en
remettre. Pour sortir enfin la tête de l’eau. Je me suis efforcée
de renouer avec Hélène. Qui m’a clairement fait comprendre
qu’elle ne le souhaitait pas.
– Qui me dit que dans un mois, dans six mois, dans un an, tu
ne vas pas encore me jeter sans autre forme de procès ?
N’importe comment ma vie est ailleurs maintenant.
– Ah, oui ? Où ça ?
– Ça ne te regarde pas. Ça ne te regarde plus.
Marie-Clémence – je l’ai appris de la bouche de sa mère,
sollicitée – était au Canada.
– Pour au moins un an. Peut-être davantage. On ne sait pas.
Ce fut plus.
J’ai vivoté. Je me suis lancée à la recherche de partenaires de
fessées. J’ai erré de désillusion en désillusion. Ce n’était
pas ça. Ce n’était plus ça. Des années ont passé. Je suis
retombée amoureuse ou, du moins, j’ai essayé de me le faire
croire. Sans véritable conviction.
D’autres années ont passé. Que j’ai traversées avec toujours
les mêmes envies sans pouvoir vraiment les assouvir. Ce n’était
pas faute d’essayer pourtant. Mais les fessées qu’il m’arrivait
parfois de donner n’étaient que la caricature de ce que j’avais
jadis connu. De ce que j’aspirais à retrouver.
J’ai eu trente-cinq ans.
Et la solution est venue, une fois de plus, de mon bon ange
Philibert.
FIN DE LA PREMIÊRE PARTIE
Fin de la première partie, oui. Mais le premier chapitre de la "suite" sera mis en ligne sous le titre "Quinze ans après" dès jeudi prochain.
RépondreSupprimerJe me suis toujours douté que le cambodgien était porte-malheur :(
RépondreSupprimerMais attendons donc la suite; la chasseuse chassée chassera-t-elle á nouveau ? xD
D'anciens personnages, mais aussi de nouveaux avec des attentes différentes.
RépondreSupprimerHo la la je dois rattraper je dois rattraper.... J'ai trop de retard moi.
RépondreSupprimerPrenez tout votre temps… Ils vont rester en ligne… ;)
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